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Le blog d'André Boyer

LA GUERRE ENTRE L'IRAN ET LES ÉTATS-UNIS?

5 Juillet 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LA GUERRE ENTRE L'IRAN ET LES ÉTATS-UNIS?

Ce billet ne va pas vous apprendre que, depuis plus d’un siècle, la dispute des champs pétroliers est une source majeure de conflits. En revanche, vous devez être conscient qu’un changement majeur vient de se produire avec l’irruption du pétrole de schiste sur le marché. 

 

En effet, avec le pétrole de schiste, les États-Unis sont devenus les premiers producteurs de pétrole devant la Russie et l’Arabie Saoudite. La disparition de producteurs pétroliers, comme, au hasard, le Venezuela, l’Iran ou la Lybie, n’a plus pour effet de priver les États-Unis de pétrole, mais de faire monter les prix, ce qui permettrait de renflouer une industrie du pétrole et du gaz de schiste américaine passablement endettée.

Dans un tel contexte, une guerre avec l’Iran aurait l’avantage, pour les États-Unis, de faire disparaitre pour un certain temps les exportations iraniennes de pétrole. 

Pour le moment, vivement encouragés par l’Arabie saoudite et Israël, l’administration Trump se « contente » d’étouffer économiquement l’Iran. Mike Pompeo, le Secrétaire d'État et John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale, adressent des ultimata à l’Iran avec pour objectif d’en faire un paria économique, à l’aide des sanctions qu'ils lui assènent avec prodigalité. Officiellement, leur objectif est d’obtenir un changement de régime, provoqué par la révolte de la population face aux difficultés économiques que l’administration étasunienne provoque. 

Il s’agit évidemment d’un objectif stratégique illusoire, qui n’a jamais fonctionné nulle part et en aucun temps. Au contraire, la politique agressive de l'administration Trump renforce les conservateurs iraniens.  L’on évoque même la possibilité d'une présidence militaire à l'issue du mandat de Rouhani. Les Iraniens considèrent d’ailleurs que les Américains et leurs alliés israéliens et saoudiens ont un problème, non pas avec le régime, mais avec l'Iran lui-même, qu’ils refusent d’accepter en tant que puissance régionale. Or le patriotisme iranien est très ancien et très fort, ce qui fait que face à ces menaces, les élites se rassemblent autour du régime. 

Un objectif stratégique illusoire n’est en général qu’un paravent pour mener une politique inavouable. Par conséquent, on peut se demander si les États-Unis ne souhaitent pas faire la guerre à l’Iran pour le mettre au pas. D’autant plus que, contrairement au dossier nord-coréen où la Corée du Sud pousse à la modération, les principaux alliés de Washington au Moyen Orient, l’Arabie Saoudite et Israël, considèrent le régime iranien comme un ennemi avec lequel toute négociation serait impossible. D’ailleurs, ces deux pays sont déjà indirectement en guerre avec l’Iran, au Yémen pour l’Arabie Saoudite et en Syrie pour Israël. 

Pour les États-Unis, l’avantage immédiat de la guerre serait, on l’a vu, d’obtenir la disparition provisoire des exportations de pétrole iranien. En outre, l’avantage pour l’Arabie Saoudite et Israël consisterait à affaiblir pour un temps assez long l’influence iranienne sur la région. 

Cependant ces ardeurs belliqueuses sont bridées par les risques d’une telle opération. Le coût militaire serait considérable pour les États-Unis et l’occupation de l’Iran impossible. L’Iran, c’est en effet un pays de 1 648 000 km2, trois fois la superficie de la France, peuplé de 82 millions d’habitants !

Il faudrait donc, du point de vue des États-Unis, se contenter d’une guerre limitée. 

Mais encore faudrait-il que les Iraniens s’y rallient ! 

Or l'Iran se prépare à une guerre asymétrique avec les États-Unis. Il n'a pas investi dans une armée conventionnelle, comme l’avait fait l’Irak, puisque son budget militaire est deux fois plus faible que celui des Émirats Arabes Unis. Il n’a d’ailleurs pas accès aux armes les plus sophistiquées et manque de toutes façons de moyens financiers pour se les procurer.  Il a donc choisi de se concentrer sur la production de missiles balistiques, qui, à défaut d'une aviation assez puissante, permettent de cibler une concentration de forces militaires ou des infrastructures régionales, en réponse à une attaque conventionnelle. 

On aurait tort de penser que la supériorité militaire américaine pourrait permettre d'annuler les avantages asymétriques de l'Iran : lors d’une simulation de guerre intitulée Millenium Challenge organisée par le Pentagone pour évaluer comment la marine américaine résisterait à une attaque iranienne, le résultat a été sans appel : seize bateaux coulés, dont un porte-avions, ce qui a entrainé l’effarement de l’état-major de la Marine US et la suspension de l’exercice. 

Le général de brigade Hossein Salami, le numéro deux des Pasdarans, a bien résumé l'approche militaire iranienne actuelle : défensive au niveau de la stratégie d'ensemble mais offensive à partir du moment où un ennemi commencerait une guerre contre l'Iran. L'assaillant peut s'attendre à être confronté à une guerre asymétrique au Moyen-Orient, qui serait pour le coup fortement déstabilisé: l’aide au Hezbollah au Liban serait accrue afin qu’il puisse attaquer Israël, des actions seraient menées contre les intérêts américains en Syrie et en Irak et le renforcement de l'aide aux Houthis au Yémen viserait à mettre les Saoudiens en difficulté.

En résumé, la montée aux extrêmes apparait trop coûteuse, compte tenu des avantages douteux qu’en retireraient aussi bien les États-Unis que l’Arabie Saoudite ou Israël. 

C’est donc le statu quo que visent les États-Unis, avec l’étranglement durable de l’Iran, aux plans économique, militaire et stratégique.

C’est d’ailleurs la solution qu’ils ont choisi dans leur différend avec Cuba et la Corée du Nord, deux pays qu’ils étranglent depuis des dizaines d'années avec la meilleure conscience du monde.

Cependant, c’est compter sans la liberté stratégique de l’Iran, qui est sans commune mesure avec celle de Cuba ou de la Corée du Nord. L'Iran peut considérer que les États-Unis lui font d’ores et déjà la guerre, au travers des sanctions et que, l’Europe comme le reste du monde ne lui apportant pas de soutiens suffisants, il lui faut se défendre. 

Contrairement à ce que déclarent la plupart des analystes, il faut plutôt craindre une guerre de l'Iran contre les États-Unis qu'une guerre des États-Unis contre l'Iran. On devra alors compter avec une guerre de basse ou moyenne intensité dans tout le Moyen Orient, qui empêchera tout statu quo favorable aux États-Unis ou à leurs alliés, et qui ne pourra pas être résolue par la menace, ou pire, l’emploi de l’arme atomique, puisque l’Iran n’en possède pas.  

 

Les apprentis sorciers sont souvent pris à leurs propres maléfices… 

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M
Et pendant ce temps la théocrature prospère en Iran.
Répondre
A
Les États-Unis espèrent-ils la faire disparaitre avec la même efficacité qu'à Cuba, après plus d'un demi siècle de boycott? <br /> André