UKRAINE, LAISSER POURRIR OU NÉGOCIER
18 Mars 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
La situation est désormais assez claire. L'Ukraine subit aujourd'hui une pression militaire permanente des armées russes qui avancent progressivement vers de nouvelles villes, sans chercher à les prendre de vive force pour l'instant.
Les Européens, accompagnés cyniquement par les Américains, protestent vivement contre l'invasion russe, prennent des sanctions économiques et livrent des armes.
Pour comprendre la suite des évènements, on peut largement s'inspirer de ceux de Syrie parce qu’ils révèlent le modèle d'action russe, la réponse occidentale et les conséquences de la combinaison des deux . En Syrie, les Russes ont utilisé leur supériorité aérienne pour traquer les rebelles et des troupes au sol avec de l’artillerie et des missiles longue portée pour réduire à merci les troupes retranchées dans les villes, comme Alep.
Les Américains et les Européens ont violemment critiqué Bachar El Assad (« il ne mérite pas de vivre » disait Fabius) mais ont progressivement cessé de soutenir les rebelles syriens, dont la cause leur a paru perdu dès lors que les troupes russes étaient entrées en action. Il s’y est ajouté les interventions turque, iranienne et israélienne qui ont contribué à brouiller le jeu stratégique.
Le résultat pour la Syrie, après onze ans de guerre, a été de faire fuir du pays plusieurs millions de Syriens sur une population originelle de 22 millions, de détruire la majeure partie de ses infrastructures qu’il faut désormais reconstruire et que les Occidentaux, vindicatifs, refusent de financer.
Ce processus est à comparer avec la situation ukrainienne d’aujourd’hui et ses prolongations possibles. L’offensive russe semble plus lente que prévue, avec des lacunes aériennes et des échecs locaux. Personne ne peut cependant compter sur une défaite de l’armée russe face à la résistance ukrainienne mais plutôt sur l'enlisement du conflit, ce qui laisse prévoir un affrontement de longue durée.
Côté Américain et Européen, on compte sur le poids des sanctions économiques et du soutien à la résistance ukrainienne pour affaiblir la résolution de Poutine, mais personne ne croit que ces mesures suffiront à entrainer la défaite de la Russie. Pour se consoler, l’opinion publique se met à faire des hypothèses sur l’état mental de Poutine ou sur la révolte des populations russes qui permettrait de renverser le régime. Mais personne non plus ne se risque, pour le moment, à recommander une intervention immédiate des armées européennes et à fortiori américaine, intervention américaine que Biden a exclu d’avance, pour mettre en échec l’armée russe.
On retrouve donc le schéma syrien avec des réfugiés par millions, une économie ukrainienne détruite, auquel s’ajoute, dans le cadre du conflit ukrainien, une économie russe en grande difficulté et une économie européenne déprimée.
Puisque la Russie a fait le choix d’attaquer, c’est au tour de l’Europe de faire désormais son choix, car les États-Unis semblent s’accommoder d’un conflit long. Puisque l’Europe condamne fermement l’attaque russe et qu’elle soutient l’Ukraine tout en se refusant à une confrontation militaire directe, il lui faut accepter un long affaiblissement de son économie et une crise sociale, ainsi que la destruction de l’économie ukrainienne et la fuite d’une bonne partie de sa population vers l’Europe.
En résumé, il s’agit d’accepter un résultat catastrophique pour l’Europe « de l’Atlantique à l’Oural » sur une période de plusieurs années.
D’évidence, deux autres décisions s’offrent aux décideurs européens :
- Faire la guerre à la Russie, en acceptant les risques de la confrontation. On s’achemine lentement vers ce choix qui deviendra de plus en plus probable avec le prolongement du conflit dans le temps et la succession d’incidents plus ou moins contrôlés qu’il va générer.
- Négocier avec Poutine, en acceptant de lui faire des concessions. On sent bien que les Américains sont contre toute concession à la Russie au travers du pilotage des négociateurs ukrainiens. Surtout, l’on sent bien que plus la guerre durera, plus les griefs s’accumuleront et plus la recherche d’un compromis sera ardue. Mais il s’agit certainement pour l'Ukraine, la Russie et l’Europe de l’option la moins coûteuse des trois.
Les jours qui viennent sont donc particulièrement cruciaux pour notre avenir à tous, Ukrainiens, Russes et Européens. Il ne nous reste plus qu’à espérer que le courage et la raison inspirent les dirigeants européens et qu’ils soient en mesure d’influer sur le cours des négociations !
À SUIVRE