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Le blog d'André Boyer

SUPERPHÉNIX EN TERRAIN HOSTILE

12 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

SUPERPHÉNIX EN TERRAIN HOSTILE

La réussite du réacteur expérimental à neutrons rapides Phénix installé à Marcoule (1973) conduit la France à proposer à l'Allemagne et à l'Italie une association pour la réalisation en commun d'une centrale industrielle à neutrons rapides, à Creys-Malville, Superphénix.

 

Le projet consistait à anticiper une croissance soutenue des besoins énergétiques, alors que l’uranium se ferait plus rare. Le 13 mai 1974 est publié un décret autorisant la création de la société NERSA, issue d’une collaboration internationale entre EDF (51 %), la société italienne Enel (33 %) et la société allemande SBK (16 %). À l'origine, un réacteur rapide refroidi au sodium devait être construit dans chaque pays partenaire, projet qui fut abandonné après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

Ce projet suscite rapidement une forte opposition des associations écologistes qui saisissent le tribunal en référé, le 2 mai 1975, pour interrompre les travaux déjà entrepris par EDF. Ces associations sont déboutées.

En avril 1976, le Premier ministre français Jacques Chirac autorise la société NERSA à passer commande de Superphénix. En 1977 est signé le décret d’utilité publique par le Premier Ministre Raymond Barre, tandis que se déroulent des manifestations hostiles, notamment le 31 juillet, qui entrainent la mort d’un participant. Le 18 janvier 1982, une attaque au lance-roquettes par un curieux militant écologiste suisse, Chaïm Nissim, vise le chantier de la centrale nucléaire de Superphénix.

Le remplissage en sodium du réacteur de la centrale nucléaire de Creys-Malville est effectué en 1984, puis la centrale est mise en service en 1985 et enfin couplée au réseau électrique le 15 janvier 1986, sans toutefois fonctionner à pleine charge.

Le 8 mars 1987 se produit une fuite de 20 tonnes de sodium liquide dans le barillet de stockage du combustible nucléaire, un incident classé 2 sur l’échelle INES (International Nuclear Event Scale), l’échelle allant de zéro (écart) à sept (accident majeur). Le redémarrage du réacteur est autorisé deux ans plus tard par un décret du premier ministre Michel Rocard. Selon les données de l'AIEA, la centrale produit alors 1,756 TWh en 1989 puis 0,588 TWh en 1990, soit un facteur de charge moyen de 11 %.

Alors que la centrale fonctionne, se constitue le Comité européen contre Superphénix, regroupant des dizaines d'associations et organisations de plusieurs pays. Le 26 avril 1990, des manifestations sont organisées dans plusieurs villes de France, de Suisse et d'Italie sur le thème «Tchernobyl 4 ans après, Malville aujourd'hui ».

Un deuxième incident de niveau 2 intervient le 29 avril 1990 : une fuite de sodium sur l'un des 4 circuits primaires principaux impose la vidange immédiate de l’ensemble du sodium du circuit incriminé et la purification corrélative du sodium qui dure 8 mois.

Le 8 décembre 1990, une partie du toit de la salle des turbines s’écroule sous le poids de 80 cm de neige, nécessitant de reconstruire la superstructure de la moitié du bâtiment.

Le 9 avril 1994, une marche Malville-Matignon contre Superphénix réunit les Européens contre Superphénix, le Comité Malville, Contratom (Suisse), la FRAPNA, Greenpeace, le GSIEN, WWF et plus de 250 associations de France, de Suisse, d'Italie et d'Allemagne. La même année, la mission initiale de Superphénix, qui était de produire de l'électricité, a été modifiée par la parution d'un décret qui le qualifie de « laboratoire de recherche et de démonstration ».

Fin 1994, se produit un quatrième incident majeur: une fuite d’argon dans un échangeur de chaleur sodium-sodium placé à l’intérieur de la cuve du réacteur lui-même. La remise en état durera 7 mois et Superphénix redémarre en septembre 1995.

Alors que l'année 1996 se révèle être la meilleure année de production électrique de la centrale, avec 3,392 TWh produit et un facteur de charge annuel de 31 %, commence en décembre 1996 un arrêt programmé de six mois pour une visite décennale des générateurs de vapeur, qui s’avérera définitif.

En février 1997, pendant que le surgénérateur est à l'arrêt, le Conseil d'État annule en effet le décret d'autorisation de redémarrage de Superphénix pris en 1994, au motif que la nouvelle mission qui lui est confiée à Superphénix justifie  une nouvelle enquête publique. À peine nommé Premier Ministre, le 19 juin 1997, Lionel Jospin annonce que Superphénix sera abandonné, ce qui se traduit par un arrêté ministériel du 30 décembre 1998. La raison invoquée est que le faible prix de l'uranium ne justifie plus ce type d’investissements dans la filière nucléaire, mais l’ambiance hostile résultant de Tchernobyl compte aussi dans cette décision.

Le 6 octobre 2000 est prononcée la dissolution de la société anonyme dénommée Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides SA (NERSA), les actionnaires italiens et allemands sont indemnisés. Le 1er décembre 2015, Areva est chargé  du démantèlement des équipements internes de la cuve du réacteur Superphénix d'ici  l'année 2024.

 

L'image de l'industrie française à l'international a été fortement dégradée par le projet Superphénix, qui a été malheureusement mis en service au moment même de la catastrophe de Tchernobyl (avril 1986).

 

FIN

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