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Le blog d'André Boyer

LA RÉPONSE RUSSE À L'HUBRIS ÉTATSUNIEN

25 Mars 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

MIG 31 PORTANT UN MISSILE KINJAL

MIG 31 PORTANT UN MISSILE KINJAL

Le 13 mai 2020, Il y a bientôt deux ans, je publiais un billet intitulé " Aux confins de la peur" dans lequel je présentais les différents vecteurs hypersoniques développés par la Russie. Voilà qu'elle vient de les utiliser pour la première fois.

 

Dans ce billet annonciateur, j'écrivais et je réécris en gras : " les États-Unis se trouvent pour la première fois de leur histoire dans une situation d’infériorité technologique face à la Russie sur le plan militaire."

Le message envoyé par Poutine aux États-Unis et à ses vassaux, Europe, monde anglo-saxon et Japon, avec la première utilisation dans un conflit d'un missile hypersonique est donc parfaitement clair : "vous n'avez pas les moyens de m'empêcher d'agir à ma guise et, comme vous pouvez le constater, je ne me gêne pas de le faire."

Les États-Unis n’ont toujours pas rattrapé leur retard sur la Russie relativement aux  missiles hypersoniques et ils ne sont donc plus en mesure ni de se protéger d'une attaque russe, conventionnelle ou atomique, par ces missiles, ni, à fortiori, de protéger leurs alliés.    

Si vous en doutez par habitude, observez l’attitude très prudente d’Israël et de la Turquie, théoriquement alliés aux États-Unis, sans compter, à l’exception du Japon, les positions des pays asiatiques et africains. Bien sûr, les États-Unis déplacent la nature de leur confrontation avec la Russie du niveau militaire, où ils en sont réduits à faire des discours et à livrer du matériel susceptible d'alimenter une guérilla comme en Syrie, à l'aspect économique sous forme de "sanctions" qui sont des armes boomerang tant elles ont des effets négatifs sur l'Europe et tant elles contribuent à réorganiser le commerce mondial à leur propre détriment. L'histoire du Blocus Continental ne leur a rien appris.

Comment les États-Unis se sont-ils engagés dans cette impasse ? Auparavant, l’équilibre de la terreur était fondé sur les accords Saltdevenus ensuite les accords Start, qui fixaient un nombre maximum de bombardiers, de missiles et d’ogives pour les deux signataires et sur le traité ABM qui interdisait les défenses contre les missiles balistiques adverses, sauf sur un seul site. Mais la disparition de l’URSS et les progrès de la défense contre les missiles changèrent la donne, alors que l’ensemble des rapports de force, économiques, militaires et stratégiques évoluaient en la défaveur de la Russie. 

Conscients de la faiblesse de leur position, les Russes essayèrent en vain de se rapprocher des États-Unis jusqu’à ce que l’abandon du traité ABM par Georges W. Bush en 2002, les réveille : tandis que l’Otan accueillait toujours plus de nouveaux membres en Europe de l’Est, Poutine préparait la riposte. 

Il annonça dès 2004 que, si les États-Unis poursuivaient l’encerclement de la Russie par des systèmes ABM pour la neutraliser, il développerait des systèmes d’armes hypersoniques et de haute précision qui rendraient impuissants tout système ABM.

Avec suffisance, les experts étasuniens jugèrent que c’était pure rodomontade de la part des Russes puisque les États-Unis estimaient qu’il leur faudrait pour leur part plusieurs décennies pour y parvenir ; dès lors, comment les Russes pourraient-ils progresser technologiquement plus vite que les États-Unis, le phare du monde ? Proprement impensable. Ici apparait l’hubris qui rend aveugle et qui poussa les experts à recommander l’encerclement de la Russie par un réseau de missiles antimissiles qui la réduirait à l’impuissance. 

Ils se trompaient. 

L'équilibre en faveur des États-Unis a été officiellement rompu le 1er mars 2018, lorsque, devant la réunion des deux chambres du Parlement russe, Vladimir Poutine a déclaré : « À ceux qui, au cours des quinze dernières années, ont essayé d’accélérer la course aux armements et de rechercher un avantage unilatéral contre la Russie, je dirai ceci : tout ce que vous avez essayé d’empêcher a fini par se produire. Personne n’a réussi à contenir la Russie. »

Naturellement, le gouvernement américain nia, et nie toujours, le sérieux de la menace et la presse française unanime le suivit à l’époque en minimisant, à l’aide de guillemets ironiques l’annonce de Poutine sur ces armes « invincibles » ou même « soi-disant invincibles ». Ces dénégations étaient naturellement destinées à endormir les opinions publiques des pays de l’Otan, mais ce déni semble avoir aussi touché leurs dirigeants qui viennent à peine de se réveiller avec l’invasion de l'Ukraine.

Or, il est un fait avéré, observé, vérifié, que depuis quatre ans déjà, la Russie a commencé à équiper ses forces d’une nouvelle génération d’armements qui lui procure progressivement un avantage stratégique croissant face aux États-Unis. Cette génération comprend déjà quatre composantes, deux autres étant en préparation :

  • Le missile hypersonique Kinjal (Dague) qui atteint une vitesse de mach 10 tout en changeant de trajectoire et qui est doté d’ogives conventionnelles ou nucléaires lancé depuis un chasseur, avec une portée d’au moins deux mille kilomètres. Ces missiles sont en service dans les forces aérospatiales russes depuis 2018 et ont été récemment utilisés en Ukraine.
  • Le planeur hypersonique Avangard, sans limite de portée (sic) capable de dépasser mach 20, tout en changeant de cap et d’altitude, avec une charge nucléaire de deux mégatonnes.  Les deux premiers engins ont été mis en service en janvier 2020. 
  • Le missile intercontinental lourd Sarmat de plus de 200 tonnes, sans restriction de portée, qui peut être équipé d’ogives nucléaires mises sur orbites et dotées de vecteurs hypersoniques. Il serait entré en service depuis 2020 ou 2021.
  • Le drone sous-marin à propulsion nucléaire Poseidon, capable d’atteindre les côtes américaines sans être détecté en transportant une charge nucléaire. Sa vitesse serait de 200 nœuds dans l’eau, et sa charge le rendrait capable de déclencher, par exemple sur les côtes californiennes, un tsunami de 100 mètres de haut sur plusieurs dizaines de kilomètres et son rayon d’action est de l’ordre de dix mille kilomètres, à mille mètres de profondeur. Il doit être mis en service à l'été 2022. 

Si la Russie décidait d’utiliser ses armes hypersoniques, aucune défense ne pourrait la contrer, ni en Europe ni aux États-Unis où l’énorme système de défense ABM est désormais obsolète. En revanche, les États-Unis (pas plus la France bien sûr) ne seraient certains de toucher la Russie avec leurs missiles périmés. Il est donc plus que temps de prendre conscience des conséquences en terme stratégique de la vulnérabilité militaire des États-Unis et de leurs alliés, en particulier européens, et inversement de reconnaitre que la Russie est devenue militairement quasi invulnérable, au moins pour quelques années.

 

Alors que la Russie semble aujourd’hui s’embourber dans le conflit ukrainien sur le terrain, cette aventure militaire signe un changement d'équilibre stratégique en sa faveur, démontré par sa liberté d’action. Il faut donc en tenir compte dans les négociations de paix, en reconnaissant, même si c’est difficile à admettre, que les exigences de la Russie ne peuvent pas être traitées avec mépris.

 

À SUIVRE 

 

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L
André,<br /> <br /> Nul ne peut se prévaloir des turpitudes de l'autre. Les erreurs tragiques de Bush n'excusent pas Poutine.<br /> <br /> Amitiés. Louis
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A
tu as bien entendu raison. <br /> Je dénonce l'inégalité de traitement car Bush n'a jamais été dénoncé comme un criminel de guerre, ce qui évidemment ne veut pas dire qu'il ne faille pas dénoncer Poutine en tant que tel.<br /> Amitiés, <br /> André<br />
K
Le président de la Russie est le fauteur de guerre et il devra en rendre compte. Ecoutez à ce sujet Philipp SANDS autour du remarquable "retour à Lemberg" https://www.franceinter.fr/emissions/un-jour-dans-le-monde/un-jour-dans-le-monde-du-lundi-28-mars-2022
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A
Aujourd'hui Poutine est en effet fauteur de guerre. Il devra en rendre compte, mais il ne faut pas oublier que Bush l'était aussi. <br /> Amitiés, <br /> André
C
Merci André pour cet article bien détaillé comme d'habitude. Ceci fait froid dans le dos: la suprématie militaire dans les mains d'un belliqueux et le potentiel de destruction de cet armement ....Espérons qu'il n'y aura pas de débordements et une bonne gestion de cette crise. Une pensée émue pour les ukrainiens dont le courage est extrême. Amitiés.Catherine.
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A
Oui cela fait froid dans le dos, c'est pourquoi on parle pratiquement pas de cette situation. Espérons donc que la raison triomphe, espérons...<br /> Bises<br /> André
N
"Dans les mains d'un belliqueux", je suppose que vous parlez de la momie Biden et de ses caniches européens. Ce qui fait avant tout froid dans le dos, c'est l'aveuglement et la médiocrité de toute la clique Otanienne.