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Le blog d'André Boyer

HANOÏ ET LA NOSTALGIE

16 Mars 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

HANOÏ ET LA NOSTALGIE

Avant la campagne électorale infructueuse en vue de la direction de l’IUT conduite à l’automne 1989, je m’étais rendu à Hanoï, afin d’étudier le lancement d’une École de Gestion pour le compte du Ministère des Affaires Étrangères et de la FNEGE.

 

Je m’en souviens avec une assez grande précision, je suis arrivé à Hanoï en passant par Hong-Kong, avec deux compagnies aériennes successives et fort dissemblables, la Thai embaumée d’orchidées remises par des hôtesses avenantes et l’austère compagnie aérienne du Viet Nam qui n’avait que faire, bien dans le caractère national, de ces fantaisies commerciales.

Le but de mon voyage était d’évaluer les possibilités de créer une école de gestion à Hanoï, sur le modèle de ce qui s’était fait en Chine. Mais je me suis aperçu très rapidement que l’ambassadeur de France était hostile à ce projet pour des raisons classiquement corporatistes. En effet, il était parisien, issu de l’ENA et d’HEC et il ne jurait que par cette dernière école. Il n’était pas question qu’une université, et certainement pas celle de Nice, même appuyée par le ministère des Affaires Étrangères et la FNEGE, crée une école de gestion au Vietnam. Ce projet appartenait de droit divin à la Chambre de Commerce de Paris et l’ambassadeur est resté assez longtemps en poste dans ce pays pour l’imposer.

On le constate, avec le lancement acrobatique du CAAE de Tianjin, mon échec à l’IUT et cette rebuffade à Hanoï, sans mentionner d’autres affaires complexes et pénibles qui allaient suivre, l’année 1989 fut une année difficile pour moi.

Plus tard, je pris doublement ma revanche de la rebuffade de l’ambassadeur et en attendant je profitais de mon inaction forcée pour rencontrer le responsable d’une réplique vietnamien de notre CNRS. Il vint me chercher sur une motocyclette pour me conduire dans une sorte de ferme mal reliée à l’électricité, qui constituait la totalité de son centre de recherche dans les circonstances incertaines de l’époque. Nous convînmes de coopérer et lorsque je revins à Hanoï quelques années plus tard, il eut la fierté de me recevoir dans un bureau luxueux tout en haut d’un immeuble de 15 étages ! Le monde changeait.

Et puis il restait la nostalgie et le tourisme pour justifier ce déplacement.

La nostalgie. Tout d’abord, j’étais logé dans le légendaire hôtel Métropole construit en 1901 dans la rue Paul Bert, alors quelque peu décati mais depuis totalement rénové. La nostalgie a resurgi lorsque je visitais l’ancien bâtiment qui abritait l'École Française d'Extrême Orient, pas très loin de l'ambassade, et aussi le garage SIMCA qui subsistait encore hardiment, puis elle était présente aussi lorsque je vis le vieux tramway qui avançait à une vitesse de sénateur à la retraite, laissant le temps à des enfants facétieux de déposer des insectes sur le rail, juste devant ses roues.

Il y eut surtout le soir du mardi 10 octobre 1989. J'étais à Hanoï depuis trois jours et je m'étais familiarisé avec le centre d'Hanoï et le Petit Lac, au débouché de la rue anciennement Paul-Bert. Bordé d’arbres et de larges avenues, il offrait aux promeneurs un lieu pittoresque avec ses eaux qui reflétaient, le soir, les lumières électriques. Au centre de cette cuvette on y avait construit le Pagodon surmonté par une réduction de la statue de la Liberté éclairant le monde.

J’étais sorti, comme tous les soirs, faire une petite promenade. J’entendis des flonflons émis par des hauts parleurs nasillards installés autour du Petit Lac.

Je m’en approchais dans le noir, car Hanoï était très peu éclairé à cette époque. Et je découvris autour du lac une course cycliste fantasmagorique, sans spectateurs et sans lumières, simplement honorée par cette sono incertaine. De retour à l’hôtel, j’appris la raison de cette course nocturne dans un ambiance digne de Fellini. Il s’agissait de fêter le 45e anniversaire du départ des troupes françaises de Hanoï, après le traité qui suivit la chute de Diên Biên Phu.

Cela ne fit qu’ajouter à mes impressions nostalgiques. Je me souvenais, enfant, que mon père suivait tous les soirs, sur son gros poste de radio d’avant les transistors, la résistance désespérée pendant presque trois mois des positions fortifiées de Diên Biên Phu et sa chute inéluctable, le 7 mai 1954, qui firent huit mille morts côté français. Je me souvenais de la peine et de l’humiliation ressentie, car elle signifiait la fin d’un Empire dont les tâches roses emplissaient les planisphères de nos salles de classe. Diên Biên Phu, c’est mon premier ressenti politique et voilà qu’il s’invitait à Hanoï, ce 10 octobre 1989.

Je ne savais pas qu’Hanoï m’offrait ses derniers reflets de l’ex Indochine française, car il allait être bouleversé en quelques années par la marche inexorable de sa modernisation qui ferait disparaitre le vieux tramway comme le garage SIMCA, dans un élan irrésistible capable de refaire une rue en une nuit, dans l’odeur acre du goudron, le fracas des pelleteuses et les braillements des ouvriers.

Le tourisme. J’ai pu m’évader d'Hanoï pour aller visiter la Baie d'Along en passant par Haiphong, le grand port du nord du Vietnam. J'ai ainsi vu les rizières au milieu desquels on découvrait encore d'anciens fortins qui dataient de la guerre d’Indochine, la ville portuaire d’Haiphong assez peu attractive et surtout, en jonque, l’atmosphère mystérieuse de la baie avec ses presque deux mille îlots de calcaire et de schiste émergeant de l’eau dans la brume.

Au retour vers Hanoï, j’ai dû faire étape le soir à Haiphong où j’ai découvert une face plus dure et plus réaliste de la vie vietnamienne.

 

Puis, au bout de cette semaine infructueuse pour mes projets et ceux de la FNEGE, empli des images nostalgiques d’un Hanoï qui allait s’effacer pour toujours afin de laisser la place au Hanoi actuel, je revins à Nice où m’attendaient des combats aussi incertains qu’imprévus…

À SUIVRE

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