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Le blog d'André Boyer

MACHIAVEL, LE MODERNE

3 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

MACHIAVEL, LE MODERNE

MACHIAVEL, LE MODERNE

 

La Renaissance s'efforce de voir les choses telles qu'elles sont et non plus à travers l'illusion chrétienne. À partir de ce principe, Dieu ne créa plus les rois et Machiavel se résolut à écrire le Prince.

 

Il s'y résolut après une longue expérience des choses. Sur l'échiquier dont il parle et sur lequel il a joué de nombreuses parties, il n'y a pas de pièces vertueuses. En proie avec les tours, les cavaliers, les canons, les soldats et l'Assassin, le Roi ne peut pas se dégager en faisant appel à la clémence, la générosité ou la bonté de l'adversaire. Ces pièces morales n'existent dans aucun camp, car il s'agit de prendre possession d'un royaume qui n'est plus au ciel mais sur la terre ferme.

Pendant la Renaissance, on a découvert l'Amérique et la route des Indes par le Cap, et, de ce fait, les richesses ne sont plus fabuleuses. Auparavant, toutes les cailles que l'on avait manquées dans ce monde ci tombaient rôties dans l'autre. Maintenant, l'on sait qu'il faut s'occuper soi-même, le plus vite possible, de toutes les jouissances que l'on désire.

Plus de calendes grecques.

On est désormais entre êtres humains et rien d'autre.

Le monde est devenu petit.

Nous avons plusieurs façons de lire Machiavel. L'une d'elles consiste à chercher dans ses écrits un traité de politique. Mais, au fond, instruits par l'expérience et la masse d'information que nous recevons, nous en savons plus que Machiavel. Nous pouvons viser le même but que lui et plus vite que lui.

Simplement, nous avons moins de franchise, car, à vrai dire, c'est sa franchise qui nous étonne, pire encore, qui nous intimide.  

De nos jours, l'honnête homme parle volontiers des droits de l’homme. Il s'offusque lorsqu'ils ne sont pas respectés. Mais en réalité, ces droits nécessitent la contrainte pour ne pas être totalement bafoués.  Car, même sous la contrainte, la plupart du temps ces droits sont tournés, retournés, détournés. Déjà, dans les simples rapports de commerce, on a recours au contrat à chaque instant, on signe à qui mieux mieux, on multiplie les signes d'engagement, car on sait à quel point les engagements sont précaires.

Et que dire alors des contrats de travail, dont les procédures doivent être respectées à la lettre sous peine de nullité ? C'est que dans le domaine social, le contrat n'a jamais cessé d'être tourné, malgré toutes les protestations de bonne foi.

Il y a même certitude de mauvaise foi dès qu'il y a affirmation répétée de bonne foi.

Dans ce monde, un démenti confirme.

Sur ce point, Machiavel apporte une franchise d'acier. Dès que le contrat se discute, il déclare qu'il sera tourné et quand il est signé, il démontre que la signature ne vaut rien, qu'elle n'engage rien de réel, que l'on vient, tout simplement de perdre son temps. Il défend que l'on parle de bonne foi ; il a même la loyauté de proclamer, avant que les débats ne commencent, qu'ils seront essentiellement présidés par la mauvaise foi.

En cela, il ne s'occupe que de la stricte vérité et à ce titre il est le premier écrivain moderne.

Une autre façon de lire Machiavel est de l'accompagner dans son étude de l'homme, puisqu'il cherche à comprendre comment l'homme peut être gouverné par l'homme, Machiavel est logiquement amené à étudier l'homme et c’est sur ce chemin que nous pouvons aussi l’accompagner.

Pour qui subit la politique plutôt qu'il ne la fait, être berné est chose commune ; en revanche, ce qui importe est que nous croyons à un pouvoir sans limite de l'homme. Non seulement, nous croyons à une valeur de l'homme, mais à la valeur de l'homme. Nous dressons des plans pour une super-humanité, des plans orgueilleux. Nous sommes dans le paroxysme de l'ambition humaine.

L'homme de Machiavel, ce n'est pas le méchant, c'est n'importe quel homme dès qu'il pose en principe que le monde matériel perceptible par ses sens est la seule réalité et qu'en dehors de cette réalité, il n'y a rien.

 

C'est l'homme d'aujourd'hui.

 

À suivre.

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