LE POINT FINAL
10 Septembre 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
UNE VUE DE HAMBOURG
Ainsi, en juin 1978, mon état de transe doctorale prit fin, sans que je parvienne à m'en prémunir.
Haletant sous le poids de l’écriture, je décidais un soir de souffler un peu et de rencontrer mes prochains. Le lendemain, le collier se révéla difficile à reprendre et je me mis à écrire de manière sporadique, alternant les pauses, les courses à faire, la résolution des problèmes en suspens et la thèse. J’étais retombé dans l’ornière, alors que le but était en vue.
Le coup de grâce fut porté à mes efforts vacillants lorsque je décidais de me rendre à Puget-Théniers, dont j’étais l’un des conseillers municipaux fraichement élu, pour assister au lancement d’une extraordinaire opération qui malheureusement se révéla éphémère.
Je ne sais pourquoi, une école allemande de musique avait décidé d’organiser sa session d’été à Puget-Théniers, qui se retrouva envahie par six cent jeunes musiciens allemands, jouant du piano, du violon, du violencelle, du hautbois, de la harpe aussi bien que du saxo ou de la batterie, à moins qu'ils ne se contentent de constituer des chorales sur les placettes de la ville, qui s’en trouvait extraordinairement animée!
Cela ne plaisait qu’à moitié aux habitants dont certains n’hésitaient pas à évoquer une forme d’occupation qui rappelait à certains de mauvais souvenirs, mais enchantait les commerçants qui voyaient arriver non seulement les jeunes mais leurs parents en visite. Le Crédit Agricole de Puget-Théniers devint ainsi pendant la durée de leur session musicale, le premier bureau de change des Alpes-Maritimes.
Parmi les Pugétois, j’étais l’un des rares qui pouvait (et qui voulait) échanger avec eux, un peu en allemand et beaucoup en anglais. Je me plongeais avec délices dans cette ambiance un peu hors sol, qui était exactement ce qu’il me fallait pour oublier complètement la thèse.
Quand j’en émergeais, nous étions en septembre 1978 et c’était le temps de me rendre, hasard total, à Hambourg où se tenait le congrès de l’IIFP, dont on se souviendra que j’avais co-organisé celui de Nice avec le futur Premier Ministre de Hongrie. L’occasion de revoir, en dehors du Congrès proprement dit, quelques protagonistes de l’école de musique dans leur ambiance de vie et de travail.
Celle me permit aussi d’apprécier Hambourg, cette magnifique ville hanséatique rasée par les bombardements anglais de l’opération Gomorrah qui fit quarante mille morts et un million de sans abris. Depuis ce cataclysme, la ville a ressuscité grâce à l’extraordinaire ténacité des Allemands du Nord.
Aussi, à la mi-septembre 1978, je n’avais toujours pas fini ma thèse et je cherchais en moi-même les ressources morales pour en finir. Je me résolus à écrire les quelques dizaines de pages qui manquaient, la fin du dernier chapitre, la conclusion, l’introduction, la bibliographie, les annexes et la table des matières, portant le volume de la thèse à six cent deux pages. Une fois les questions dactylographiques réglées (nous étions dans la période pré informatique, une sorte de préhistoire de l'écriture), il fallut s’occuper du tirage et de la reliure.
Puis les membres du jury furent consultés, la période de soutenance fut fixée dans le courant du mois de décembre 1978, mais les contraintes conjuguées des emplois du temps des cinq membres du jury firent que la date retenue de soutenance fut fixée au 2 janvier 1979.
Ce glissement de la date de soutenance eut des conséquences importantes sur le déroulement de ma carrière…