LOUISBOURG AU BOUT DE LA RÉSISTANCE
Sans renforts, le combat était perdu d’avance compte tenu de l’énorme disproportion des forces, à quatre contre un pour les soldats et à dix contre un pour les bateaux, sauf si les Français parvenaient à résister trois mois avec l’arrivée de l’automne qui rendrait impossible le maintien des navires en mer et des troupes à terre. C’était l’espoir des assiégés.
Tout d’abord, quelques navires essaient de s’échapper du piège. Une frégate tente de profiter de la brume pour faire voile sur Québec, mais les vigies anglaises la repèrent, deux frégates de la Navy la prennent en chasse, la rattrapent et la capturent. La Marine Royale a positionné un vaisseau de 56 canons et cinq frégates dans la passe, entre le port et l’océan, pour en bloquer l’accès aux assaillants. Ils sont coulés entre les 28 et 29 juin.
Le 9 juillet, une sortie en force des navires les plus puissants échoue. Il reste encore cinq vaisseaux coincés dans le port, deux de 74 canons et trois de 64 canons, qui se retrouvent à portée des canons britanniques et le 21 juillet, une bombe finit par toucher le Célèbre, un vaisseau de 64 canons.
Elle provoque un incendie que les quelques hommes présents à bord ne parviennent pas à circonscrire. Le bateau explose et part à la dérive. Les flammes atteignent les voiles du vaisseau de 74 canons, l’Entreprenant et du Capricieux, un vaisseau de 64 canons, tandis que les canons anglais concentrent leur tir sur les trois bâtiments pour empêcher les équipages de venir à bout des incendies. Les navires embrasés illuminent tristement la ville, les tranchées, le port et les montagnes environnantes et ne sont plus que des épaves au matin du 22 juillet.
Un fort vaisseau de 80 canons, le Formidable, se présente devant Louisbourg mais doit se replier face à la masse des forces maritimes anglaises rassemblées.
Les coups portés aux assiégés s’intensifient. Le surlendemain de l’incendie des trois vaisseaux, le 23 juillet, un coup au but provoque un grave incendie dans le Fort du Roi qui abrite l’état-major français et constituait en 1758 la plus grande construction d’Amérique !
Le 25 juillet, un raid nocturne, mené par des chaloupes à la faveur d’un épais brouillard, permet aux anglais d’incendier le Prudent, un vaisseau de 74 canons et de capturer le Bienfaisant, un vaisseau de 64 canons. Désormais, les forces navales françaises à Louisbourg sont totalement anéanties, ce qui signifie la rupture des communications avec la France et la disparition de toute perspective de secours. Les assiégés n’espèrent plus qu’en l’arrivée d’un hiver précoce, mais le mois d'août n'est même pas entamé et il leur parait de plus en plus illusoire de pouvoir tenir jusqu'aux premiers flocons de fin septembre.
Car, après les bombardements incessants, après l'élimination de la flotte française dans le port et après la destruction de la ville et malgré les efforts des soldats français, malgré le courage de Mme Aubert de Courserac, la femme du gouverneur, qui n'hésite pas à tirer du canon, la chute de la forteresse était inéluctable. Français et Britanniques le savaient depuis le premier siège de 1745: la France était incapable de déployer en Amérique des forces équivalentes à celles de la Grande-Bretagne.
Lorsque le commandant français, le chevalier de Drucourt se résigne à négocier les conditions de capitulation, il est stupéfait et scandalisé de recevoir la lettre suivante (en français) des commandants britanniques, le général Amherst et l’amiral Boscawen : « En réponse du billet que je vient d'avoir l'honneur de recevoir de votre excellence par les mains du sieur Loppinot, je n'ai à répondre à votre excellence qu'il a été décidé par son excellence l'amiral Boscawen et moi que ses vaisseaux devaient entrer demain pour faire une attaque générale sur la ville.
Votre excellence sait fort bien la situation de l'armée et de la flotte, et comme son excellence Monsieur l'Amiral ainsi que moi désirons forts d'éviter l'effusion du sang, nous donnons une heure après le reçu de celle ci que votre excellence peut se déterminer de capituler comme prisonnier de guerre ou prendre toutes les mauvaises conséquences d'une défense contre cette flotte et l’armée.
Nous avons l'honneur d'être avec des très parfaites considérations,
Boscawen, Jeff Amherst »
La proposition était humiliante, alors qu'ils avaient combattu vaillamment durant des semaines. Aussi, le conseil de guerre français décida qu'il fallait «se défendre jusqu'à la dernière extrémité» et transmis aux britanniques une proposition de capitulation de seize articles prévoyant, entre autres, les honneurs de la guerre. Mais comme Amherst et Boscawen demeurèrent intraitables et refusèrent toute discussion à ce sujet en répondant par le billet suivant: « Monsieur,
Nous venons de recevoir la réponse qu'il a plu à votre excellence de faire sur les conditions de la capitulation qui vous ont été offerts. Nous ne changerons point dans nos sentiments là-dessus, il dépend de votre excellence de les accepter oui ou non et vous aurez la bonté de donner réponse là dessus dans demi-heure de temps
Nous avons l'honneur d'être signé Boscawen, Amherst », le gouverneur Drucourt et le conseil estimèrent qu'ils n'avaient plus le choix et décidèrent de subir l'«attaque finale»:
« Messieurs,
Pour répondre à vos excellences en aussi peu de mots qu'il est possible, j'aurai l'honneur de leur réiterer que mon party est le même et que je persiste dans la volonté deprouver les suittes de l'attaque générale que vous m'annoncés.
J'ai l'honneur d'être signé le chevalier de Drucourt »
À SUIVRE