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Le blog d'André Boyer

LE POUVOIR CENTRALISÉ FRANÇAIS

18 Décembre 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

PHILIPPE LE BEL (1268-1314)

PHILIPPE LE BEL (1268-1314)

J’ai commencé, il y a plusieurs années, à conter l’histoire du pouvoir politique en France, une histoire que je reprends aujourd’hui.

 

Vous trouverez ci-après l’essentiel de l’histoire de la centralisation du pouvoir depuis Philippe Le Bel jusqu’à Napoléon III, avant que je ne la reprenne avec de plus grands détails à partir des années 1850. L’histoire du pouvoir politique français est en effet pleine d’enseignement pour le présent et pour le futur de la France, car,  sous les masques alternatifs de la Monarchie, de l’Empire et de la République, l’histoire du pouvoir en France est celle de l’installation d’un système politique qui veille sans cesse à renforcer son pouvoir central,

En effet, du point de vue de la centralisation du pouvoir, tout commence au XIIe siècle, dans cette zone géographique que l’on appelle aujourd’hui la France, où les conditions de sécurité ont permis un certain développement économique dans le cadre fragmenté de royaumes ou de principautés relativement indépendants. En outre, gouvernées par des marchands, des villes semi autonomes émergeaient, qui devenaient des havres de liberté par rapport aux sociétés agraires asservies.

C’est justement à ce morcellement que se sont toujours opposés les rois de France, qui ont réussi à constituer dès le XIIIe siècle l’ensemble unitaire le plus puissant d’Europe. C’est dans ce dessein qu’ils s’opposèrent au cours des siècles à la prétention de l’Eglise de leur dicter leurs conduites. Les Rois de France firent de même barrage au protestantisme qui introduisait dans leur royaume de dangereux ferments de liberté. Fera-t-il de même face l’Islam ? Sans doute, à mon avis.

Au plan économique, la centralisation française du pouvoir a été tout de suite perçue à l’extérieur comme une erreur et un échec. C’est ainsi que  John Fortescue, qui combattit le roi de France pendant la guerre de Cent Ans, mentionne dans son essai, De laudibus legum Angliae (1470), la mauvaise gestion de la France par comparaison avec celle de l’Angleterre. Il observe que le Roi de France a tellement appauvri son peuple qui peine à survivre. Il s’étonne que, contrairement à l’Angleterre, les gens en France boivent de l’eau et non de la bière ou du cidre, se nourrissent de pain noir au lieu de pain blanc, ne peuvent pas consommer de la viande mais seulement un peu de graisse et des tripes. Il note que les gens en France ne portent pas de laine mais des blouses de canevas ou des braies qui ne descendent pas en dessous du genou et que leurs épouses et leurs enfants vont nu-pieds. Et bien sûr, que ces gens n’ont ni armes, ni argent pour en acheter.

L’étonnement de Fortescue porte sur le fait que les Français puissent vivre dans la pauvreté la plus rigoureuse alors qu’ils habitent le royaume le plus fertile du monde. L’image que donnait alors la France était celle d’un pays tellement mal gouverné et surexploité qu’il rendait pauvres ses habitants alors que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il soit riche.

Un siècle après Fortescue, Machiavel trouve les rois de France « plus gaillards, plus riches et plus puissants qu’ils ne le furent jamais »*, dans son Rapport sur les choses d'Allemagne qu’il écrit en 1508. Cette force des Rois de France provient d’après lui de la taille toujours plus vaste du domaine qui appartient en propre au Roi de France et de la soumission de ses vassaux. Aucun ne peut lutter contre le roi, contre lequel les puissances voisines ont également du mal à faire face.

Cette soumission a un revers, note Machiavel, car elle affaiblit le peuple : « Le reste de la population, roture et gens de métier, est tellement asservie à la noblesse et bridée en toute chose qu’elle en est avilie.»*. Or, ajoute t-il, « la France, grâce à son étendue et à l’avantage de ses grandes rivières, est grasse et opulente, les denrées et la main-d’œuvre y sont à bon marché, sinon pour rien, à cause du peu d’argent qui circule parmi le peuple ; c’est à peine si les sujets peuvent amasser de quoi payer leurs redevances, si minces qu’elles soient (…) Tandis que nobles et prélats prélèvent, le Roi n’a pas besoin de dépenser trop en forteresses, grâce à la parfaite soumission de son peuple, humble et vénérant le Roi, vivant à peu de frais »*.

Ces deux témoignages anciens présentent une France accablée sous le poids du pouvoir royal, mais qui s’y résigne. Car, depuis le règne de Philippe le Bel, le pouvoir du roi s’appesantit sur un espace de plus en plus étendu et une population toujours plus nombreuse. Ce pouvoir cherche à contrôler au plus prés un peuple qui s’efforce d’éviter des impôts toujours plus lourds, du fait des ambitions guerrières du royaume, de ses coûts d’administration jamais satisfaits et des goûts de luxe des privilégiés au pouvoir.

Dans la suite du déroulement de l’histoire, le pouvoir central qui passera du Roi à l’Empire ou à la République, ne s’est jamais départi de ses prérogatives, cherchant à en rajouter presque toujours de nouvelles sauf lorsqu’il était en position de faiblesse.

 

C’est ainsi que la France détient aujourd’hui le record du monde des prélèvements obligatoires. Par hasard ? 

 

*Machiavel, Rapport sur les choses d'Allemagne, 1508.

 

À SUIVRE

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