LE PRÉSENT, LE FUTUR ET LE PASSÉ DE L'HUMANITÉ
Fin 2022, nous étions huit milliards sur Terre, et l'on est en train de chercher les moyens de nourrir ces innombrables êtres humains et de protéger l'environnement des dégâts qu'ils vont immanquablement provoquer. Alors que si l'on lève légèrement les yeux vers l'horizon, on voit qu'il faut plutôt s’inquiéter de la disparition programmée de l'humanité que de l'excès du nombre d'individus actuels.
Sur le moment, cette inquiétude reste bien naturelle, car la population continue à croitre et atteint un niveau très élevé. D’autre part, toutes les prévisions nous indiquent que la décroissance de cette population est pour bientôt, et qu'une vision réduite au présent et au futur immédiat occulte celle qui nous est nécessaire pour comprendre ce qui se passera dans le futur. Ainsi, pour mesurer à leur juste valeur les inquiétudes écologiques d’aujourd’hui, il faut prendre conscience qu'elles ne seront plus à l’ordre du jour dans deux générations.
Pour représenter le processus démographique en cours, l’image d’un navire qui avance, en luttant de plus en plus malaisément contre un courant contraire, me semble appropriée. Nous observons ce navire qui continue à avancer, en ralentissant sans cesse. Inexorablement, il va finir par se mettre à reculer de plus en plus vite, emporté par le courant. Où va-t-il trouver les forces pour remonter à nouveau le courant, un jour ?
Dès aujourd’hui, une vingtaine de pays voient leur population diminuer. Encore que la donnée statistique la plus significative réside dans l'évolution du taux de natalité : partout, dans tous les pays, y compris dans ceux dont la population augmente le plus, le taux de natalité baisse.
Nous n'aurons pas à attendre plus de 30 ou 40 ans pour ressentir fortement les effets de la baisse du taux de natalité. Déjà, dans plusieurs pays, les adultes n’ont pas l'intention de procréer avant l'âge de 30 ans. Lutter contre cette baisse démographique par une politique de soutien à la natalité n’empêchera pas la norme de rester au niveau d’un ou deux enfants par femme, car avoir une enfant ne relève plus d’un devoir à l'égard de la famille mais d’un désir d'épanouissement personnel.
Bien sûr, la réponse à cette pénurie d’enfants dans les pays dont le taux de natalité est le plus bas sera dans un premier temps celle de l’immigration, provoquant souvent des problèmes économiques et culturels. À plus long terme, la baisse de natalité deviendra un problème mondial plutôt qu’un problème local et il faudra se poser la question de l’organisation d’une société dont la population diminue.
Avant de nous pencher sur l’avenir de l’homme, il parait avisé de jeter un regard dans le rétroviseur, car l’histoire de la démographie humaine fourmille d’enseignements.
Les ancêtres de l’humanité apparaissent au cours d’une période qui se situerait probablement entre 8 et 9 millions d’années, selon les enseignements qui résultent de la découverte en 2000 au Kenya d'Orrorin tugenensis, plus humain que Lucy.
Plusieurs évolutions conduisent à l’homo erectus puis à l’homo sapiens sapiens, qui est l’homme actuel. On ne sait pas avec certitude si les homo sapiens trouvent leurs origines dans plusieurs endroits du monde, ou dans un endroit unique, l’Afrique de l’Ouest, mais on a pu observer en Europe que, depuis 400 000 ans environ, les homo sapiens primitifs ont évolué pour devenir les hommes de Neandertal. Puis ces derniers ont été remplacés par les homo sapiens aux alentours de 40 000 ans auparavant. Depuis, cette période, l’évolution de l’homme n'est plus physique mais culturelle.
L'homme, qui était partie intégrante du milieu naturel et intimement soumis aux évolutions de ce dernier, en devient progressivement le maître grâce aux développements des techniques. Grâce à ces dernières, il parvient à maitriser, plus ou moins aisément, les changements naturels. C'est ainsi, il y a soixante dix mille ans, que l’éruption du mont Toba, à Sumatra est d’une telle violence qu’elle manque de peu de faire disparaitre l’humanité, alors que la Terre se trouve dans une période de refroidissement qui avait éliminé une grande partie de ses moyens de subsistance. Heureusement, l'homo sapiens avait déjà acquis la maîtrise des outils et du feu…
Tandis que le ciel s’éclaircissait peu à peu, l’homo sapiens, qui était réduit à quelques dizaines de milliers d’individus tout au plus, s’est remis lentement de cette catastrophe jusqu’à la révolution agricole d’il y a environ douze mille ans, qui est à l’origine de la croissance démographique actuelle.
À SUIVRE
SUR LA ROUTE DE L'ESPÉRANCE
Ce roman de Fatima Boyer sert de shiromani à un livre de souvenirs, de témoignage et d'engagement pour un statut de la femme comorienne.
Encore que pour moi, c'est en premier lieu un livre rare sur l'expérience vécue d'une jeune Anjouanaise à l'aube de l'indépendance des Comores.
Pour ceux qui sont ignorants de la géographie comme de l'histoire des Comores, le préambule et les autres documents qui précédent le roman seront d'une grande utilité, mais je concentrerai mon compte rendu sur le roman proprement dit, qui, je le redis, n'a de roman que le nom, encore que les aventures vécues par l'héroïne ne soient pas banales.
Raisha était la première des filles de sa famille de douze enfants a être officiellement inscrite au collège, puisque sa grande sœur avait dû se cacher pour fréquenter les bancs de l'école. On pense immanquablement à ce qui se passe aujourd'hui en Afghanistan, qui mériterait d'être plus approfondi avant d'extérioriser son indignation.
À l’adolescence, l'éducation de Raisha, à la fois comorienne et musulmane, ne l’empêche pas de ressentir l’injustice de voir les femmes de son pays écartées de la vie politique, sociale, culturelle et économique. Aussi adhère-t-elle, même partiellement aux buts de la révolution d’Ali Soilihi qui a permis aux femmes de faire entendre leur voix durant son bref règne, entre 1975 à 1978.
Durant cette période, elle se souvient de la panique qui l'avait saisi auparavant, lors de sa première rentrée de classe, alors que habillée de pied en cap et perturbée d'avoir, à la place de sa grand-tante à l'école coranique, une inconnue comme maitresse à l'école française, de devoir écrire de gauche à droite et non l'inverse, elle découvrit, tétanisée, qu'elle n'avait pas été appelée par la maitresse!
La responsabilité n'en revenait pas à son père tout puissant, mais à une confusion patronymique dont elle n'avait pas conscience mais qui fut corrigée une fois identifiée ; elle découvrit dans ces circonstances qu'elle avait d'une part un nom coutumier, Sitti Falaska, et un nom officiel, Raisha Mundhir.
Raisha revient alors aux évènements historiques auxquels elle sera mêlée : après l'indépendance le 6 juillet 1975, il fallut moins d'un mois pour que le gouvernement d'Ahmed Abdallah soit renversé, alors qu'il célébrait à Mutsamudu, lui et son gouvernement, le mariage de la fille d'un ami.
Ali Soilihi, le chef du Conseil National de la Révolution se fit rapidement nommer chef du gouvernement. Mais l'ile de Ndzuani (Anjouan), où s'était trouvé l'ancien chef du gouvernement lors du coup d'état et où il se cachait toujours, était entrée presque naturellement en résistance, ce qui entrainait un blocus qui privait notamment sa population de sel.
Ce blocus se prolongea jusqu'au 29 septembre 1975, date à laquelle un commando de troupes d'Ali Soilihi débarqua dans l'Ile de Ndzuani, suscitant une résistance d'abord armée puis passive.
Les trois années suivantes, ses habitants vécurent dans l'attente d'un coup d'État qui rétablirait le pouvoir d'Ahmed Abdallah. Ce n'était pas le point de vue de Raisha qui travaillait au sein du comité du Utamaduni* et frayait ainsi avec le nouveau pouvoir pour, disait-elle, protéger sa famille. Je pense que ce n'était pas tout à fait vrai, car elle croyait à certains idéaux de la révolution, surtout à celui de la libération des femmes.
En plus, elle le faisait savoir, comme lorsqu'elle lut une déclaration en l'honneur d'Ali Soilihi, suscitant la colère de sa mère qui se disait inquiète des conséquences des prises de position publiques de sa fille, et surtout, qui ne les partageaient pas. Aussi, lorsque Raisha se mit à distribuer des documents de propagande à travers l'ile, sa mère en vint à ne presque plus lui adresser la parole.
La tension entre la mère et la fille menaçait de s'accroitre encore, lorsque Raisha apprit qu'elle allait être appelée à Moroni pour exercer des fonctions politiques plus élevées. Mais le hasard, est-ce bien le hasard, la libéra de ce dilemme lorsqu'elle apprit un jour d'avril 1978 qu'un groupe d'Anjouanais s'apprêtait à fuir Anjouan pour Mayotte. Sans plus réfléchir, elle se joignit spontanément à eux.
Elle se retrouva, au milieu des fuyards, parmi lesquels elle découvrit son propre frère Mlipvwa, dans une 404 bâchée qui ne manqua pas d'être arrêtée par un gendarme soupçonneux. Mais l'excuse, classique, d'un mariage à célébrer auquel s'ajouta "un large sourire et quelques battements de cils" suffirent à le contenter.
Une panne providentielle leur permit de se reposer dans une propriété appartenant à l'un de ses oncles, mais à la fin la vedette prévue pour Mayotte ne vint pas. Il fallut que Raisha retourne chez sa mère, qui la consigna sans explication dans sa chambre. Un nouveau départ fut fixé à midi le lendemain, et cette fois la vedette était au rendez-vous.
Voguant vers l'exil, Raisha se remémora les réformes entreprises par Ali Soilihi. La réforme agraire que les paysans avaient refusé d'appliquer par crainte d'être traités de mauvais musulmans. La langue nationale avec l'alphabet latin que les personnes âgées avaient refusé d'apprendre. Les festivités liées au mariage dont la durée avait été limitée pour limiter les dépenses, suscitant la colère des familles et des commerçants. L'interdiction du voile, auxquelles les femmes âgées qui commandaient à leurs filles, s'étaient opposées.
Cela n'empêchait pas Reisha de s'enfuir à Mayotte, taraudées par les questions contradictoires qu'engendrait cette fuite, son approbation au moins partielle du régime, son impossibilité de s'opposer aux volontés de sa mère et pourtant l'inquiétude des risques que faisait courir à cette dernière, comme à toute la famille, sa fuite soudaine. S'y ajoutait bien sûr son angoisse face à l’inconnu qui l’attendait.
Au bout de presque dix heures de traversée, la vedette arriva au large de Mayotte où elle fut abordée par un canot de la gendarmerie. Raisha se retrouva dans un camp de réfugiés à Dzaoudzi et ce fut le moment pour elle de comprendre le mouvement profond qui avait conduit les Mahorais, à partir du transfert de la capitale de Dzaoudzi vers Moroni en 1962, à la séparation de Mayotte et des trois autres iles des Comores jusqu'au statut actuel de département français.
Ce fut aussi pour Raisha le moment de se souvenir de son amie, Mugu, qui n'accepta de se marier qu'avec un Comorien résidant à Paris. Mugu justifiait ce choix en expliquant qu'elle voulait décider de sa vie, ce qui l'obligeait à fuir sa famille aux Comores. La condition féminine...
Pour sa part, à Mayotte, Raisha jouait la vedette dans un reportage de FR3 sur les réfugiés comoriens, avant de revenir à Mutsamudu après la chute d'Ali Soilihi. C'est alors qu'elle constata avec tristesse le retour en arrière de la condition féminine à Anjouan célébrée par les femmes âgées !
Raisha réussira à s'en évader grâce à ses études, son travail et son mariage en Afrique et en France. Elle visitera le monde, mais elle regrette toujours que les leçons de la révolution d'Ali Soilihi n'aient pas encore porté leurs fruits, quarante-cinq ans après l'indépendance. Cependant, l'espoir n'est pas mort, car Raisha sait que "la jeunesse est porteuse d’audace, d'ambition, de curiosité, de sens de l'entraide et de l'échange".
Un roman ? Un livre de souvenirs ? Plutôt un ouvrage engagé dans lequel l'auteur se sert de son combat personnel afin de porter une espérance pour le futur de son ile chérie...
*Utamaduni: la culture en swahili.
Voici le lien pour obtenir l'ouvrage:
https://www.kalamudesiles.com/
DIRECTEUR OU PROFESSEUR
Avec un peu d'autodérision, je me rends l’hommage suivant : jusqu'ici, jamais je n’ai manqué de me poser des questions existentielles du genre « pourquoi suis-je ici et pas ailleurs ? ».
À Strasbourg, il a fallu peu de temps pour que je me sente écartelé entre le métier de directeur d’École de Commerce et celui de professeur. En outre, si l’on se souvient que j’effectuais des déplacements Strasbourg-Nice aller-retour pratiquement toutes les semaines, ma vie était éclatée entre les deux villes. Je n'étais jamais au bon endroit.
Il me fallait choisir, Strasbourg ou Nice, ce qui signifiait qu'il me fallait décider si je voulais être directeur ou professeur. J'avais accepté la direction de l'IECS par défi, mais je voyais bien que je préférais le métier de professeur à celui de directeur, alors qu'aujourd'hui, à un moment où je suis parvenu au-delà de la fin de ma carrière de professeur, le métier de direction me convient mieux.
Je trouvais alors la problématique de manager un peu vaine, avec ses solutions en demi-teinte qu'il fallait toujours remettre sur le tapis. Car, en management, je le sais depuis longtemps, il n'y a jamais de bonne solution, il n'y a que de moins mauvaises solutions, et pire encore, de moins mauvaises solutions provisoires.
Professeur, c'était plus clair, je préparais, donnais et terminais un cours comme une démonstration qu'il fallait "vendre" aux étudiants. Une fois le cours achevé, c'était fini, je passais à autre chose, le coeur tranquille. De même, j'écrivais un article, qui, une fois achevé et publié, permettait à mon esprit de se tourner tranquillement vers un autre problème. Lorsque, par ailleurs, je montais des programmes à l'étranger que j'avais conçus ou réalisés à la demande, Je pouvais songer à de nouveaux défis dès lors que les précédents avaient abouti.
Directeur, c'était un travail sans fin. Injustement, je n'admirais guère mes collègues directeurs des autres écoles dont je trouvais l'agitation assez vaine. Aujourd'hui, je pense autrement, car je réalise plus clairement la performance que représente le management d’une école. Le seul élément positif de la direction, en dehors du salaire et du pouvoir, me semblait alors se situer dans le travail d'équipe qui permettait des victoires collectives.
Un grave incident qui se déroula quelques mois avant mon départ de la direction montre bien la différence fondamentale entre le métier de professeur et de directeur, autour des notions de responsabilité et de décision, sinon de victoire collective :
L'IECS avait organisé une soirée étudiante, à laquelle j'avais participé comme une bonne partie du personnel de l'école. Parmi les étudiants, une étudiante autrichienne s'était sentie mal dans la nuit et le matin, j'ai appris par le Secrétaire Général, Jean-Pierre Kennel, qu'elle était décédée, victime d'une méningite. Ce matin-là, j'avais un cours de trois heures à donner pour les DEA de gestion et je demandais à Jean-Pierre Kennel d'interroger la préfecture pour déterminer la procédure à suivre, en raison des risques de contagion qui étaient notamment liés à la soirée à laquelle cette étudiante avait participé.
En tant que professeur, j'aurais attendu de connaitre à la fin du cours le résultat de notre investigation. Mais en tant que directeur, j’étais taraudé par la sourde inquiétude que le processus lancé ne se passe pas comme prévu. Ce dernier sentiment l'emporta, ce qui me fit interrompre rapidement mon cours.
Bien m'en avais pris, car j'appris que la préfecture ne répondait pas, empêchée, me disait-on, par une réunion urgente à laquelle les fonctionnaires concernés ne pouvaient pas se soustraire. Je compris que ces fonctionnaires refusaient d'assumer la responsabilité des mesures à prendre et je décidais de les forcer à la prendre : je fis aussitôt envoyer un message signalant au Préfet que je fermerai l'IECS à midi si aucune instruction ne nous était transmise de sa part.
Aussitôt ces fonctionnaires trouvèrent les moyens d'interrompre leur réunion et ils envoyèrent dans l'heure qui suivit une équipe pour administrer un sérum à toutes les personnes présentes. Pour notre part, nous décidâmes, aux frais de l'IECS, de vacciner tous les étudiants et tout le personnel, dès que possible.
Ces décisions prises, exécutées ou en voie de l'être, je reçus un appel téléphonique en fin de matinée de la part de la rédaction de TF1, qui me demanda d'un ton accusateur s'il était bien vrai qu'une étudiante était morte et quelles étaient les mesures que je comptais prendre.
Vous imaginez quel aurait été le communiqué de TF1 pendant le journal de 20 heures si, à l'école, on lui avait répondu que le directeur était pris par un cours et que l'on espérait recevoir bientôt des instructions de la Préfecture afin de passer à l'action. Au lieu de cela, ils me joignirent directement et lorsque je leur expliquai les mesures qui avaient déjà été prises et les mesures à venir, ils me firent savoir assez sèchement, que tout compte fait, le sujet était sans intérêt pour eux.
Dans cette situation, après un moment d'hésitation entre mes devoirs de directeur et de professeur, j'avais rapidement donné la priorité au premier afin de limiter les risques pour les étudiants et le personnel et j'avais évité en outre une très mauvaise publicité pour l'école.
C'est ainsi que j'étais partagé. D'un côté, je me sentais mieux dans le rôle de professeur, d'un autre côté je ressentais ma démission éventuelle de directeur comme une désertion en rase campagne. Je ne cachais pas mes interrogations au Conseil d'administration et ce dernier me chercha un remplaçant; il envisagea de recruter le directeur de l'ESC du Havre, mais cette piste ne s'avéra pas praticable. Pour ma part, j'envisageais un moment de prendre un poste de professeur à Strasbourg, ce qui m'aurait laissé choisir à ma guise le moment de la sortie, mais, on l'a vu, c'était au-dessus de mes forces que d'abandonner définitivement Nice. Mais c'était aussi au dessus de mes forces que de démissionner de la Direction de l'IECS.
J'avais ainsi l'impression d'avancer dans une impasse, et avec moi l'école que je dirigeais, jusqu'au moment où un curieux processus interne me donna la force de m'arracher à l'IECS.
À SUIVRE
LA MORT, LA TERREUR, LA DICTATURE
Le procès de Louis XVI commence, tandis qu’en province des manifestations ont lieu en faveur du roi.
Le 15 janvier 1793, les députés déclarent unanimement Louis Capet coupable de conspiration contre la sûreté générale de l'État et, du 16 janvier au 17 janvier, les 721 députés présents défilent pour se prononcer à haute voix sur la sentence.
Sous la pression des tribunes, le vote de la Convention donne 361 voix pour la mort sans condition, soit une seule voix de majorité, 26 voix pour la mort avec sursis, 43 voix pour la mort avec sursis sous conditions et 291 voix pour un châtiment autre que la mort.
Louis XVI est exécuté par le moyen de la guillotine, le 21 janvier à 10 heures 10, place de la Concorde, alors appelée place de la Révolution.
La fin de la royauté coïncide avec les victoires militaires de la toute nouvelle République. Depuis Valmy, victoire ambiguë acquise par les troupes de Dumouriez le 20 septembre 1792, les troupes françaises ont avancé pour occuper la Belgique. La Convention veut l’annexer afin d’étendre la France à ses « frontières naturelles », les Alpes, les Pyrénées et le Rhin, en somme réaliser les rêves territoriaux des Rois de France.
Mais cela n'effraie pas la Convention : alors qu’elle est déjà en guerre avec la Prusse et l’Autriche, elle décide, pour faire bonne mesure, de déclarer en sus la guerre à l’Angleterre et à la Hollande, et même à l’Espagne. Pour faire face aux deux cent quatre-vingt mille hommes de la coalition qu’elle a décidée d’affronter, la Convention ordonne la levée de trois cent mille hommes supplémentaires, ce qui portera les effectifs de l’armée française à quatre cent soixante-dix mille hommes pour atteindre un million d’hommes fin 1793, en supériorité numérique sur les Alliés.
Cette décision provoque la révolte des campagnes contre la conscription, et notamment celle de la Vendée. Autre revers, Dumouriez, le vainqueur de Valmy, passe aux Autrichiens avec son état-major et le Duc de Chartres qui deviendra Louis-Philippe, le roi des Français de 1830 à 1848. Le Duc de Chartres est le fils de Philippe Égalité, ci-devant Duc d’Orléans qui a voté la mort de son cousin Louis XVI, mais qui sera lui-même exécuté le 6 novembre 1793.
Le régime de la Convention se transforme en dictature pour s’exonérer de toutes les faiblesses et compromissions d’un régime d’assemblée. Le 6 avril 1793 est créé un Comité de Salut Public excluant les Girondins et dont Danton est le maître. Le Comité est destiné à surveiller le Conseil exécutif et l’administration.
Doté de fonds secrets, occupant des centaines d’employés, il dirige la diplomatie, les opérations militaires et la politique économique pour finalement prendre en main la police et l’administration. Dans chaque Département, deux membres de la Convention, véritables proconsuls limogeables à tout moment, sont chargés d’épurer les administrations.
Le Comité de Salut Public est complété par un Comité de Sûreté Générale, qui a la charge de rechercher les suspects, de rédiger les ordres d'arrestation qui sont effectués par des policiers de la Commune insurrectionnelle de Paris et de les envoyer devant le Tribunal révolutionnaire, dont les jugements sont sans appel et exécutoires dans les 24 heures.
Politiquement donc, les Montagnards et la Commune de Paris sont les maîtres, car, avec le Comité de Salut Public, le Comité de Sûreté Générale et le Tribunal Révolutionnaire, ils se sont donné les organes qui leur permettent d’arrêter, de condamner puis d’exécuter n’importe qui.
Aucune structure politique aussi radicale que celle de la Terreur n’existera jamais plus dans le monde, jusqu’aux bolcheviks de Lénine, Trotski et Staline, suivis de Pol Pot.
Il prirent chaque jour des décisions inouïes, dont voici un échantillon avec des décrets pris en deux semaines seulement, entre le 27 mars 1793 et le 09 avril 1793 :
- Le 27 mars, Danton propose d’armer chaque citoyen d’une pique : la liberté de tuer tout un chacun, dés lors qu’il est « suspect ».
- Le 28 mars, les immigrés sont déclarés hors la loi, en d’autres termes ils sont condamnés à mort par contumace.
- Le 29 mars, l’obligation est faite aux propriétaires d’afficher le nom de ceux qui résident chez eux et la peine de mort est applicable contre tout écrivain, imprimeur ou éditeur d'écrits « contre-révolutionnaires ».
- Le 01 avril, l'inviolabilité des députés est supprimée. Ainsi il est possible de terroriser, d’arrêter et d’exécuter tout opposant politique, élu du Peuple ou pas.
- Le 05 avril, les pouvoirs du Tribunal Révolutionnaire sont considérablement accrus et ses jugements sont sans appel et exécutoires dans les 24 heures !
- Le 09 avril, des Commissaires de la République sont mis en place dans les armées, chargés de surveiller la conduite des officiers généraux.
- Le 11 avril, l’assignat a désormais cours forcé. En conséquence, il est défendu de conserver des louis d’or, sous peine de mort.
Des révoltes éclatent dans tout le pays.
À SUIVRE
DE VAGUS CAELI*
J'ai toujours eu la plus grande méfiance pour les gens qui condamnent les autres au nom de leur morale, qu’ils prétendent à la fois prôner et pratiquer.
Avec la participation de plusieurs collègues, j'ai même écrit à ce sujet un ouvrage intitulé "L'impossible éthique de l'entreprise". Pourquoi cette méfiance ? Sauf à me psychanalyser, je n’ai pas d’explication convaincante à fournir, mais j’observe qu’il y a de nombreux sujets en vogue dans la société occidentale qui permettent de jeter l'opprobre sur l'autre, ce qui permet en retour de se doter d'une image de saint, comme le racisme, le féminisme mais aussi l'écologie, qui est le sujet que je souhaite aborder en introduction de cette série de billets.
On voit dans les médias des "justes" fanatisés lancer une sorte de malédiction (d'autres écriraient une fatwa) contre l'humanité parce qu'elle est en train de provoquer mille catastrophes par inconscience et égoïsme.
Grosso modo, voici en effet ce qu'ils proclament, avec la triple bénédiction des médias, des hommes politiques et de certaines organisations scientifiques (mes commentaires sont entre parenthèses):
Vous ne nous écoutez pas, mais l'humanité a d'ores et déjà bouleversé le climat de la terre : les températures augmentent, le niveau des mers s’élève, la glace disparaît, tandis que les canicules, les tempêtes, les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt sont un fléau toujours plus dévastateur qui s’abat sur le monde (une partie de ces informations est inexacte). Les émissions de gaz à effet de serre en sont la cause (ce n'est pas tout à fait sûr) et si notre société ne parvient pas à les éliminer rapidement en acceptant les changements radicaux, la science affirme que l'humanité est condamnée (il est plus que probable qu'à terme l’humanité soit condamnée, mais l'origine de cette condamnation est inexacte).
Pourquoi critiquer ces affirmations qui doivent vous paraitre familières et qui sont peu remises en cause dans l'opinion publique ? Parce qu'elles déclarent se fonder sur une climatologie dont les résultats sont encore incertains. Une climatologie qui a des difficultés à distinguer, avec les données dont elle dispose aujourd'hui, les réactions de la Terre aux influences humaines et celles qui sont dues aux changements naturels.
Aussi, du moment que les injonctions que l'on nous adresse sont impératives comme si elles s'appuyaient sur des certitudes scientifiques, on n’ose plus écrire que nos connaissances actuelles ne sont pas suffisantes pour prévoir comment le climat changera et pour évaluer quels seront les effets de nos actions sur le climat.
Il faut cependant reconnaitre que la température de la Terre s'élève, rompant un équilibre délicat entre le rayonnement solaire qui la réchauffe et la chaleur réfléchie dans l'atmosphère qui la refroidit. Cet équilibre est altéré sans aucun doute par les influences humaines, les gaz à effet de serre jouant un rôle important, mais aussi par des influences naturelles, car le climat ne cesse de se modifier sur Terre et l'homme n’a jamais cessé de s'y adapter.
Comme il semble avéré que l'influence humaine la plus importante sur le climat est la concentration croissante de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, qui est largement due à la combustion des énergies fossiles, l’objectif est de réduire cette concentration.
Or, si elle doit s'accomplir en quelques dizaines d'années, la réduction de l'influence des activités humaines sur le climat implique des efforts extraordinaires. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer la lenteur extrême avec laquelle chaque pays s'efforce de respecter les accords de Paris.
Pendant que l'objectif de réduction des gaz à effet de serre est poursuivi à grand peine, l'humanité est en train de changer, comme si une sorte de conscience collective la poussait à s'adapter.
Dans la suite de ces billets, nous allons donc laisser entre eux les climatologues aux prises avec leurs incertitudes et les opinions publiques livrées à leurs craintes obsessionnelles savamment entretenues.
En revanche, alors que le nombre des humains continue à s'accroitre, nous allons observer l'humanité qui commence à se débattre avec son taux de décroissance qui s'annonce.
*De vagus caeli : Au sujet des incertitudes du climat.
Voir le rapport de l’OCDE :
https://www.oecd.org/fr/environnement/cc/essentiel-gérer-les-risques-climatiques-et-faire-face-aux-pertes-et-aux-dommages.pdf
À SUIVRE
LE MONDE SELON MACHIAVEL
Machiavel étudie l’homme sans passion, comme il étudie un problème de mathématiques, avec le seul souci de la vérité, une vérité qu’il ne faut jamais accepter sans preuve. Il ne retient que les certitudes.
Pour lui, Il ne s'agit pas de savoir ce que la morale approuve ou ce qu'elle réprouve. Cela, tout le monde le sait, et inutilement. Il s'agit de connaître avec précision la juste valeur de l'homme. Pour cela, il a eu entre les mains des âmes de roi, des âmes de pape, des âmes de républicains. Il a manié l'âme des gens qui veulent la paix, l’âme des gens qui veulent la guerre, l'âme des commerçants, des banquiers, des ouvriers l'âme collective du prolétariat, l'âme solitaire des chefs, l'âme réjouie des bourreaux, l'âme acide des suppliciés.
Il ne faut pas lui parler d'âme extraordinaire, il n'y en a pas, il n'y en a pas d'ordinaires non plus, mais elles sont toutes interchangeables. Le pouvoir gouverne toujours comme les gouvernés gouverneraient s'ils avaient le pouvoir. Il en a eu mille exemples. Le prince est partout et n'importe qui : la Terre n'est peuplée que de Princes. Les uns sont en exercice, les autres le sont en puissance.
L'homme qui tue n'as pas de nom propre : c'est l'homme. Mieux : il n'y a pas de monstres, comme l'observe aussi Hannah Arendt.
Cela n'empêche pas que nous tenons à l’idéal ; nous tenons surtout à une conception idéale de nous-mêmes. Nous y tenons tellement que nous sommes disposés à être imprudents, au point de faire confiance à l'autre considéré comme notre propre reflet. Et dès qu'une utopie se prémédite quelque part, on y voit affluer les hommes en mal d’angélisme qui embouchent la trompe pour sonner au bonheur de l'humanité.
Il n'est pas question de bonheur de l'humanité chez Machiavel. Ce que l'on peut construire avec les hommes est très loin, évidemment, d'une construction angélique, mais, si nous en étions à notre première utopie, il faudrait prendre au sérieux la tragique gaucherie de nos gâcheurs d'hommes, avoir beaucoup de respect pour l'homme capable de croire, de se passionner et d'en mourir. Nous admirerions celui qui cherche l'espoir au-delà de sa valeur.
Mais nous voilà trompés une fois de plus et déjà la prochaine tromperie se prépare ; nous courons de l'une à l'autre, comme en extase, les reins chargés de notre intérêt personnel sous prétexte d'intérêt commun. Il faut en convenir: le temps de la mystique est fini.
Le souffle du lecteur suffit à chasser des textes de Machiavel la poussière du passé. L'encre luit comme si la phrase avait été écrite tout à l'heure. Des noms propres viennent aux lèvres. Les événements de la semaine, du jour même, se superposent aux événements de l'ancienne Florence et, miraculeusement, ils coïncident.
Nous lisons dans Machiavel le récit de nos erreurs et de nos révoltes; on nous explique pour quoi et par quoi nous sommes trahis à l'instant même où les faits du jour sollicitent notre confiance. Nous y perdons la foi, comme il se doit en notre époque crépusculaire, qui se situe à l'extrême confins de la Renaissance, depuis que tout est devenu possible et impossible en même temps, que tous les espoirs et tous les désespoirs ont été permis.
Machiavel, c'est l'acceptation tranquille de l'horreur qui est inséparable de toute vie qui se perpétue. Rien n'est plus logique qu'un cadavre en plein champ. On sent tout de suite qu'il y est utile. C'est en tout cas là qu'il y est le moins déplacé. Car on tue dans chaque ferme avec simplicité ; on organise, on émonde, on abat, on arrache, on tond. Le paysan "gouverne" sa ferme, avec comme idée derrière la tête de défendre son intérêt personnel. Rien n'est plus naturel qu'un seau rempli de sang sur le seuil d'une ferme. Presque toujours, c'est un enfant, souvent une petite fille candide ,qui est chargée de battre ce sang avec un petit ballet de bruyère pour qu'il reste fluide et puisse faire du boudin.
Un peu guindé, bourré de rois, de papes et de peuples, mais logique et précis comme un paysan dans ses vignes, Machiavel compose du haut de son cheval les Géorgiques des temps modernes, organise la dernière façon possible de fabriquer de la terre ferme pour des hommes qui vont, peut-être, trouver la machine du monde mais perdre sûrement le ciel ...
D'après Jean Giono en préface à Machiavel.
DE LA ROUTINE À LA CHASSE AUX "COLD-CASES"
Comment était dirigé l’IECS ? Le premier reproche que l'on me faisait, et à juste titre, était que ma présence à Strasbourg était limitée à trois jours et demi par semaine.
Car je me suis accroché aux cours que je continuais à donner à mi-temps à Nice, ce qui me permettait de garder mon poste à l'IAE de Nice. Un temps j'ai hésité à prendre un poste à Strasbourg. J'en ai même accepté un que j'ai ensuite refusé : on peut tout faire dans l'administration à un certain niveau de responsabilité. J'aimais Strasbourg, mais je craignais d'être totalement coupé de Nice et de sa région, qui reste ma région. C'est Maryse Martin qui m'a convaincue de ne pas transférer mon poste à Strasbourg en m'affirmant à juste titre :" si tu transfères ton poste, ils ne te laisseront jamais revenir!". Ils, c'étaient mes collègues qui siégeaient dans la Commission de Spécialistes, amis-ennemis, confrères-concurrents qui n'auraient pas résisté au plaisir de mettre des bâtons dans les roues de mon plan de carrière.
Donc chaque semaine, je quittais Nice le lundi matin pour arriver vers 13 heures à Strasbourg, après une escale à Lyon. J'ai raté de six heures le Lyon Strasbourg qui s'est écrasé le lundi 20 janvier 1992 sur le Mont Saint Odile en fin de journée.
Le lundi après-midi, je l'ai déjà écrit, je commençais par recevoir mon responsable commercial, moment un peu pénible car il me reprochait toujours, et à juste titre, de ne pas visiter assez d'entreprises, mais en revanche il m'apprenait beaucoup sur les entreprises alsaciennes. En outre, je ne m'en suis pas rendu compte sur le champ, il tenait beaucoup à ce rendez-vous où il se sentait reconnu et valorisé. C'est au point que mon successeur, le Professeur Hans Tümmers, qui ne lui accordait pas la même attention, provoqua sa démission au prétexte qu'il n'était plus écouté par le directeur, alors même qu'il recevait toujours un salaire fort important: on néglige souvent l'importance primordiale que les commerciaux accordent à être reconnus.
La suite de l'après-midi était consacrée à un autre rendez-vous rituel, qui résultait d'une sorte d'innovation managériale que j'avais tentée et qui a fonctionné de moins en moins bien, avec le temps. J'avais accumulé une série de problèmes qui n'étaient jamais réglé, parce qu'ils ne s'imposaient pas comme des priorités : par exemple, mettre des casiers à la disposition des vacataires ou passer un accord de coopération avec une université japonaise.
L'une de nos employés que je souhaitais garder étant libérée de son poste, je la chargeais de faire avancer, en mon nom, les problèmes non réglés, on dirait aujourd'hui les "cold cases". Elle devait harceler les personnels et les partenaires pour faire avancer des dossiers qui trainaient depuis longtemps et me rendre compte de leur avancement chaque semaine, le lundi après-midi. Au début, cela a magnifiquement marché, les casiers ont soudain été mis à la disposition des malheureux vacataires qui se plaignaient depuis deux ans de ne pas en disposer ou l'accord avec l'Ambassade du Japon concernant une des meilleures universités de Tokyo a rapidement progressé, puis de semaine en semaine, bien que de nouveaux cas gelés remplaçaient les cas désormais résolus, j'ai vu l'enthousiasme de ma déléguée aux "cold cases" baisser régulièrement.
Je découvris qu'elle avait, elle aussi, ses préférences pour certains problèmes par rapport à d'autres qu'elle évitait d'aborder et qu’elle avait finalement une sorte de tendresse pour un travail plus routinier, ou moins séquentiel. Je fis donc évoluer ses tâches, l'incluant dans une fonction plus régulière, en renonçant de fait à résoudre les questions qui rebutaient tout le monde, y compris celle qui était supposer les affronter tous : mon "innovation managériale" retombait un peu comme un soufflet.
Vous pouvez en déduire qu'il s'agissait plutôt d'une fantaisie ou d'un luxe managérial, mais comme l’IECS était financièrement à l’aise, je pouvais me permettre de tenter des expériences.
Après les « cold cases » je recevais Kostas Nanopoulos, mon adjoint, pour faire le point sur l’ambiance et la stratégie de l’école. C’était aussi l’occasion de voir les personnes les plus impliquées dans son fonctionnement, comme Jean-Pierre Kennel, le secrétaire général, Sabine Urban l’ancienne directrice de l’IECS et concepteur de l’EME (École de Management Européen), Régis Larue de Tournemine et Jacques Liouville en charge de la formation, à l’époque pionnière, à la logistique. Il s’y ajoutait souvent des responsables de la Chambre de Commerce de Strasbourg, de passage à l’école. Bref, le lundi après midi était le moment privilégié, profondément amical, qui nous permettait de partager nos points de vue afin d’exercer une action commune au sein de l’IECS.
Toute cette activité ne parvenait cependant pas à cacher le malaise que je ressentais dans l’organisation de ma vie professionnelle : directeur pour quoi faire ?
À SUIVRE
MASSACRE ET LIQUIDATION
Ce n'était pas un massacre gratuit. Ses bénéficiaires étaient Danton et leurs complices qui se débarrassaient d’opposants sans avoir à en porter directement la responsabilité. En outre, ce massacre terrifiait leurs adversaires, tout en compromettant leurs exécutants qui devenaient leurs obligés.
L'ambiance de ce mois de septembre 1792 est à la haine : l’ambiance est à la haine : un député de la Convention, le bon abbé Grégoire, déclare qui le 21 septembre 1792 en séance : « Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les Cours sont l’atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans.
La Première République issue du coup d’État, n'est pas légitime. Elle s'arroge le mandat de modifier la nature du régime politique en remplaçant l’Assemblée élue par une Convention « chargée » par les putschistes d’établir une nouvelle constitution, qu’elle ne mettra d’ailleurs jamais en œuvre.
Le 10 août 1792, la Révolution s’engage ainsi vers le totalitarisme, un régime qui se prétend issu du peuple, qui se réclame de la volonté du peuple mais qui lui dénie le droit d’être consulté et encore moins celui de changer de régime.
Le 21 septembre, dès sa première réunion, la Convention décide d’abolir la royauté. Le 22 septembre 1792 est donc proclamé le premier jour de l’an I de la République qui devient le 1er jour de l'an 1.
Les sept cent cinquante députés de la Convention se répartissent en trois groupes : composée de politiciens provinciaux, la Gironde souhaite plus de libertés dans les départements. C’est ainsi que Lasource, député du Tarn, demande ingénument « que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d'influence, comme chaque département » ! On ne peut que constater que l’histoire ne lui ait guère donné satisfaction jusqu’à ce jour.
Face à la Gironde, la Montagne s’appuie sur la Commune insurrectionnelle. Malgré une participation au vote de dix pour cent seulement des électeurs, elle n’a même pas réussi à obtenir la majorité au sein de la Convention, c’est dire si elle est minoritaire, peut-être 3% des électeurs !
Entre les deux, certains députés se situent dans le Marais ou la Plaine. Les plus habiles d’entre eux, comme Sieyès, Cambacérès ou Boissy d’Anglas, sauront attendre que les deux premiers groupes s’entredéchirent pour s’emparer du pouvoir après le 9 Thermidor.
Le chef de file des Girondins est incontestablement Jacques-Pierre Brissot, ce qui fait que les Girondins ont aussi été appelés les « brissotins ». C’est Brissot qui a fondé en 1786 la Société des amis des Noirs dont le but est de supprimer l’esclavage aux colonies et qui réussit à faire voter le 24 mars 1792, pour une fois avec l’accord de Robespierre, un décret accordant l'égalité des droits entre les hommes de couleur libres et des blancs. On n’en est pas encore à l’abolition de l’esclavage, même sous la Révolution…
Il s’oppose tout de suite à Robespierre, Danton, Marat, Camille Desmoulins ou Hébert, au sujet de la déclaration de guerre aux puissances européennes. Lui en est fortement partisan afin de lutter contre les menées des émigrés, de propager la Révolution en Europe et de contraindre le roi à prendre parti. Ses adversaires craignent au contraire que la guerre ne signe la perte de la Révolution.
Réélu à la Convention, Brissot a tout de suite le courage de flétrir les massacres de septembre 1792 puis de s’élever avec énergie contre la condamnation à mort du roi, tout en se résignant à voter sa mort dans la mesure où ce vote lui paraît inévitable tout en l’assortissant de la condition expresse que le jugement ne sera exécutoire qu’après avoir été ratifié par le peuple.
Cette condition n’est nullement respectée et ne sert qu’à exaspérer les Montagnards. Accusé de royalisme et de fédéralisme, poursuivi par la haine de Robespierre, Brissot sera finalement arrêté le 2 juin 1793, condamné à mort le 30 octobre 1793, avec vingt-et-un de ses collègues girondins et guillotiné le lendemain, à l’âge de trente-neuf ans.
Louis XVI, qui ne se faisait aucune illusion sur l’issue de son procès, écrivit son testament la veille du début des audiences, le 25 décembre 1792.
A SUIVRE
LA GUERRE OU LA GUERRE
Depuis mon dernier billet sur l'Ukraine, le 30 juillet 2022, j’ai pris le temps d’observer l’évolution de la guerre. Ses enjeux, son déroulement sont devenus plus clairs. Faisons le point.
Je n’adopterai pas l’angle d’attaque de LCI, façon western à l’ancienne, où les méchants sont les Russes et les bons, toujours gagnants à la fin, sont les Ukrainiens. Selon cet angle, mon billet serait très simple :
- Poutine a tort. Zelenski a raison et avec lui les Américains et les Européens.
- Puisque Poutine a tort, il va perdre. Reste à fournir à Zelenski aussi vite que l'on peut le plus de matériel possible jusqu’à ce qu’il écrase les Russes et reconstitue le territoire originel de l’Ukraine, Crimée comprise.
- Viendra ensuite une Russie qui chassera Poutine (ou le tuera, à moins qu’il ne se suicide), deviendra démocratique, fera son mea culpa et obéira aux Américains et aux Européens.
Si vous croyez que ce scenario de western est le bon scenario, vous allez avoir quelques difficultés à me lire.
Tout d’abord, j’ai remarqué que les gentils sont toujours les vainqueurs, puisque ce sont eux qui distribuent les bons et les mauvais points. Attendons donc encore un peu pour les identifier, car je suis sûr, et sur ce point je pense avoir votre accord unanime, que la guerre est loin d’être finie.
En outre, toujours avec votre probable accord unanime, j’observe une montée régulière dans la fourniture, en quantité et en qualité du matériel fourni à l’Ukraine. Nous en sommes aux chars lourds, type Léopard. Zelenski nous demande, et jusqu’ici nous avons toujours fait droit à ses requêtes, de lui fournir des avions de combat et des missiles longue portée. Je me demande quand est-ce qu’il va nous demander de lui envoyer, pour l’aider, des forces constituées européennes, des brigades ou même des divisions ? C’est ici que se situera un point clé, parce qu’il s’agira d’un engagement coûteux en hommes et plus seulement en matériel.
Jusqu'ici je suppose que tous mes lecteurs sont d'accord avec moi, tant je suis purement factuel.
Allons donc un peu plus loin. Reprenez la troisième étape du western type LCI: "la Russie a perdu, elle chasse Poutine et vient un gouvernement qui fait son mea culpa et se soumet aux États-Unis et à l'UE". Si vous croyez à ce scenario, vous avez raison de pousser à la guerre pour qu'on en finisse le plus vite possible et que tout redevienne comme avant que le méchant Poutine n'envahisse la gentille Ukraine.
Pour ma part, Je ne crois pas à ce scenario rêvé, mais nous pouvons convenir que ce scénario n'est pas certain. Regardons donc l'autre hypothèse, celle qui imagine que les Russes résistent ou même, horribilis res, gagnent. J’ai aussi remarqué que c’était assez dangereux de sous-estimer l’adversaire et la guerre que mène la Russie contre l'Ukraine me rappelle assez celle qu'elle a mené en 1940 contre la Finlande, résistance héroïque des Finlandais, lent retour des troupes russes avant un traité de compromis.
Pourquoi cette autre hypothèse pourrait arriver ? Regardons le processus qui serait susceptible de nous y conduire.
Pour le moment, ce sont plutôt les Russes qui avancent en Ukraine, lentement d'ailleurs et nous dit LCI, qui ne s’informe qu’auprès des Ukrainiens, avec de lourdes pertes. Pourquoi les Russes l’emporteraient-ils ? Les Russes se battent avec détermination et les Ukrainiens aussi. Simplement, on trouve cent cinquante millions d’habitants en Russie contre trente-cinq millions dans la zone non occupée de l’Ukraine, moins les huit millions qui se sont réfugiés en Europe. Ce sera dur de mobiliser de plus en plus d’hommes en Ukraine, alors qu’un nombre croissant d’entre eux ont rejoint leurs femmes et enfants sur la Côte d’Azur où presque tout est gratuit pour eux, au point que les réfugiés des autres pays y voient une injustice : les délices de Capoue menacent l’héroïque légion ukrainienne.
Cependant il est possible que l'envoi de matériel supplémentaire permette aux Ukrainiens de contre-attaquer, peut-être pas. S'ils n'y parviennent pas, soit on négocie, soit il faudra envoyer d’autres matériels, comme les avions demandés par Zelensky. Mais il faut du temps pour former des pilotes à de nouveaux avions, car ce ne seront probablement pas des Mig, et donc se posera la question d’envoyer des pilotes avec.
En outre, si les avions ne suffisent pas, il faudra envoyer des troupes constituées, sachant que l’on trouve déjà en Ukraine nombre de forces spéciales, surtout américaines et anglaises, plus des instructeurs et des volontaires.
Mais le point crucial sera celui de l’engagement des forces régulières européennes et américaines, ce qui équivaudrait à une déclaration de guerre officielle, par exemple entre la France et la Russie. Je ne suis pas sûr que les gouvernements se lanceront dans cette voie, d’autant plus qu’il est probable que les opinions publiques, même chauffées à blanc par LCI et les autres médias, seront enthousiastes pour se lancer dans une guerre directe contre la méchante Russie pour soutenir la gentille Ukraine. En Pologne sans doute oui? En France?
J’ajoute que les États-Unis seront les plus réticents de tous, car ils s’approcheraient fortement d’une guerre nucléaire.
À ce stade, soit on négocie sous la probable pression de l’opinion publique, soit les gouvernements européens, prêts à perdre leurs élections au profit d’une vague populiste, s’y lancent, nonobstant les pertes importantes de troupes. Pour les Français, il ne s’agira plus de 50 hommes en dix ans comme au Mali mais plutôt par jour.
Cependant, si l’on continue à raisonner selon ce mode pessimiste ou réaliste, rien ne prouve que les troupes occidentales l’emporteront, car si l’on peut envisager que les Russes effrayés par les troupes de l’OTAN capitulent, ils peuvent aussi se dresser dans un sursaut nationaliste et mobiliser quelques millions d’hommes. C’est alors que l’on peut encore décider soit de négocier, soit de se lancer dans une guerre nucléaire partielle. Si cette dernière échoue, ce sera donc une dernière chance de négocier avant de se lancer dans une guerre nucléaire totale, et à ce stade, je ne sais pas si cela vaut la peine de se risquer à en prévoir l'issue.
Donc, à quelque étape que l’on se trouve, si les Russes l’emportent, ce qui serait logique compte tenu du rapport des forces, il restera toujours l’option de négocier, c’est-à-dire, ne nous le cachons pas, d’une manière ou d’une autre, de capituler.
Si cela vous parait insupportable, il ne vous reste plus qu’à prier pour que les Ukrainiens l’emportent ou à vous résigner à la guerre totale, quitte à tous mourir. Après tout l’Ukraine vaut bien le Dantzig de 1939 et « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », comme disait Paul Reynaud, qui n’y a pas cru très longtemps. Mais, quand on est dans son bon droit, il faut aller jusqu’au bout, même si on n’est pas du tout sûr de l’emporter.
Cependant, vous voulez probablement connaitre mon avis, à moins que vous l'ayez déjà compris, puisque vous me lisez. Je pense que compte tenu des incertitudes de la montée aux extrêmes, où les Russes me paraissent plus à l’aise que nous, Européens, il vaudrait mieux négocier tout de suite, c’est moins glorieux mais moins coûteux pour les deux parties.
Et toutes mes excuses aux « consultants » de LCI et à leurs fidèles téléspectateurs (1,7 % du PAF), qui voudront bien me pardonner une conclusion aussi piteuse...
À SUIVRE (PROBABLEMENT)
MACHIAVEL, LE MODERNE
MACHIAVEL, LE MODERNE
La Renaissance s'efforce de voir les choses telles qu'elles sont et non plus à travers l'illusion chrétienne. À partir de ce principe, Dieu ne créa plus les rois et Machiavel se résolut à écrire le Prince.
Il s'y résolut après une longue expérience des choses. Sur l'échiquier dont il parle et sur lequel il a joué de nombreuses parties, il n'y a pas de pièces vertueuses. En proie avec les tours, les cavaliers, les canons, les soldats et l'Assassin, le Roi ne peut pas se dégager en faisant appel à la clémence, la générosité ou la bonté de l'adversaire. Ces pièces morales n'existent dans aucun camp, car il s'agit de prendre possession d'un royaume qui n'est plus au ciel mais sur la terre ferme.
Pendant la Renaissance, on a découvert l'Amérique et la route des Indes par le Cap, et, de ce fait, les richesses ne sont plus fabuleuses. Auparavant, toutes les cailles que l'on avait manquées dans ce monde ci tombaient rôties dans l'autre. Maintenant, l'on sait qu'il faut s'occuper soi-même, le plus vite possible, de toutes les jouissances que l'on désire.
Plus de calendes grecques.
On est désormais entre êtres humains et rien d'autre.
Le monde est devenu petit.
Nous avons plusieurs façons de lire Machiavel. L'une d'elles consiste à chercher dans ses écrits un traité de politique. Mais, au fond, instruits par l'expérience et la masse d'information que nous recevons, nous en savons plus que Machiavel. Nous pouvons viser le même but que lui et plus vite que lui.
Simplement, nous avons moins de franchise, car, à vrai dire, c'est sa franchise qui nous étonne, pire encore, qui nous intimide.
De nos jours, l'honnête homme parle volontiers des droits de l’homme. Il s'offusque lorsqu'ils ne sont pas respectés. Mais en réalité, ces droits nécessitent la contrainte pour ne pas être totalement bafoués. Car, même sous la contrainte, la plupart du temps ces droits sont tournés, retournés, détournés. Déjà, dans les simples rapports de commerce, on a recours au contrat à chaque instant, on signe à qui mieux mieux, on multiplie les signes d'engagement, car on sait à quel point les engagements sont précaires.
Et que dire alors des contrats de travail, dont les procédures doivent être respectées à la lettre sous peine de nullité ? C'est que dans le domaine social, le contrat n'a jamais cessé d'être tourné, malgré toutes les protestations de bonne foi.
Il y a même certitude de mauvaise foi dès qu'il y a affirmation répétée de bonne foi.
Dans ce monde, un démenti confirme.
Sur ce point, Machiavel apporte une franchise d'acier. Dès que le contrat se discute, il déclare qu'il sera tourné et quand il est signé, il démontre que la signature ne vaut rien, qu'elle n'engage rien de réel, que l'on vient, tout simplement de perdre son temps. Il défend que l'on parle de bonne foi ; il a même la loyauté de proclamer, avant que les débats ne commencent, qu'ils seront essentiellement présidés par la mauvaise foi.
En cela, il ne s'occupe que de la stricte vérité et à ce titre il est le premier écrivain moderne.
Une autre façon de lire Machiavel est de l'accompagner dans son étude de l'homme, puisqu'il cherche à comprendre comment l'homme peut être gouverné par l'homme, Machiavel est logiquement amené à étudier l'homme et c’est sur ce chemin que nous pouvons aussi l’accompagner.
Pour qui subit la politique plutôt qu'il ne la fait, être berné est chose commune ; en revanche, ce qui importe est que nous croyons à un pouvoir sans limite de l'homme. Non seulement, nous croyons à une valeur de l'homme, mais à la valeur de l'homme. Nous dressons des plans pour une super-humanité, des plans orgueilleux. Nous sommes dans le paroxysme de l'ambition humaine.
L'homme de Machiavel, ce n'est pas le méchant, c'est n'importe quel homme dès qu'il pose en principe que le monde matériel perceptible par ses sens est la seule réalité et qu'en dehors de cette réalité, il n'y a rien.
C'est l'homme d'aujourd'hui.
À suivre.