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Le blog d'André Boyer

LE RENOUVEAU DE LA MARINE ROYALE

12 Juillet 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

Jean-Frédéric Phélypeaux de MAUREPAS

Jean-Frédéric Phélypeaux de MAUREPAS

Énorme bourde stratégique que d’aider les Treize Colonies à devenir indépendantes du Royaume-Uni, en échange de…Rien. L’énorme effort militaire consenti par la France à cet effet aurait dû être employé au profit du Royaume, plutôt que pour des chimères.  

 

Pour expliquer la décision française de soutien aux Treize Colonies, il nous faut revenir à la question centrale des Marines française et anglaise comparées, qui explique toutes les décisions militaires prises par les deux belligérants. 

Réduite à peu de chose en 1715, la Marine Royale se reconstruit lentement dans les années 1720-1740 et se montre même très innovante pour tenter de compenser la supériorité de la Royal Navy issue des dernières guerres louis-quatorziennes. 

Louis XV, qui reprend la politique de paix avec l’Angleterre héritée de la période de la Régence, n’accorde pas à sa flotte la totalité des crédits que lui demandent ses ministres, ce qui fait plafonner le nombre de vaisseaux, maintient un déficit en frégates et limite souvent à peu de chose l’entraînement à la mer.

Si la guerre de Succession d'Autriche (1744-1748) n’est pas déshonorante pour la marine française qui réussit presque à faire match nul avec la Navy, celle de la guerre de Sept Ans (1756-1763) est absolument catastrophique, se soldant par des défaites humiliantes et la perte du premier empire colonial français.

Louis XVI, passionné de questions navales et d’explorations, entreprend alors, avec l’aide de ses ministres, de développer et de réorganiser sa marine. Celle-ci, par la qualité de ses bâtiments et leur puissance de feu, retrouve le niveau de ce qu’elle était sous Louis XIV et offre à la France l’occasion d’une « revanche » contre l’Angleterre lors de la guerre d’Amérique (1776-1783). C’est alors que, pour la première fois dans l’histoire du pays, le budget de la Marine dépasse celui de l’armée de Terre (1782) et le système de ports-arsenaux développé depuis le XVIIsiècle trouve son aboutissement avec le lancement des travaux de Cherbourg en 1784. 

Même si le pays reste indifférent aux questions navales et coloniales au XVIIIecomme au XVIIsiècle, il connait une maritimisation de son économie avec le succès du trafic vers les Islesà sucre des Antilles et celui de la Compagnie des Indes vers l’Asie. Cette évolution oblige la Marine royale à intervenir sur des théâtres d’opération de plus en plus lointains. Cependant, cette puissance nouvelle reste fragile, car le nombre de marins ne dépasse pas cinquante mille. En outre, le pays est ouvert sur deux façades maritimes, Méditerranée et Atlantique, ce qui constitue un handicap pour la marine royale lorsqu’elle veut regrouper ses forces.  Néanmoins, en 1789, grâce au colossal effort naval issu de la guerre d’Amérique, la France possèdera la seule marine de guerre capable d’affronter la Royal Navy.

Auparavant, durant la Régence (1715-1726) et sous la minorité de Louis XV, le jeune roi, sans jamais avoir vu la mer, est étranger aux questions navales. En outre, après la guerre de Succession d'Espagne, si le Royaume de France et le Royaume Uni ont fait le choix de la paix, tandis que Londres maintient un effort naval important pour conserver l'avance acquise lors du conflit précédent, le budget de la Marine Royale  reste à un bas niveau : en 1720, sur un budget de l'État annuel de 200 millions de livres, le ministère de la Guerre en consomme un tiers et la marine 5%. Beaucoup de vaisseaux pourrissent à quai. En 1720, les ateliers et magasins de Brest, Toulon et Rochefort sont presque à l'abandon. Il faut jongler avec les crédits pour assurer quelques lancements ou construire la coûteuse forteresse de Louisbourg.

En 1721, l'effectif global de cette flotte est de trente et un navires. Du fait de la chute des constructions, l’âge moyen des vaisseaux est passé de 12 ans en 1702 à 24 ans en 1720. Le corps des officiers, au nombre de mille deux cent,  est issu des guerres de Louis XIV, et il est heureusement maintenu en fonction par le Ministère de la Marine. Mais il manque d’entrainement faute de crédits, alors que la Royal Navy maintient une forte présence à la mer. Cette situation va perdurer jusqu’à l’avènement de Louis XVI.

Mais la marine a cependant la chance de disposer d'un  excellent ministre, Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas, nommé à l'âge de 22 ans « alors qu'il ne savait même pas de quelle couleur était la mer ».  Maurepas recrute Duhamel du Monceau, membre de l’Académie des sciences, qu’il nomme inspecteur des constructions en 1732 puis inspecteur général de la marine en 1739. 

Duhamel du Monceau multiplie les déplacements et les observations, notamment en Angleterre. Il renseigne Maurepas sur les aspects essentiels au développement des forces navales, qualité des approvisionnements, valeur des rades, amélioration des techniques de production, formation des constructeurs de marine. 

Maurepas y ajoute l’espionnage. Il envoie Blaise Geslain, un jeune constructeur, en Angleterre en 1729 pour s’instruire « des principes que les Anglais suivent pour la coupe de leurs vaisseaux». Il lui demande expressément de se procurer des tableaux, des mémoires et tous les documents nécessaires pour se faire une idée des proportions et des rangs de chaque type de navire de la flotte britannique. Il doit s’efforcer de dresser des plans où « il distinguera par des lignes de différentes couleurs les changements qu’il y aura entre les gabarits anglais et ceux de France, avec les observations particulières des principes sur lesquels elles sont fondées».

En 1737, c’est le constructeur Blaise Ollivier qui est envoyé aux Provinces-Unies et en Angleterre pour « y prendre des principes plus certains que ceux que l’on suivait en France». Blaise Ollivier a déjà fait preuve de ses excellentes capacités en rédigeant en 1727, à bord du vaisseau l’Achille un mémoire sur la construction navale dans lequel il aborde les qualités et les défauts des vaisseaux français et en suggérant des solutions pour les améliorer. 

Son séjour de six semaines aux Provinces-Unies et de trois mois en Angleterre lui permet de rédiger des « mémoires sur la marine des Anglais et des Néerlandais». Il y énumère et classe tous les vaisseaux de la flotte anglaise, y décrit tous les grands arsenaux et leurs caractéristiques comparées aux infrastructures françaises. Il y analyse aussi les principes et les méthodes de construction de ces deux nations maritimes. En 1739, Blaise Geslain retournera encore aux Provinces-Unies sous un faux nom pour le même motif d’espionnage.

Les conséquences de cette politique de renseignement et d’éducation donne des résultats presque immédiats. Blaise Ollivier adapte à ses vaisseaux certaines pratiques observées. Devant les résultats positifs obtenus à Brest, Maurepas ordonne le séjour systématique auprès d’Ollivier des constructeurs des autres ports « afin de s’instruire à fond de leur art ». Ils retournent ensuite dans leur arsenal d’origine, où ils sont tenus d’appliquer leur nouveau savoir.

 

Ce rôle éducatif d’Ollivier est déterminant dans l’uniformisation des méthodes de construction navales dans les arsenaux français.

 

À SUIVRE 

PROCHAIN ARTICLE : LES LECONS DE CHENGDU

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