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Le blog d'André Boyer

MAIS POURQUOI TRUMP?*

11 Novembre 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

FRANCIS FUKUYAMA

FRANCIS FUKUYAMA

La victoire écrasante de Donald Trump et du parti républicain mardi 5 novembre va entraîner des changements majeurs, car elle signifie un rejet décisif par les électeurs américains du libéralisme et de la manière particulière dont la conception d’une « société libérale » a évolué depuis les années 1980.

 

Lorsque Trump a été élu pour la première fois en 2016, il était facile de croire que cet événement était une aberration. Trump se présentait face à un adversaire faible qui ne le prenait pas au sérieux et, de toute façon, Trump n'avait pas remporté le vote populaire. Lorsque Biden a remporté la Maison Blanche quatre ans plus tard, tout semblait être revenu à la normale après un funeste mais unique mandat présidentiel.

Après le vote de mardi, il semble désormais que ce soit la présidence Biden qui constitue l’anomalie, tandis que Trump inaugure une nouvelle ère dans la politique américaine, une nouvelle ère qui concerne le monde entier.

Car les Américains ont voté en sachant parfaitement qui était Trump et ce qu'il représentait.

Le sachant, ils lui ont permis non seulement de remporter une majorité de voix, mais il a en outre remporté tous les États clés, la majorité du Sénat et il a conservé la Chambre des représentants. Étant donné leur domination actuelle sur la Cour suprême, les Républicains détiennent désormais les principaux moyens du gouvernement.

La nature profonde de cette nouvelle étape de l’histoire américaine semble liée à l’évolution du libéralisme. Sa version classique se présente comme une doctrine fondée sur le respect de l’égale dignité des individus par un État qui protège leurs droits et par des contrôles constitutionnels visant l’État à ne pas empiéter sur ces droits.

Mais au cours des cinquante dernières années, cette impulsion fondamentale a subi deux grandes distorsions. La première a été la montée du néolibéralisme, une doctrine économique qui sanctifiait les marchés et réduisait la capacité des gouvernements à protéger les citoyens touchés par le changement économique. Cette dernière a entrainé un enrichissement mondial, mais la classe ouvrière en Occident a perdu des emplois et la possibilité d’un ascenseur social, tandis que le pouvoir se déplaçait de ces pays occidentaux vers le Sud global.

La seconde distorsion a été la montée des politiques identitaires ou de ce que l’on pourrait appeler le « libéralisme woke », dans lequel l’intérêt progressiste pour la classe ouvrière a été remplacé par des protections ciblées pour un ensemble de groupes marginalisés : minorités raciales, immigrants, minorités sexuelles. Le pouvoir de l’État a été de plus en plus utilisé non pas au service d’une justice impartiale, mais pour promouvoir des résultats sociaux spécifiques pour ces groupes.

Entre-temps, les marchés du travail se transformaient en une économie de l'information. Dans un monde où la plupart des travailleurs étaient assis devant un écran d'ordinateur plutôt que de soulever des objets lourds sur les sols des usines, les femmes se trouvaient sur un pied d'égalité. Cela a transformé le pouvoir au sein des ménages et a conduit à la perception d'une célébration de la réussite féminine.

L’émergence de ces nouvelles conceptions du libéralisme a entraîné un changement majeur dans la base sociale du pouvoir politique. La classe ouvrière a compris que les partis politiques de gauche ne défendaient plus ses intérêts et s’est mis à voter pour les partis de droite.

C’est ainsi qu’aux États-Unis les démocrates ont perdu le contact avec leur base ouvrière et sont devenus un parti dominé par des cols blancs urbains et instruits, tandis que les ouvriers votaient républicain et qu’en Europe les électeurs communistes français et italien faisaient défection au profit de Marine Le Pen et de Giorgia Meloni.

 

Tous ces groupes étaient mécontents d’un système de libre-échange qui éliminait leurs moyens de subsistance tout en créant une nouvelle classe de super-riches, et étaient également mécontents des partis progressistes qui semblaient se soucier davantage des minorités et de l’environnement que de leurs conditions de vie qui se détérioraient.

 

*D’après Francis Fukuyama (What Trump unleashed means for America Financial Times, 10 novembre 2024) selon une traduction adaptée par mes soins.

 

À SUIVRE

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