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Le blog d'André Boyer

LA GUERRE OU LA GUERRE

8 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE FRONT

LE FRONT

Depuis mon dernier billet sur l'Ukraine, le 30 juillet 2022, j’ai pris le temps d’observer l’évolution de la guerre. Ses enjeux, son déroulement sont devenus plus clairs. Faisons le point.

 

Je n’adopterai pas l’angle d’attaque de LCI, façon western à l’ancienne, où les méchants sont les Russes et les bons, toujours gagnants à la fin, sont les Ukrainiens. Selon cet angle, mon billet serait très simple :

  • Poutine a tort. Zelenski a raison et avec lui les Américains et les Européens.
  • Puisque Poutine a tort, il va perdre. Reste à fournir à Zelenski aussi vite que l'on peut le plus de matériel possible jusqu’à ce qu’il écrase les Russes et reconstitue le territoire originel de l’Ukraine, Crimée comprise.
  • Viendra ensuite une Russie qui chassera Poutine (ou le tuera, à moins qu’il ne se suicide), deviendra démocratique, fera son mea culpa et obéira aux Américains et aux Européens.

Si vous croyez que ce scenario de western est le bon scenario, vous allez avoir quelques difficultés à me lire.

Tout d’abord, j’ai remarqué que les gentils sont toujours les vainqueurs, puisque ce sont eux qui distribuent les bons et les mauvais points. Attendons donc encore un peu pour les identifier, car je suis sûr, et sur ce point je pense avoir votre accord unanime, que la guerre est loin d’être finie.

En outre, toujours avec votre probable accord unanime, j’observe une montée régulière dans la fourniture, en quantité et en qualité du matériel fourni à l’Ukraine. Nous en sommes aux chars lourds, type Léopard. Zelenski nous demande, et jusqu’ici nous avons toujours fait droit à ses requêtes, de lui fournir des avions de combat et des missiles longue portée. Je me demande quand est-ce qu’il va nous demander de lui envoyer, pour l’aider, des forces constituées européennes, des brigades ou même des divisions ? C’est ici que se situera un point clé, parce qu’il s’agira d’un engagement coûteux en hommes et plus seulement en matériel.

Jusqu'ici je suppose que tous mes lecteurs sont d'accord avec moi, tant je suis purement factuel.

Allons donc un peu plus loin. Reprenez la troisième étape du western type LCI: "la Russie a perdu, elle chasse Poutine et vient un gouvernement qui fait son mea culpa et se soumet aux États-Unis et à l'UE". Si vous croyez à ce scenario, vous avez raison de pousser à la guerre pour qu'on en finisse le plus vite possible et que tout redevienne comme avant que le méchant Poutine n'envahisse la gentille Ukraine.

Pour ma part, Je ne crois pas à ce scenario rêvé, mais nous pouvons convenir que ce scénario n'est pas certain. Regardons donc l'autre hypothèse, celle qui imagine que les Russes résistent ou même, horribilis res, gagnent. J’ai aussi remarqué que c’était assez dangereux de sous-estimer l’adversaire et la guerre que mène la Russie contre l'Ukraine me rappelle assez celle qu'elle a mené en 1940 contre la Finlande, résistance héroïque des Finlandais, lent retour des troupes russes avant un traité de compromis. 

Pourquoi cette autre hypothèse pourrait arriver ? Regardons le processus qui serait susceptible de nous y conduire. 

Pour le moment, ce sont plutôt les Russes qui avancent en Ukraine, lentement d'ailleurs et nous dit LCI, qui ne s’informe qu’auprès des Ukrainiens, avec de lourdes pertes. Pourquoi les Russes l’emporteraient-ils ? Les Russes se battent avec détermination et les Ukrainiens aussi. Simplement, on trouve cent cinquante millions d’habitants en Russie contre trente-cinq millions dans la zone non occupée de l’Ukraine, moins les huit millions qui se sont réfugiés en Europe. Ce sera dur de mobiliser de plus en plus d’hommes en Ukraine, alors qu’un nombre croissant d’entre eux ont rejoint leurs femmes et enfants sur la Côte d’Azur où presque tout est gratuit pour eux, au point que les réfugiés des autres pays y voient une injustice : les délices de Capoue menacent l’héroïque légion ukrainienne.

Cependant il est possible que l'envoi de matériel supplémentaire permette aux Ukrainiens de contre-attaquer, peut-être pas.  S'ils n'y parviennent pas, soit on négocie, soit il faudra envoyer d’autres matériels, comme les avions demandés par Zelensky. Mais il faut du temps pour former des pilotes à de nouveaux avions, car ce ne seront probablement pas des Mig, et donc se posera la question d’envoyer des pilotes avec.

En outre, si les avions ne suffisent pas, il faudra envoyer des troupes constituées, sachant que l’on trouve déjà en Ukraine nombre de forces spéciales, surtout américaines et anglaises, plus des instructeurs et des volontaires.

Mais le point crucial sera celui de l’engagement des forces régulières européennes et américaines, ce qui équivaudrait à une déclaration de guerre officielle, par exemple entre la France et la Russie. Je ne suis pas sûr que les gouvernements se lanceront dans cette voie, d’autant plus qu’il est probable que les opinions publiques, même chauffées à blanc par LCI et les autres médias, seront enthousiastes pour se lancer dans une guerre directe contre la méchante Russie pour soutenir la gentille Ukraine. En Pologne sans doute oui? En France?

J’ajoute que les États-Unis seront les plus réticents de tous, car ils s’approcheraient fortement d’une guerre nucléaire.

À ce stade, soit on négocie sous la probable pression de l’opinion publique, soit les gouvernements européens, prêts à perdre leurs élections au profit d’une vague populiste, s’y lancent, nonobstant les pertes importantes de troupes. Pour les Français, il ne s’agira plus de 50 hommes en dix ans comme au Mali mais plutôt par jour.

Cependant, si l’on continue à raisonner selon ce mode pessimiste ou réaliste, rien ne prouve que les troupes occidentales l’emporteront, car si l’on peut envisager que les Russes effrayés par les troupes de l’OTAN capitulent, ils peuvent aussi se dresser dans un sursaut nationaliste et mobiliser quelques millions d’hommes. C’est alors que l’on peut encore décider soit de négocier, soit de se lancer dans une guerre nucléaire partielle. Si cette dernière échoue, ce sera donc une dernière chance de négocier avant de se lancer dans une guerre nucléaire totale, et à ce stade, je ne sais pas si cela vaut la peine de se risquer à en prévoir l'issue. 

Donc, à quelque étape que l’on se trouve, si les Russes l’emportent, ce qui serait logique compte tenu du rapport des forces, il restera toujours l’option de négocier, c’est-à-dire, ne nous le cachons pas, d’une manière ou d’une autre, de capituler.

Si cela vous parait insupportable, il ne vous reste plus qu’à prier pour que les Ukrainiens l’emportent ou à vous résigner à la guerre totale, quitte à tous mourir. Après tout l’Ukraine vaut bien le Dantzig de 1939 et « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », comme disait Paul Reynaud, qui n’y a pas cru très longtemps. Mais, quand on est dans son bon droit, il faut aller jusqu’au bout, même si on n’est pas du tout sûr de l’emporter.

Cependant, vous voulez probablement connaitre mon avis, à moins que vous l'ayez déjà compris, puisque vous me lisez. Je pense que compte tenu des incertitudes de la montée aux extrêmes, où les Russes me paraissent plus à l’aise que nous, Européens, il vaudrait mieux négocier tout de suite, c’est moins glorieux mais moins coûteux pour les deux parties.

 

Et toutes mes excuses aux « consultants » de LCI et à leurs fidèles téléspectateurs (1,7 % du PAF), qui voudront bien me pardonner une conclusion aussi piteuse...

 

À SUIVRE (PROBABLEMENT)

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A
l'Europe s'est foutu dans un beau piège en devenant le vassal des US L'Ukraine doit perdre pour que l'UE ne perde pas la face , alors négocier est devenu (pour moi) la seule issu à ce conflit .
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A
Je suis absolument de cet avis. <br /> Amicalement, <br /> André BOYER
Z
Absolument d’accord avec ton analyse mon cher André…l’issue à court terme me semble improbable…l’aide extérieure ne sera pas éternelle et aura ses limites… quelles solutions imaginer pour la fin de ce conflit, sans envisager une extension des participants qui serait l’entrée dans un rapport de forces mondial…dieu nous en préserve.
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A
Bonjour Danielle. <br /> Quel plaisir de lire ton commentaire! D'autant plus, mais pas seulement, parce qu'il va exactement dans mon sens...<br /> Amitiés, <br /> André