1758-1759: LA MARINE ROYALE COULE
14 Décembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Le pire est en effet pour Brest, ravagé par une épidémie de typhus qui s’était déclarée pendant le retour de l’escadre de Dubois de La Motte depuis Louisbourg. Le 23 novembre 1757, il avait débarqué́ 5 000 malades qui contaminèrent toute la ville et firent entre 10 et 15 000 morts.
Le désastre sanitaire de Brest entraine une quasi rupture des liaisons en 1758 avec le Canada, les Antilles et l'océan Indien. Sur les cinq divisions qui quittent Rochefort ou Brest, seule celle de Du Chaffault, chargée de renforts pour le Canada réussît à forcer le blocus anglais, à l’aller comme au retour.
Louisbourg, que la Marine n'est maintenant plus capable de défendre, est prise à l’été 1758 et les portes du Canada sont désormais ouvertes. La Royal Navy profite de la faiblesse de la Marine Royale pour ratisser les cotes françaises. Des essaims de frégates raflent méthodiquement pécheurs, caboteurs, navires coloniaux et autres corsaires imprudents, ce qui prive progressivement la marine de guerre de son réservoir d'hommes. Rien qu’en 1758, 14 000 sujets de Louis XV sont capturés en mer. Dans les centres de tri, s’entassent les occupants des navires marchands quel que soit leur âge, leur sexe et leur statut, marchands, artisans embarqués, domestiques, passagers, femmes et enfants.
En 1759, c’est plus de 50 000 marins qui croupissent dans les sinistres pontons anglais et 60 000 à la fin de la guerre, en 1763.
La marine anglaise fait aussi régner l'insécurité sur les cotes françaises par une série de raids de diversion. En juin 1757, la Royal Navy débarque à Bormes-les-Mimosas pour se ravitailler. L'ile d'Aix est brièvement occupée entre le 20 et le 30 septembre 1757. Le 18 juin 1758, ce sont 15000 Anglais qui débarquent à Cancale et à Paramé où ils détruisent quatre-vingt navires marchands. Le 7 aout, c'est Cherbourg qui est victime d'un raid dévastateur de 10 000 « tuniques rouges ». La ville est mise à sac et toutes ses installations portuaires sont détruites. En septembre 1758, les Anglais débarquent près de la cité corsaire de Saint-Malo, avec la claire intention de lui faire subir le même sort qu'à Cherbourg, mais la défense vigoureuse du gouverneur de Bretagne à Saint-Cast rejette les envahisseurs à la mer avec de lourdes pertes. En juin 1759, la Royal Navy canonne l'anse des Sablettes (Toulon) et en juillet c'est Le Havre qui est pilonnée pendant 52 heures. La ville est ravagée. En juillet 1760, un raid détruit les batteries françaises de l'embouchure de l'Orne. Au printemps 1761, c'est Belle-Île qui est saisie par les Anglais jusqu'à la fin de la guerre.
Le gouvernement anglais s'arroge aussi le droit de contrôler tous les navires neutres afin de saisir les marchandises françaises arrivant des colonies. Les tribunaux de la Jamaïque et de la Barbade couvrent les saisies en jugeant de bonne prise plusieurs dizaines de navires néerlandais et espagnols, au grand scandale des capitales concernées. C'est une des raisons qui expliquent le refus des Provinces-Unies d'entrer en guerre au côté de Londres et qui explique aussi le rapprochement entre Madrid et Versailles.
1759 est l'année des désastres, car Versailles ordonne à l'escadre de Toulon de rejoindre celle de Brest pour une nouvelle tentative de débarquement en Angleterre. Mais l’escadre de Toulon est défaite sur la côte espagnole et portugaise, réduisant d'un tiers l'escorte prévue. Malgré la saison très avancée qui rend périlleuse la concentration des navires de transports, Versailles maintient ses plans d’invasion. Conflans fait sortir sa flotte de Brest le 14 novembre, qui est repérée aussitôt par les forces de Hawke qui montent la garde devant le port breton.
Les Français sont rattrapés le 20 novembre au milieu d'une tempête dans un secteur parsemé de hauts-fonds dangereux où Conflans pensait que Hawke n'oserait pas s'aventurer. Deux vaisseaux anglais s'échouent et sombrent en effet, mais l'arrière-garde française, prise en tenaille, se fait laminer près des récifs des Cardinaux. Le 21 au matin, huit vaisseaux abandonnent leur chef pour se refugier à Rochefort. Le soir, c'est encore sept vaisseaux qui se sauvent à toutes voiles pour se refugier dans l'estuaire de la Vilaine. Restent deux bâtiments coincés au Croisic dont le navire-amiral, le Soleil Royal (80 canons). Il ne reste plus à Conflans, abandonné de tous, qu’à se résoudre à les incendier pour éviter leur capture.
Ces défaites, qui coûtent onze vaisseaux à la Marine Royale et dispersent le reste des unîtes jusque dans des ports étrangers, ruinent le plan d'invasion et achèvent de laisser à l'Angleterre triomphante la maitrise des mers.
À SUIVRE