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Le blog d'André Boyer

QUITTER DAKAR

12 Février 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

QUITTER DAKAR

Il fallait se résoudre à quitter Dakar. Je m’y préparais matériellement et psychologiquement.

 

Malgré tout, je m’étais attaché à la vie à Dakar, que j’avais construite autour de mon travail, de mes amis et de mes  habitudes. Mon travail, j’allais le poursuivre ailleurs, de manière différente. Adieu les amphis de mille étudiants, les tableaux noirs réfractaires à la craie, l’éclairage aléatoire. Les amis, l’avenir dirait si j’allais les conserver, mais sur le coup j’allais m’éloigner d’eux et je ne pouvais pas décemment laisser mon boy,  Mamadou Diallo, sans travail. En outre les habitudes, le logement, la voiture et les routines me devenaient tout d’un coup plus précieuses.

Daniel Gouadain, mon successeur dans le poste de Professeur de Gestion à l’Université de Dakar se proposa d’embaucher Mamadou. Mais par la suite, son style de vie frugal qui contraignait son boy à acheter de la viande bon marché sur le marché africain, fit que Mamadou l’abandonna rapidement pour un patron moins économe de ses sous. 

Or, je me doutais un peu que Mamadou ne supporterait pas très longtemps le style de vie de Daniel Gouadain, car ce dernier m’acheta pour une somme ridicule la 104 jaune que nous avions amené à Dakar. Certes, elle était vieille, certes elle avait été percutée à l’arrière par un taxi, ce qui avait valu à mon épouse un sérieux coup du lapin dont elle mit du temps à se remettre. Mais elle avait été soigneusement remise en état, à petits coups de marteaux par de jeunes carrossiers sauf les catadioptres qu’il avait fallu remplacer, et puis après tout elle roulait. Sauf erreur, il proposa de la payer cent mille francs CFA, soit 150 euros. 

Pour finir, il acheta nos couverts au prix qu’il proposa, soit un franc CFA par couvert, soit 1,5 euros pour 100 couverts !

Le reste, je l’emballais pour le ramener en France, mais j’abandonnais encore le café Laetitia où j’allais lire Le Monde, les lépreux qui nettoyaient la 104, le magasin et le cinéma que je frequentais, les marchés Sandaga et Kermel, l’ile de Gorée et son imposture, les plages, bref tout le décor de ma vie à Dakar. 

J’abandonnais aussi mes collègues sénégalais dont mes deux étudiants en doctorat, Léopold Ahounou et Bassirou Tidjani, jusqu’à ce que ces derniers viennent soutenir leurs thèses respectives à Nice. Quant à mes amis, ils organisèrent le repas d’adieu traditionnel pour les coopérants qui partaient, avec discours d’adieu de la part d’un collègue proche, dans mon cas ce fut le futur Recteur Marc Debene qui s’y colla avec réponse de ma part, deux discours en miroir, soigneusement préparés et empreints de l’humour nécessaire pour envelopper l’émotion. Le repas fut parfait, fort chargé en alcools et l’on me remit en cadeau un magnifique fusil de traite, un objet ancien fort précieux que j’ai soigneusement conservé depuis. 

Vint le jour et l’heure du départ, une fois les dix cantines remises au transporteur et les multiples papiers signés à la Mission Française, au Comptable du Trésor, à la Senelec ou  à la Régie du logement. Mes amis firent le chemin que j’avais si souvent parcouru pour accueillir parents et amis ou pour les ramener à l’aéroport de Dakar Fann. 

Ce fut un moment fort nostalgique, cet adieu à une tranche de vie qui ne reviendrait plus jamais. 

 

Enfin, l’avion décolla, le temps qui s’écoula jusqu’à Paris puis Nice me laissa le temps de me souvenir des bons moments et de commencer à me préparer à la vie qui m’attendait à Nice, comme Professeur à l’IUT. Je fis symboliquement ce vol de retour le 1er décembre 1983, le jour de mon anniversaire. 

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