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Le blog d'André Boyer

LE DESTIN DE LA NOUVELLE-FRANCE

28 Avril 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LE DESTIN DE LA NOUVELLE-FRANCE

 

Le Traité de Paris avait été signé en 1763 et la révolte des Amérindiens avait fait long feu. Qu’allait devenir ce qui restait de la Nouvelle-France ?

 

Qu’en restait-il d’ailleurs ? Pour répondre à cette question, il nous faut revenir au Traité de Paris, qui a mis fin à la présence française en Amérique du Nord. La France abandonnait à l’Angleterre le Canada jusqu’au Pacifique, les pêcheries de Terre-Neuve et du Golfe de Saint-Laurent, mais aussi toutes ses possessions à l’est du Mississipi. 

Quant à ses possessions à l’ouest du Mississipi ainsi que la Nouvelle-Orléans, elles furent cédées secrètement à l’Espagne au cours des négociations préliminaires de Fontainebleau. Le duc de Choiseul voulait en effet que l’Espagne cédât la Floride, à l’époque le territoire compris entre le Mississipi et la Géorgie, à l’Angleterre, pour qu’elle puisse récupérer en échange l’île de Cuba que les Anglais avaient conquis. 

La France renonçait explicitement à toute prétention sur l’Acadie et ne conservait que l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon. Dans les Antilles, elle conservait Saint Domingue, la Guadeloupe conquise par les Anglais en 1759, la Martinique, conquise en 1762 et Sainte Lucie, tout en perdant Marie-Galante, la Désirade, la Dominique, Saint-Vincent, Grenade et Tobago. 

Choiseul préférait préserver le marché de la canne à sucre, donc la Guadeloupe, plutôt que le Canada. Il se rengorgea même, lors de la signature du Traité de Paris où il aurait déclaré : « Nous les tenons. Il n’y aura que la révolution d’Amérique qui arrivera, mais que nous ne verrons probablement point, qui remettra l’Angleterre dans l’état de faiblesse où elle ne sera plus à craindre en Europe » *. Quant aux Anglais, ils avaient hésité avant le traité entre le Canada et la Guadeloupe, riche île à sucre, d’autant plus que certains d’entre eux étaient partisans de restituer le Canada à la France.  Ils voyaient en effet le risque, comme James Murray, le gouverneur de Québec, de voir l’Amérique anglaise trop riche et trop populeuse pour être gouvernable d’aussi loin, mais le Roi Georges III voulait de son côté éviter la possibilité pour la France de jamais reprendre pied en Amérique du Nord. Il fallait donc garder le Canada.

La période qui suit le traité de Paris est donc marquée par l’intégration du Canada, par la lente prise en main de la Louisiane occidentale par les Espagnols, puis par la Révolution Américaine. Sous Louis XV, on envisageait le retour de la Nouvelle-France, plutôt en Louisiane qu’au Canada. C’est ainsi que Madame de Pompadour écrivait qu’il n’existait aucune autre nation « qui possède si bien l’art de se faire haïr que les Anglais »**, ce qui laissait espérer que le retour éventuel des Français serait bien accueilli par les Amérindiens. Elle disait vrai pour les Anglais ; encore ne pouvait-elle pas deviner que les Étasuniens sauraient bien cultiver cet art ultérieurement, mais les Français ne revinrent pas, même à l’occasion de la guerre de Pontiac qui s’acheva en 1766 et que j’ai relaté dans le billet précédent. 

Finalement les Canadiens (français) se retrouvèrent seuls face aux Anglais, tandis que leurs élites les quittaient. Outre les militaires, forcés de s’embarquer pour la France du fait des clauses de la capitulation de Montréal, s’ajoutaient les administrateurs civils, soit au total près de quatre mille personnes qui quittèrent le Canada avant 1764. Restèrent donc les petites gens, dont fort peu, quatre cent seulement, choisirent de revenir en France plutôt que de devenir sujet britannique. 

Le 7 octobre 1763, le Canada, amputé des Pays d’en Haut pour être ramené à la vallée du Saint-Laurent, devint la « Province du Québec ». Les Canadiens qui voulaient occuper des fonctions publiques devaient abjurer le catholicisme en faveur du protestantisme, selon le serment du Test. Les Canadiens s’y refusèrent et les Anglais, qui espéraient assimiler rapidement les Canadiens en leur imposant leur langue, leur religion et leurs coutumes, durent déchanter. Ils déchantent encore en 2020, puisque le Québec est toujours debout, se tenant distant de la vision anglo-saxonne du monde. 

Dés 1774, compte tenu de cet échec de l’assimilation des Canadiens, les Anglais, toujours réalistes, décrétèrent le Quebec Act qui accordait aux Canadiens un certain nombre de garanties, comme le culte catholique et donc l’accès aux fonctions publiques, la Coutume de Paris, c’est-à-dire l’application des lois civiles françaises et le maintien du régime seigneurial. Le Quebec Act étendit également la Province de Québec à tout l’ancien Canada, soit du Labrador à l’Ohio et au Mississipi. 

 

La Nouvelle-France était rétablie, mais sous souveraineté britannique. Ces mesures furent très mal reçues par les colons nord-américains anglophone, justifiant les prédictions de Choiseul. 

 

*Trudel M. (1976), La Révolution américaine : pourquoi la France refuse le Canada, 1775-1789, Les éditions du Boréal, p.50.

** Lettres de la Marquise de Pompadour 1753-1762, 1773, vol 1, p 22.

 

À SUIVRE

PROCHAIN ARTICLE : RIFIFI SUR LA PLACE TIAN AN MEN

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D
Bonjour,<br /> Je souhaite pouvoir converser avec vous au sujet de Monsieur Girard.<br /> Merci de me contacter à mon adresse email.<br /> Cordialement<br /> Dr Ph Durieux
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A
Entendu<br /> André Boyer