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Le blog d'André Boyer

À DAKAR, LA SIESTE ET AUTRES TÂCHES URGENTES

13 Février 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

À DAKAR, LA SIESTE ET AUTRES TÂCHES URGENTES

 

Laissons ces considérations sur la stratégie de la coopération française vis à vis de l’Afrique, pour revenir à notre installation à Dakar à l’automne 1980.

 

J’ai mentionné le studio que l’on nous avait attribué en attendant d’être logé dans l’appartement qui allait nous être affecté. Grâce à ce studio, j’ai battu un record.

En effet, un dimanche où je me trouvais seul à Dakar, mon épouse étant en déplacement, j’ai décidé de faire une petite sieste vers 13 heures, ce qui était pour moi tout à fait inhabituel. Mais je n’avais rien d’autre à faire dans cette ville où je ne connaissais, pour le moment, presque personne.

Or ce fut un moment exceptionnel.

À part quelques vagues réveils comateux, j’ai dormi jusqu’à 10 heures le lendemain matin : la sieste avait duré 21 heures, mon record de sommeil, jamais surpassé depuis ! C’était une sieste qui avait aussi un sens symbolique, car j’étais tout à coup réduit à une inactivité totale, sans cours, sans responsabilité et sans connaissances à fréquenter.

D’accord, sur ce dernier point j’exagère un peu, car je connaissais au moins une personne, Alain Massiera, qui m’avait précédé à Dakar de quelques mois. Alain, je le connaissais déjà lorsque je fréquentais le lycée à Nice vers lequel nous allions souvent ensemble. Il était venu à Dakar pour des raisons personnelles, il s’y plaisait beaucoup et il y est resté fort longtemps. Comme moi, il avait un poste d’enseignant en gestion à la Faculté de Droit, de Sciences Économiques et de Gestion de Dakar. Je le vis donc beaucoup au cours des trois années suivantes, dans toutes sortes de circonstances. Puis, dès mon retour en France, je ne le vis quasiment plus du tout. Mais ce n’est pas le cas général, car de très fortes amitiés se sont liées à Dakar. 

La sieste mémorable s’était déroulée lors du week-end. Elle n’aurait pas pu avoir lieu pendant la semaine, car nous étions très occupés malgré les cours qui tardaient à démarrer. Imaginez cela : il fallait une carte de résident, une plaque d’immatriculation et une assurance pour la voiture, un compte en banque auprès de la Trésorerie de la Coopération, puis lorsque l’appartement serait disponible, une livraison des cantines, un abonnement à l’électricité et pour les snobs un abonnement au  téléphone, qui, inimaginable aujourd’hui, ne servait pas à grand-chose, et bien sûr j’en oublie.

Toutes ces formalités supposaient des déplacements en ville, un parking souvent confié à la garde des lépreux qui nettoyaient aussi la voiture, une longue attente à  des guichets, un livre pour s’occuper l’esprit, un esprit qui petit à petit prenait conscience qu’il convenait en ces lieux de n’être ni pressé, ni énervé, ni anxieux.

Je pris donc l’habitude, pendant les semaines qui furent nécessaires à l’obtention de l’ensemble des papiers, autorisations, connections, contrats ou livraisons, de faire la queue à partir de 9 heures environ jusqu’à 11 heures précises, abandonnant alors la file d’attente quoi qu’il se fut passé, résultat atteint ou non, peu importe, pour aller tranquillement acheter Le Monde (s’il était arrivé) et me rendre au Laeticia, un café salon de thé où je m’asseyais sur une banquette en skaï de couleur orange, attendant sans qu’il soit utile de parler, que les serveurs me portent invariablement une orange pressée, un café semi allongé et un croissant.

Vingt ans plus tard, je suis revenu à Dakar pour donner une semaine de cours. Je suis allé boire un café au Laeticia, situé en plein centre de Dakar près de la Cathédrale, et sans même que j’ouvre la bouche, les mêmes serveurs avec des chevelures désormais blanchies m’ont servi, comme si j’étais venu la veille, une orange pressée, un café semi allongé et un croissant. Et bien sûr la banquette était toujours en skaï, désormais fendillé, et toujours d’une couleur orange légèrement adoucie par les deux décennies écoulées…

 

C’était le Sénégal, où chacun reconnaissait l’autre et où le temps s’écoulait avec tellement de majesté qu’il ne convenait pas de le bousculer avec des tâches à faire, des objectifs à remplir ou des contraintes à respecter : il ferait son œuvre, quand cela lui conviendrait…

Est-il possible que les choses aient changées depuis ?  

À SUIVRE

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M
Bonjour André, <br /> Je te rassure, Dieu merci, rien n'est plus comme avant. <br /> Je t'invite à redécouvrir Dakar, ne serait-ce que pendant la prochaine biennale d'art contemporain en mai prochain .<br /> Bonne journée,<br /> Maréme.
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A
Bonjour Maréme. <br /> Je constate avec plaisir que tu lis mes billets et que tu restes fière du Sénégal. Rien n'est comme avant, bien sûr, puisque la population a triplé, la croissance est là et les gens évoluent. Merci de m'informer de la biennale d'art contemporain à laquelle j'imagine que tu participeras, mais je serai en train de donner des cours au Maroc pendant cette période. Par contre, j'irais sans doute à Dakar en septembre pour un congrès...<br /> Amitiés, <br /> André