EXTERMINER LES INDIENS PAR LA VARIOLE
Tout le monde sait, plus ou moins confusément, que les Indiens d’Amérique ont été victimes de maladies importées par les Européens et on ne peut pas croire que ce fut en partie volontaire.
On se trompe.
À la fin de l’ère précolombienne, en l’absence de données fiables à l'exception du Codex Mendoza qui fournit la liste des tributs versés à l’Empereur des Aztèques en 1519, on évalue le nombre des Amérindiens pour l’ensemble de l’Amérique de quarante à cent millions et de sept à douze millions pour la seule Amérique du Nord.
Ces populations subissent à partir du XVIe siècle un choc viral d’une violence inouïe. Les épidémies de variole, de typhus, de grippe, de diphtérie, de rougeole, de peste, ainsi que des maladies telles que la coqueluche, la rougeole ou la variole auraient tué environ 80% de la population indigène. Aussi, on pourrait croire que seule la fatalité est en cause lorsque l’on apprend que cinq cent mille Amérindiens peuplaient le Nord Est de l’Amérique du Nord avant l’arrivée des colons britanniques mais qu’ils n’étaient plus que cent mille au début du XVIIIe siècle.
On aimerait le croire, mais lors de mon dernier billet, j’ai signalé le cas de Jeffrey Amherst, commandant en chef des troupes britanniques qui a fait distribuer aux Indiens des couvertures contaminées par la variole pour les éliminer. J’ai cherché des détails sur son comportement et voici ce que j’ai trouvé sur cette conspiration digne des nazis :
Henri Bouquet (1719-1765), un mercenaire suisse, est entré au service de l’armée britannique en 1756 avec le grade de lieutenant-colonel. À partir du mois de mai 1763, Pontiac, un chef de guerre des Outaouais, soulève les Amérindiens afin qu’ils ne soient pas chassés de leurs terres par les colons et s’empare de plusieurs forts tenus par les Anglais. Pour le combattre, Bouquet rassemble à la hâte cinq cent hommes, essentiellement des mercenaires écossais. Le 5 août 1763, il bat les Indiens à la bataille de Bushy Run, puis libère Fort Pitt.
À la suite de cette victoire, il est nommé commandant de Fort Pitt. Le général en chef britannique Amherst lui ordonne alors de «répandre la variole parmi la vermine», la «vermine» étant les Indiens pour Armherst, à quoi son subordonné, le colonel Henry Bouquet répondit qu’il l’avait fait au moyen de couvertures contaminées provenant de l'hôpital du fort. Et ca marche ! On constate en effet qu’une épidémie de variole s’est effectivement répandue au voisinage de Fort Pitt parmi les Amérindiens en 1764.
Voici le ton des lettres de Bouquet échangées avec Armherst, qui témoignent de la volonté d'exterminer la population amérindienne:
Bouquet à Amherst, le 25 juin 1764 : « I would rather chose the liberty to kill any Savage... »
Amherst au Sire William Johnson, Superintendent of the Northern Indian Department, le 9 juillet 1764 : « ...Measures to be taken as would Bring about the Total Extirpation of those Indian Nation.»
Amherst à George Croghan, Deputy Agent for Indian Affairs, le 7 août 1764 : « ...their Total Extirpation is scarce sufficient Atonement... »
Amherst à Johnson, le 27 août 1764 : « ...put a most Effectual Stop to their very Being ».
Les couvertures infectées de variole ne furent pas le fait d’initiatives excessives de subordonnés pris dans le feu des combats, mais un outil d'une politique murement réfléchie et ordonnée au plus haut niveau de l’armée britannique : obtenir «the total extirpation of those Indian Nation », arracher, détruire, faire disparaître les nations indiennes…D’ailleurs, pour récompense de ses « exploits », Bouquet est promu l’année suivante général de brigade et placé à la tête de toutes les forces britanniques dans les colonies du Sud. Mais un châtiment divin l’atteint presque instantanément, puisqu’il meurt au sud de la Floride le 2 septembre 1765, victime de la fièvre jaune. Il aura eu ainsi une idée intime de ce qu’il avait fait subir aux Amérindiens.
Dommage pour les Indiens que les Français n’aient pas pu conserver le Canada, car ils leurs auraient permis d’échapper à la volonté exterminatrice des Britanniques qui ont utilisé la méthode des couvertures infectées lors d’autres conflits, comme en Nouvelle-Zélande.
Concernant les seuls Etats-Unis, l'anéantissement des Amérindiens, le bombardement sans merci des civils allemands en 1944-1945, la destruction par l’arme atomique de deux villes pleines de civils japonais en 1945, les sept millions de tonnes de bombes utilisées au Vietnam et ses trois millions de morts, les Irakiens tués par centaines de milliers sans compter les Syriens et les Libyens, Trump utilisant avec fierté une bombe géante en Afghanistan, l’idée est toujours la même : soyons pratique, si nous faisons la guerre, utilisons tous les moyens à notre disposition pour gagner au moindre coût, quel que soit le nombre de victimes chez l’adversaire. La sécurité des Etats-Unis, utilisée à tout propos, justifie même l’assassinat, à l’aide de drones, de supposés terroristes à dix mille kilomètres du pays qu’ils sont supposés « menacer ». Elle justifie aussi, bien sûr, les mensonges, l’espionnage et les génocides, avec la meilleure conscience du monde.
À partir de cette affaire de couvertures infectées de variole traitreusement remises aux Indiens, on détient la clé de la vision du monde par les Etats-Unis, qui ne date pas d'hier.
You can’t be too careful!