L'EUROPE AMPUTÉE
9 Mars 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Il est fascinant d'entendre les commentaires des médias sur la guerre en Ukraine destinés à endormir une opinion publique qui ne demande qu'à s'indigner, tandis que ces vaines passions sont aux antipodes du destin qui nous attend.
Je comprends que les dirigeants politiques accordent leur priorité à cacher la vérité à leur population qui est celle de leur impuissance, puisqu'il leur faut la cacher à l’aide de rodomontades coûteuses.
J'entends les objections. La première est celle de l'efficacité à terme des représailles économiques en cours contre la Russie. Or, ces représailles ont toujours démontré leur inefficacité dans le passé et ce n'est pas aujourd'hui, alors que la Chine soutient la Russie, qu'elles pourraient avoir le moindre effet.
Lorsque les commentateurs essaient de nous faire croire que ces sanctions vont entrainer la chute de Poutine, ils nous trompent. Vous avez devant les yeux le résultat des sanctions que pratiquent avec obstination les États-Unis suivis servilement par leurs puissances vassales, contre Cuba, la Corée, l’Iran ou le Venezuela, et j'en passe. Elles n’ont servi qu’à martyriser les populations de ces pays, jamais à renverser leurs régimes.
Au contraire, ces représailles économiques contribuent à accroitre le ressentiment de la Russie, tout en ajoutant aux difficultés de l'Europe. Il suffit de songer aux effets de la raréfaction du gaz ou du blé sur l'économie européenne. Il est vrai que j'oublie les effets dévastateurs sur le moral de sa population de l'exclusion de la Russie du Concours Eurovision de la Chanson...
La seconde objection, plus sérieuse en apparence, est celle de l'existence de l'OTAN à laquelle nous appartenons et qui nous protège. J'entends même certains, amoureux forcenés des paradoxes, soutenir que l'OTAN sort renforcée de la guerre en Ukraine.
Mais, en pratique, l'OTAN observe l'invasion de l'Ukraine l'arme au pied. Il y a des risques d'incidents, mais aucun pays européen n'a ni les moyens ni la volonté de faire la guerre à la Russie. Quant aux États-Unis, tous leurs objectifs sont déjà atteints puisqu’ils ont séparé la Russie de l'Europe. Reste à éviter, de leur point de vue, que la Russie ne se rapproche par trop de la Chine.
Mais au regard des considérations précédentes, la conséquence la plus importante à long terme de la guerre d’Ukraine est que l'Europe de l'Ouest vient de s'amputer de sa partie est.
Il est vrai que l’Europe voulait furieusement cette coupure depuis 1989, une fois récupérés en son sein, les ex-pays de l’Est à l’exception de la Russie.
En effet, on a observé en plusieurs occasions, malgré les efforts de la Russie pour se rapprocher de l’Europe, que cette dernière faisait tout pour la repousser du pied. Pensez au mépris européen pour le régime politique russe. Regardez le nain Hollande annuler la vente de deux porte-hélicoptères. Observez surtout l’insistance avec laquelle l’OTAN, qui n’est qu’une alliance anti-russe lorsqu’elle ne sert pas de supplétif aux États-Unis en Afghanistan, a cherché obstinément à fédérer tous les pays voisins de la Russie contre cette dernière.
Maintenant, l’Europe a ce qu’elle veut, la reconstitution du rideau de fer, mais cette fois de son fait et plus à l'est, ce qui lui permet de se séparer de la Russie avec toute la bonne conscience nécessaire.
Mais, bonne conscience ou pas, cette coupure reste un crime stratégique, d’autant plus qu’elle n’isolera pas la Russie. La Chine, l’Inde, l’Iran, nombre de pays asiatiques, africains et sud-américains ne manqueront pas de faire appel à la Russie lorsqu’ils voudront faire échec au bloc américano-européen.
Certes, la Russie y perdra un certain nombre d’avantages, mais l’Europe y gagnera quoi ? Ne voit-on pas que seuls les Américains et les Chinois sont les gagnants de ce conflit ?
À ce stade, au delà de Poutine et Zelensky, la Russie et l’Ukraine restant nos voisins, comment ne pas voir que tous nos efforts, en Europe, devraient être fait pour recoller les morceaux plutôt que de les consacrer à pulvériser toutes les possibilités d’entente au nom de la morale ?
Mais aujourd’hui, je crains fort qu’il faille beaucoup de temps pour retrouver le chemin de l’entente avec la Russie, une entente qu’on lui a si longtemps refusée qu’elle la piétine désormais avec rage sur le malheureux sol de l’Ukraine…
À SUIVRE