PECHINEY ABSORBÉ ET DIGÉRÉ
9 Mars 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
En 2003, à la suite d’une OPE, notre géant industriel Pechiney, spécialiste de l’aluminium et de l’emballage, est absorbé par Alcan.
En 1855, Henry Merle et Jean-Baptiste Guimet créent la Compagnie des produits chimiques d'Alais et de la Camargue pour produire de la soude à Salindres dans le Gard jusqu’en 1860, date à laquelle Henry Merle se lance dans l'aluminium.
En 1877, à la mort d'Henry Merle, la société fusionne avec la société Alfred Rangod Pechiney et Compagnie. Ce groupe aura un périmètre très variable mais restera toujours centré sur l'aluminium.
En 1950, le groupe se baptise Pechiney, et grâce à l'électrolyse qui fait chuter les coûts de production de l'aluminium mais demande beaucoup d’électricité, entreprend de se développer à l'étranger en ouvrant une première usine au Cameroun (1954). En 1965, la société se diversifie dans l'emballage puis dans la transformation des métaux non ferreux en rachetant Tréfimétaux.
En 1971, Pechiney fusionne avec Ugine Kuhlmann, lui-même issu du regroupement d'Ugine et des Établissements Kuhlmann, pour devenir Pechiney-Ugine-Kuhlmann, PUK. À partir de 1974, ce conglomérat subit les chocs pétroliers et la concurrence des pays asiatiques et sa situation financière se dégrade.
En 1981, le gouvernement socialiste se porte soi-disant au secours de PUK en le nationalisant et en finançant sa restructuration, ce qui conduit à l’abandon par le groupe de la chimie et des aciers spéciaux. Du coup, PUK reprend le nom de Pechiney et se lance à nouveau dans une stratégie expansionniste, sous la présidence de Jean Gandois. Il acquiert en 1988 le géant de l'emballage américain American National Can, ce qui donne lieu à un scandale politico-financier fondé sur un délit d'initié. Si l'entreprise, toujours nationalisée, double de taille, en contrepartie son endettement s'envole.
En 1994, un nouveau PDG, Jean-Pierre Rodier, décide de recentrer le groupe sur son cœur de métier et de le désendetter en vue de le privatiser, ce qui intervient en 1995.
En 2000, un projet de fusion avec ses concurrents canadien Alcan et suisse Algroup est refusé par la Commission européenne pour risque d'abus de position dominante. Alcan reprend alors seul le suisse Algroup en 2001 et tente en juillet 2003 une OPA hostile sur Pechiney. En situation financière fragile, Pechiney ne peut résister et se fait absorber pour la somme de 4 milliards d'euros.
C’est alors la fin d’un fleuron de notre patrimoine industriel qui était devenu le premier groupe industriel privé français, présent dans l’aluminium, la chimie, le cuivre, le combustible nucléaire et les aciers spéciaux.
Alors que six grands producteurs d'aluminium dominaient historiquement le secteur, Alcoa, Alcan, Kaiser Steel, Reynolds, Alusuisse et Pechiney, il ne reste plus que le canadien Alcan et l'américain Alcoa en 2007. Tandis que l'américain tente de racheter le canadien, le conglomérat minier anglo-australien Rio Tinto coiffe Alcoa sur le poteau et rachète Alcan pour prendre le nom de Rio Tinto Alcan.
Désormais un duopole semble dominer dans l’industrie de l’aluminium, Rio-Tinto-Alcan et Alcoa. Les deux entreprises sont même en passe de constituer un monopole mondial, puisqu’elles ont annoncé en 2018 la création de la coentreprise Elysis. Cette dernière est théoriquement destinée à rendre la production d'aluminium moins polluante, via une technologie réduisant les émissions de gaz à effet de serre lors de la procédure de fusion du métal, avec l'aide d'Apple. Mais les deux entreprises sont désormais déjà dépassées, en quantité de production, par le groupe China Hongqiao et le groupe russe Rusal : la course continue.
La mondialisation est donc, dans le domaine de l’aluminium, synonyme de prise de contrôle global. Pechiney s'y est perdu. Une start-up va t-elle bientôt apparaître dans le Gard, consacrée à la production d’aluminium propre ?
À SUIVRE