Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

LE LENDEMAIN ET APRÉS?

13 Janvier 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE LENDEMAIN ET APRÉS?

LA FRATERNISATION DE MAI 1958

Comment ne pas saluer l’émotion qu’ont exprimée les millions de personnes qui ont défilé à Paris et dans de nombreuses villes en France et à l’étranger ?

 

Cette émotion autour de la valeur « liberté » me rappelle d’autres  émotions collectives, fortement liées à celle du 11 janvier 2015.  Pendant deux semaines, en mai 1958, Alger fut le théâtre de manifestations impressionnantes rassemblant des foules de toutes origines sous les plis du drapeau tricolore, pour démontrer à la métropole leur volonté unanime de rester françaises. 

Naturellement, par la suite, le FLN nia la spontanéité de ces manifestations et De Gaulle contesta leur importance. Le 18 mars 1962, les accords d’Evian signifiaient que les Algériens musulmans étaient tellement différents des Français non musulmans qu’ils n’avaient plus leur place dans la République Française.

C’était une nouveauté extraordinaire. Car en novembre 1954, le Président du Conseil, Pierre Mendés France, avait déclaré devant l’Assemblée Nationale : « L’Algérie, c’est la France, et non un pays étranger que nous protégeons ». C’est ce que pensait la majorité des dirigeants comme de la population française et à cette date tous les Algériens étaient, en droit, des citoyens français. En conséquence, pendant le déroulement de ce que l’on appelait les « évènements d’Algérie », les autorités françaises, conscientes des différences, étendirent exponentiellement les droits de la citoyenneté pour les français musulmans et mirent en œuvre des politiques publiques fondées sur la discrimination positive à leur bénéfice, en France métropolitaine comme en Algérie.

 

On ne saura jamais s’il y avait vraiment une chance, en mai 1958, pour que les Français « musulmans » d’Algérie deviennent enfin pleinement français…

 

Mais le problème algérien semblait trop lourd pour la métropole. Pour s’en débarrasser, l’idée s’est imposée, sous l’impulsion d’un De Gaulle expéditif, que l’Algérie devait être indépendante parce que les Algériens n’étaient décidément pas des Français.

Cela permettait d’éviter de regarder de front la question des différences raciales, ethniques et religieuses, d’autant plus que la République Française s’était toujours refusée, en fonction de ses principes universalistes, à établir des différences entre les races. C’est ainsi que la Ve République a donné naissance à une république presque entièrement européenne en expulsant les Algériens hors de France, tout en proclamant, contre toute évidence, qu’elle maintenait fermement ses principes fondateurs.  

Mais voilà, les Algériens, les Maghrébins et bien d’autres sont venus s’installer sur le sol de l’ancienne métropole et les voici à nouveau Français. Toutefois, ils ne sont pas très contents. Ils se plaignent de discriminations, ils trouvent que l’on insulte leur religion, ils réclament des droits spécifiques, le voile, la nourriture halal. Face à ces différences, qu’a fait la République ? Jusqu’ici, elle s’est contentée de les nier.

 

C’est ainsi qu’en ce début 2015, nous sommes ramenés à mai 1958.

 

À cette époque, la France avait la possibilité de construire une communauté nationale allant de « Dunkerque à Tamanrasset », à condition d’appliquer vraiment les principes de l’universalisme. Demain, allons-nous encore rejeter, sans naturellement le dire ouvertement, les français arabes, maghrébins ou musulmans selon qu’on les catégorise en fonction de critères raciaux, géographiques ou religieux? Ils auraient alors vocation à être réprimés ou expulsés à nouveau de la République.  

Ou bien allons nous construire une République qui les accueille dans leurs différences en leur imposant les devoirs afférents ?

Dans le premier cas, une nouvelle guerre, de France cette fois-ci, commence avec son cortège d’attentats et de contre guérilla. Les actes terroristes poussent dans ce sens tandis que les autorités, faisant étrangement écho au Mitterrand de 1954, déclarent d’ores et déjà que la France « est en guerre » et mobilisent dix mille hommes, plus que l’ensemble des effectifs engagés dans les opérations extérieures, pour commencer à y faire face.

Dans le second cas, allons-nous être enfin prêt à faire face aux différences, à les reconnaître et à les organiser ? De Gaulle nous aurait alors fait perdre 56 ans et Tamanrasset, mais après tout il n’est jamais trop tard pour reconstruire.

 

En écho à cet espoir, on peut croire, ou du moins espérer, que les marcheurs et les non marcheurs aient voulu exprimer, par leur émotion, qu’il était temps de nous réinsérer dans le fil de l’histoire, brisé quelque part entre 1958 et 1962.

 

 

PS : On lira avec profit sur ce sujet l’ouvrage de Todd Shepard: 1962, Comment l'indépendance algérienne a transformé la France, Payot, 2008.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
l'alliance aveugle de la france à l'oncle sam risque de déconnecter les musulmans de la culture française et cela fragilisera au fil des temps futurs la diplomatie franco-musulmane ! UNE COMPARAISON S'IMPOSE ENTRE LA FRANCE D'AVANT 62 ET 2014 !
Répondre