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Le blog d'André Boyer

L'OREILLE DE JENKINS

28 Août 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

JENKINS MONTRE SON OREILLE AU PREMIER MINISTRE, WALPOLE

JENKINS MONTRE SON OREILLE AU PREMIER MINISTRE, WALPOLE

Les Anglais ne peuvent pas accepter les succès français dans les colonies, en Inde, aux Antilles et au Canada. Manifestement, ils se préparent à la guerre contre leur seul concurrent, la France coloniale. 

 

La Compagnie des Indes avait un pouvoir important. Elle avait le droit, au nom du roi de France de conclure des traités avec les princes indiens, de battre monnaie et de rendre la justice, en s'appuyant sur une force armée navale et terrestre. Lorient, siège de la Compagnie, bénéficiait de la prospérité́ de celle-ci, mais les autres grands ports atlantiques comme Nantes et Bordeaux voyaient leur trafic s'envoler grâce aux bénéfices du trafic triangulaire entre l'Europe, l'Afrique et les Antilles.

Notamment, l'essor de ces dernières est spectaculaire. Entre 1715 et 1740, on constate à la fois l'augmentation de la population blanche, du nombre d'esclaves, de la production de sucre et du commerce atlantique. À Saint-Domingue, la production de sucre brut décuple entre 1714 et 1742. 

Pendant la même période, le commerce franco-américain connait une croissance moyenne de 22 % l'an, alors que le commerce anglo-américain ne connaît qu'une expansion de 6 % l’an : la France rattrape son retard rapidement sur le Royaume-Uni dans le commerce colonial.

Or, au XVIIIesiècle, la marine française se retrouve seule face à̀ la marine anglaise après l'effacement de la marine néerlandaise. Cette dernière, qui avait mobilisé́ aux côtés de la Royal Navy des flottes de cent vaisseaux contre les escadres de Louis XIV, ne cesse de décliner. Elle n’a plus que trente-trois vaisseaux en 1745, puis vingt-huit en 1760. Les Provinces-Unies ont accepté́ les prétentions anglaises au contrôle militaire des mers, et vivent désormais à l'ombre de leur ancienne rivale. L'Espagne fait de son côté́ un grand effort de réarmement naval, mais la flotte espagnole, peu manœuvrante et mal équipée, n'est guère en mesure d'inquiéter la Navy. La rivalité franco-anglaise sur les mers ne peut qu’engendrer la guerre et c’est ce que prévoit un auteur anonyme en 1734 qui publie un Mémoire sur les moyens de faire la guerre à l'Angleterre d'une manière qui soit avantageuse à la France, ou pour prévenir que le roi d'Angleterre ne nous la déclare. Il observe en effet que si l’Angleterre entretient depuis les traités de paix de 1712-1713 une coûteuse flotte de plus de cent vaisseaux, sans compter les frégates, c’est pour faire la guerre à son seul ennemi potentiel, qui ne peut être que la France.

Cependant, durant les années 1720-1730, les campagnes navales françaises sont limitées à quelques engagements contre les Barbaresques et à quelques démonstrations dans la Baltique, en raison d’une politique très prudente du cardinal de Fleury. En effet, la guerre de Succession de Pologne (1733-1738) force le gouvernement à envoyer dans la Baltique une petite force de neuf vaisseaux et cinq frégates, porteuse de 1 500 hommes de troupe pour appuyer le nouveau roi de Pologne qui vient d’être élu avec le soutien de la France contre le candidat des Russes et des Autrichiens. Mais sous la pression russe, le nouveau roi, Stanislas 1er doit se réfugier à Dantzig puis en France et l’aide de la flotte française restera symbolique. 

La guerre, qui deviendra ensuite la guerre de Succession d’Autriche reprend dés 1739 avec la guerre dite de l’ « Oreille de Jenkins » entre l'Espagne et l'Angleterre. Cette guerre est un pur produit de l’impérialisme anglais. 

Les Espagnols ne pratiquent pas eux-mêmes la traite des Noirs mais achètent un nombre important d’esclaves d’origine africaine pour leurs colonies. Lors du Traité d’Utrecht de 1713, l’asiento pour les colonies espagnoles, à savoir le monopole de la traite des Noirs, a été concédé à la Grande-Bretagne pour une période de trente ans. Par ailleurs, l’importation de marchandises britanniques dans les colonies espagnoles est contingentée, à raison d’un navire britannique de marchandises par an. Or les Anglais organisent la contrebande qui est théoriquement réglementée par le traité de Séville de 1729, selon lequel tout bateau espagnol, même privé, peut inspecter tout bateau de commerce britannique croisant dans les eaux espagnoles. Ce « droit de visite » n’est accepté que du bout des lèvres par les Britanniques. 

Aussi, lorsqu’en 1731, un navire contrebandier britannique, le Rebecca, est arraisonné dans les eaux espagnoles par un navire espagnol et que son capitaine saisit au collet le capitaine britannique, Robert Jenkins et lui tranche une oreille en lui disant : « Porte-la à ton roi, et dis-lui que je lui ferai la même chose si je le vois par ici ! », les Britanniques y voient une humiliation inacceptable pour un sujet britannique, même contrebandier.

Les parlementaires tories n’hésiteront pas, huit ans après l’incident (sic), à faire comparaitre Jenkins devant la Chambre des Communes pour qu’il raconte son histoire et montre le bocal contenant son oreille. On imagine aisément les parlementaires poussant des cris d’indignation, exigeant que l’honneur britannique soit lavé de cet insupportable affront fait à un contrebandier anglais, et sous le coup de l’émotion savamment simulée, obtenant du premier ministre Walpole, pourtant partisan de la paix, de déclarer la guerre à l’Espagne, le 30 octobre 1739. 

 

Les Anglais n’ont jamais eu peur de la plus grossière manipulation pour arriver à leur fin. Le général Colin Powell, brandissant une soi-disant fiole d’anthrax à la tribune des Nations Unies n’est que leur digne successeur. 

 

À SUIVRE

 

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