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Le blog d'André Boyer

Les médias votent oui, le peuple vote non, le président annule le vote

27 Mai 2009 Publié dans #HISTOIRE

Aujourd’hui, les politiciens européens en sont encore à se lamenter du Non au traité de Lisbonne que leur a opposé le misérable petit peuple irlandais, que la constitution de ce malheureux pays oblige de consulter pour approuver, ou hélas, désapprouver les traités européens. Nous avons déjà oublié qu’en France, le Président Jacques Chirac avait pris la malencontreuse initiative de consulter aussi le peuple, sans que rien ne l’y oblige et qu’au grand dam de toute l’oligarchie réunie, le peuple avait voté non.

Pourtant au printemps 2005, la quasi-totalité des medias à l’unisson des partis de gouvernement (UMP, UDF, PS et Verts), s’engageaient pour le « oui » au referendum sur la constitution européenne du 29 mai 2005. Malgré le principe de respect des opinions qui devrait être l’alpha et l’oméga des journalistes, le « non » était considéré comme une opinion qu’il fallait combattre au nom de la « raison ». Le 20 mai 2005, au journal télévisé de 20 heures sur la « 2 », la présentatrice, Béatrice Schönberg, par ailleurs future épouse de Jean-Louis Borloo, faisait défiler les sujets suivants qu’avaient choisis sa rédaction :

-       Une présentation d’un chaleureux meeting du PS avec l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, qui appelait à voter « oui ».

-       Un sujet sur l’intervention de Valery Giscard D’Estaing qui perçait d’un coup d’épingle un ballon portant l’inscription « Plan B ».

-       Une interview à Madrid de Monsieur José Luis Zapatero, chef du gouvernement espagnol qui affirmait à deux journalistes de la chaîne, dépêchés à Madrid, que les Français devaient voter « oui ».

-       Un exposé sur l’un des avantages supposé du traité constitutionnel.

La totalité de ces sujets prit sept minutes et trente secondes, tous consacrés à des plaidoyers en faveur du « oui ». Dans le même journal, Béatrice Schönberg ne consacra aucun sujet aux partisans du « non ». L’exemple était représentatif de l’engagement farouche des rédactions en faveur du « oui ». Devant l’évidence de sondages qui persistaient malicieusement à être favorables au « non », ce ne fut que dans les derniers jours de la campagne pour le referendum que les medias finirent par donner largement la parole aux partisans du « non » afin de ne pas être pris à contre-pied lors de l’annonce des résultats.

Cette humilité rare a dû coûter d’autant plus aux medias qu’ils parviennent le plus souvent à influencer l’opinion et parfois à la faire changer d’avis. Ainsi, en avril 1999, sous la présidence avisée de Jacques Chirac, l’OTAN décidait de faire la guerre à la Serbie. L’Assemblée Nationale et le Sénat n’étaient pas consultés. Le Président, comme c’est son droit en France, prenait seul cette décision extraordinaire de faire la guerre contre un pays qui ne s’était livré à aucune agression contre la France. Il restait à convaincre l’opinion du bien fondé de l’attaque française contre la Serbie.

Au début, l’opinion interloquée par le soudain ultimatum adressé à la Serbie, était massivement défavorable à la guerre. On se garda bien de publier le moindre sondage sur le sujet, tandis qu’on demandait aux chaînes de TV de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour faire basculer l’opinion. C’est alors que les journaux télévisés s’ouvrirent systématiquement sur des reportages de quinze à vingt minutes qui montraient des images de réfugiés kosovars victimes d’un « génocide » perpétré par les serbes aux dépens de la population albanaise du Kosovo. Au bout de quinze jours de ce matraquage massif de l’opinion, cette dernière finit par basculer en faveur de la guerre, et les sondages furent alors rendus publics.  Il faut noter qu’à l’exception de quelques francs tireurs, nul ne s’indigna de cette désinformation spectaculaire et que la plupart des journalistes emboîtèrent massivement les pas aventureux du pouvoir politique aussi bien à propos de la guerre à la Serbie que du referendum sur la constitution Européenne, pour ne prendre que ces deux exemples spectaculaires d’endoctrinement de l’opinion.

Plus tard, beaucoup plus tard, on apprit que les images avaient été largement truquées et que les massacres entre Serbes et Kosovars avaient eu lieu dans les deux sens. Trop tard pour s’interroger sur le bien fondé d’une opération de guerre qui entraîna de lourdes pertes, humaines et matérielles pour la population serbe et des charges financières importantes pour la population française.  Quant au bonheur de la population kosovar, qui s’en est préoccupé ? des tartuffes.

On peut constater, par ces deux exemples que l’ancienneté permet de juger sereinement, mais dont le mécanisme est reproduit quotidiennement, l’engagement des medias envers les causes défendues par l’oligarchie. Accessoirement, le Président de la République actuel, Nicolas Sarkozy, a décidé d’annuler la décision du peuple en faisant voter un texte similaire par le Parlement.
Ainsi, lorsque les medias ne parviennent pas à faire voter le peuple dans le sens voulu par l’oligarchie, il ne reste plus qu’à barrer d’un trait de plume le vote: la démocratie française dans ses œuvres !

 

 

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La force irrésistible de l'expérimentation

24 Mai 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Dans un article précèdent, j’ai rappelé que le raisonnement logique et l’expérimentation avaient été développés par les savants et les philosophes dès l’Antiquité, aussi bien en Grèce qu’en Chine ou en Inde. Mais ces premières démarches scientifiques restaient prisonnières d’approches traditionnelles de la vérité, approches dont allait se libérer la démarche scientifique occidentale qui trouve ses sources dans les mouvements qui composent ce que l’on appelle « la Renaissance ».

La Renaissance peut être caractérisée par l’opposition nouvelle de la raison à la métaphysique et au dogmatisme. Par définition, la raison de la Renaissance se veut riche de l’expérience acquise et libérée de toute trace de passion. C’est dans cet état d’esprit que Galilée prétend remplacer la réalité ressentie par une réalité observée, décomposée et reconstruite. Il faut alors que la pensée et l'épreuve par les faits se rejoignent, la seconde confirmant la première. L’avancée décisive de Galilée est que rien ne peut plus être scientifiquement avancé qui ne soit attesté par l’expérimentation. En poussant cette approche jusqu’à ses degrés ultimes, certains en viendront à soutenir qu’aucune vérité ne peut être reconnue, en dehors des vérités scientifiques, ce qui est une prétention exorbitante si on veut bien y réfléchir quelques instants. 

Dés ses débuts, l’observation scientifique s’impose comme moyen de découvrir la vérité. Francis Bacon place l'observation au-dessus de tout, sur laquelle il fonde  sa méthode inductive. Newton affirme sa foi dans les possibilités illimitées de l’observation vérifiable par les sens. Dés le  XVIIe siècle, l’empirisme fait fureur jusqu’à la passion comme en témoigne l’incroyable expédition arctique de Pierre Moreau de Maupertuis en 1736.

L’enjeu était de déterminer la courbure de la Terre. Un projet gigantesque d'expédition en Arctique débuta en 1669 à l'Observatoire de l'Académie Royale des Sciences où Louis XIV en personne venait contrôler le relèvement des coordonnées terrestres. Le directeur de l'Académie, Jacques Cassini, avait des doutes : il lui semblait que le relevé des coordonnées montrait que la Terre n'était qu'un sphéroïde aplati plutôt qu'une sphère. On pouvait craindre une erreur de l'ordre d'un degré dans le calcul de la latitude, erreur insupportable pour tout scientifique digne de ce nom. Il fallait en avoir le cœur net. Deux expéditions particulièrement complexes et coûteuses furent organisées, respectivement à l'Équateur et au Pôle Nord. La première demanda dix ans. La seconde fut conduite par Maupertuis dans des conditions de survie extrêmement périlleuses. Toutes deux permirent conjointement d'obtenir une mesure de la sphère terrestre proche de la perfection.

Ces efforts héroïques, ces travaux inouïs, ces mesures méticuleuses manifestaient l’ambition d’une science qui voulait s’imposer face aux traditionalistes et aux sceptiques, en leur assénant les résultats indiscutables de l’expérimentation, quel qu’en soit le prix. L’observation et la mesure étaient alors l’alpha et l’oméga de toute théorie scientifique, et à bien des égards, elles le restent. La confiance dans les pouvoirs de la science donnait foi en la capacité humaine de s’approcher infiniment près de la vérité. Cette confiance était solidement adossée à l’expérimentation et à la raison ; elle était démontrée par les changements de la vie matérielle de chacun. La science s’imposait comme la méthode nouvelle et infaillible pour dévoiler graduellement les secrets de la vérité du monde: le progrès était en marche.

Ce triomphe n’allait pas tarder à être discuté, quelques dizaines d’années seulement après que  la science ait amorcé sa marche triomphale. 

 

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Ce qui est vraiment important dans la vie

19 Mai 2009 Publié dans #INTERLUDE

En parcourant la liste des textes que j’ai publié dans ce blog, vous pouvez vous demander si je ne suis pas obsédé par l’oligarchie, l’injustice, l’abus de pouvoir politique ou économique.
Il est vrai que je suis, un peu trop sans doute, obnubilé par le refus d’être manipulé par les autres et que je me sens solidaire de toutes les victimes de manipulation. En même temps, je sais bien que tout le monde cherche à influencer tout le monde, que c’est dans la nature humaine de le faire. N’est-il donc pas vain de traiter de ce thème, et même hypocrite, car  est-ce que je ne cherche pas moi-même à endoctriner mes étudiants ?

Certes, mais pour reprendre l’universelle expression d’Albert Camus, «  il n’y a pas de justice, mais il y a des limites ». Pour que notre société fonctionne, il est nécessaire, me semble t-il, qu’un certain respect mutuel imprègne les échanges entre les êtres humains. Et pas seulement entre êtres humains, mais aussi avec tous les êtres vivants et la nature qui nous nourrit. Je ne sais pas pourquoi je pense cela au fond. C’est instinctif de ma part, un sentiment de solidarité avec le monde, notre Monde. Inversement, je frissonne, je vibre d’indignation lorsque je suis le témoin, a fortiori la victime, de paroles ou d’actes de mépris. Je sens fortement que celui ou celle qui se livre à un tel geste envers autrui se rabaisse lui-même et humilie l’autre, et que cet acte ne peut pas avoir de justification, jamais.

Voilà ce que je pense, et qui inspire le fond de nombre de mes blogs. Mais est ce que j’ai raison de m’intéresser à cette question, plutôt que de vous parler du chant des petits oiseaux, du plaisir de boire du vin, des bons films et livres, ou de sujets plus fondamentaux comme l’amour, les joies de la vie ou ses souffrances? Franchement je ne sais pas, et la seule réponse que je puisse faire c’est d’aller au fond de moi-même, non pas pour me livrer à une vaine confession, mais pour m’interroger avec vous sur ce qui est vraiment important dans la vie.

Ce qui est vraiment important dans la vie, c’est la vie. Cette expression n’est qu’en apparence tautologique, car beaucoup diraient que c’est le bonheur qu’ils recherchent, qu’ils aimeraient atteindre, qui est hors de portée, ou tout proche, ou dans lequel ils baignent, provisoirement. Un bonheur passé, dont ils se souviennent à tort ou à raison, un bonheur enfui qu’ils aimeraient bien rattraper. Mais moi le bonheur, ça ne m’intéresse pas comme sujet de réflexion. Car je ne cherche pas spécialement à l’atteindre d’autant plus que j’ai remarqué que lorsqu’il arrive, c’est tout seul, sans prévenir. Il s’invite de lui-même et quand je me rends compte de sa présence que je crains fugace, je n’en parle pas pour ne pas l’effrayer, le bonheur, et le chasser prématurément.

Alors le bonheur, appelez cela de la superstition, je ne compte pas en discourir, ni devant vous, ni en privé. Et par conséquent, je ne peux pas vous parler non plus des succédanés du bonheur, l’amour, l’argent, la gloire, le pouvoir. Ce sont de sujets encore plus dangereux que le bonheur, parce qu’une fois atteints, ils  apparaissent illusoires pour celui qui comptait y rencontrer le bonheur et de véritables stupéfiants pour celui qui s’y adonne sans réserve.

En somme, je crois qu’il est vraiment très louable de s’intéresser au bonheur, à l’amour, à l’argent, à la gloire ou au pouvoir, mais moi je ne vois pas quoi dire  d’utile pour vous et pour moi sur ces sujets, quelles observations faire, quelles recommandations donner. Lorsque j’écrirais un roman, ce qui ne tardera plus guère, j’y  ferais entrer tous ces thèmes. Mais dans un blog ?

Sur la vie, oui, je crois que je peux écrire, parce qu’elle offre tant de facettes et de pièges. Dans la vie, il y a bien des choses que nous ne pouvons pas maîtriser, notre héritage génétique, l’éducation que nous subissons, les revenus de nos parents, le pays où nous naissons.  Que dire là-dessus ? à mon avis, rien que vous ne sachiez déjà. Il faut faire avec, se débrouiller avec nos atouts. Mais après, au fur et à mesure que nous débarquons dans le monde, c’est le bon moment pour vous parler, pour partager ce que je sais. Mon message est le suivant : si vous ne voulez pas avoir de regrets, ne vous faites pas rouler ni dans la vie ni par la vie. Essayez d’avancer en age sans perdre le contrôle de votre vie. À la fin, comme moi, vous allez mourir, c’est le drame fondamental, la difficulté suprême à surmonter. J’en parlerai dans mon blog. Mais avant, il faut rester en bon état mental. Le physique suivra, vous le savez bien. Si vous ratez votre vie, si on abuse de vous, si on vous mène en bateau, si vous vous sacrifiez pour des gens qui vous renieront, la vie n’aura guère de sens. Au fond, c’est cela le sujet de mon blog. Je m’adresse à des parents, à des amis, à d’anciens étudiants et je leur dis de ne pas se laisser abuser, que la vie est un combat que l’on ne peut pas gagner mais qu’il ne faut pas perdre non plus.  Et l’on n’a pas perdu tant que l’on résiste. Alors, je dis dans ce blog de résister, résister aux puissants, aux médias, aux menteurs, aux tricheurs, à tous ceux qui veulent vous utiliser pour leurs illusoires objectifs. J’essaie de dévoiler les mécanismes de manipulation, je dénonce l’hypocrisie, je montre la tromperie.

En attendant, je vous félicite : vous venez de lire jusqu’au bout le blog le plus austère du monde, dont son auteur déclare qu’il ne traitera ni du bonheur, ni de l’amour, ni de l’argent, ni de la gloire ! n’importe quoi…

 

 

 

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Notre salut dépend de leurs profits

16 Mai 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

Dans un texte écrit en 1938, Éric Ambler fait dire à son héros :

-       Et après ? demandai-je d’un ton indifférent. Ces armements, il faut bien que quelqu’un les fasse, non ?

Zaleshoff eut un rire amer.

-       C’est bien la réponse que dicte au populo l’évangile de la Sainte Galette. L’industrie n’a qu’un seul but : enrichir les affairistes. Comme il faut rétribuer les capitaux, la demande devient sacro-sainte. Qu’il s’agisse de bombes destinées à massacrer des civils ou d’engrais chimiques, d’obus ou de casseroles, de machines à traiter la jute ou de poussettes d’enfants, peu importe. La demande doit être satisfaite. L’homme d’affaires est déchargé de toute responsabilité, hors celle de réaliser des bénéfices, pour lui d’abord, pour ses actionnaires ensuite. 

-       Tout cela ne me concerne pas.

-       D’accord, mais vous êtes de ceux qui rendent la chose possible, voilà tout. Mais peut-être serez-vous aussi de ceux que qui seront ratatinés le jour où ces bombes et ces obus  serviront…

 

Ce n’est pas un texte qui a vieilli, loin s’en faut. Notons le point de départ : « L’industrie n’a qu’un seul but : enrichir les affairistes ». Elle n’a donc pas celui de satisfaire les besoins des gens, en tout cas l’industrie ne commence pas par là. Elle installe d’abord sur un piédestal une demande qui ne lui reste plus ensuite qu’à satisfaire, et avec la meilleure conscience du monde en plus, puisqu’elle est sacrée. Le consommateur est roi ! Bien sûr, si le roi-consommateur n’a pas de sous, l’industrie le dépose aussitôt. Les exemples fourmillent, depuis le téléphone portable devenu indispensable que l’on place sur un piédestal de plus en plus imposant puisqu’il est hautement rentable, jusqu’aux soins médicaux pour les déshérités que l’on ignore, faute de capitaux disponibles. 

Or, nous traversons une période assez anxiogène pour les capitalistes : il se trouve qu’en ce moment, les consommateurs achètent moins. Les aléas financiers ont fini par déclencher chez eux une crise de confiance qui a fait boule-de-neige avec les licenciements que les capitalistes n’ont pas manqué de pratiquer en masse, pour sauver leurs sacro-saints taux de profit. La question est maintenant de savoir comment relancer la machine car, derrière les errements financiers, cette crise a finalement été provoquée par une forte spéculation sur des biens dont on pressentait qu’ils allaient manquer à terme, à cause de la croissance de la population, comme le pétrole, les minerais, les céréales, en attendant les terres et l’eau. Il ne s’agit donc pas de reprendre le même chemin, c’est-à-dire la même croissance de destruction des matières premières, parce qu’il y aurait aussitôt  reprise de la spéculation, hausse des prix et crise à nouveau.   

Ce qu’il faudrait pour que l’industrie reparte vraiment, c’est organiser la décroissance de la production en remplaçant une bonne partie de notre consommation matérielle par du virtuel, peu coûteux en énergie et en matières premières. En d’autres termes, il devient urgent, pour les profits en premier lieu et accessoirement pour la survie de l’humanité, d’inventer une demande humaine compatible avec les ressources de la planète. Fini l’abondance de viande, fini le gaspillage d’énergie, fini l’eau disponible en quantité illimitée.

C’est ce qu’il faudrait, mais il s’agit aussi de ne désespérer ni les consommateurs, ni surtout  les capitalistes car ce sont ces derniers qui ont les moyens de changer le cours de la croissance, pas les consommateurs. Eux, les moutons n’auront qu’à suivre le mouvement comme d’habitude. Mais les capitalistes, il s’agit de les allécher avec des investissements aussi rentables et même plus rentables qu’avant, mais avares en matières. Car les détenteurs de capitaux ne connaissent qu’un langage, celui du taux de rentabilité. Il faudrait donc leur offrir des rendements élevés dans le virtuel, dans les services psychologiques ou dans l’alimentaire, économes en terres, en eau, en air et en énergie. Que l'investissement soit d’autant plus rentable que le « produit » sera fortement immatériel. Alors l’économie repartirait, dopée par l’enthousiasme des capitalistes heureux de sauver la planète et leurs profits, ou l’inverse.

À charge pour les  capitalistes ensuite de faire oublier aux consommateurs les temps barbares de l’abondance des biens, en les faisant d’autant plus rêver de produits que ces derniers seraient immatériels. À bas la matière, vive le spirituel, le virtuel, l’imaginaire. C’est avec eux que l’on fera les produits et les profits de demain.

Et ne croyez pas que ce soit hors de la portée des capitalistes. Ils savent déjà nous vendre de vulgaires dérivés de pétrole et des monceaux de cadavres d’animaux qui sont, nous expliquent-ils avec une conviction fortement contagieuse, nécessaires à notre bonheur. Il ne leur sera pas bien difficile de nous convaincre de l’inverse, en faisant de la pénurie la source profonde de notre satisfaction et de leur profit.
Yes, the capitalists, you can! Do it!


Je ne suis pas un héros, Rivages Noir 2007, page 171. L’édition originelle date de 1938.

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La connivence des médias et du pouvoir

10 Mai 2009 Publié dans #HISTOIRE

Dans mon blog du 22 avril dernier, Je constatais la symbiose qui existe en France entre le monde politique, les hauts fonctionnaires, les grands chefs d’entreprise, les artistes connus, les journalistes et les animateurs. Ensemble, ils constituent ce que Raymond Barre appelait un microcosme et que je qualifie d’oligarchie puisqu’elle s’autoproclame classe dirigeante.

Un livre, publié il y a quelques années et déjà oublié, d’un journaliste nommé Daniel Carton, intitulé « Bien entendu, c'est off : Ce que les journalistes politiques ne vous racontent jamais » illustre bien ce phénomène, jusque dans les détails. Voici comment l’éditeur présente le livre  en quatrième de couverture :

…Au fil de sa carrière de journaliste politique à La Voix du Nord, La Croix, Le Monde et Le Nouvel Observateur, Daniel Carton a relevé nombre d'exemples de cette connivence intéressée qui voit le silence des uns payé par les services des autres : un logement, des voyages, des places à l'Opéra ou à la Comédie-Française... Cette complicité faite de bronzage en commun sous le commode prétexte d'universités d'été, voire plus si affinités, et d'une subtile pratique du tutoiement scelle le pacte qui unit « la France d'en haut ». Daniel Carton, pour sa part, a choisi de se situer délibérément du côté de cette « France d'en bas » sans cesse manipulée et qui n'a pas le droit de savoir ce qui se chuchote « off ». La politique comme on ne la raconte pas… C’est tout cela que nous raconte l’auteur, cette cohabitation quotidienne amicale, quasi-incestueuse, qui a peu à peu transformé beaucoup de journalistes en relais complaisants, voire serviles du pouvoir[1].

Ensemble, journalistes et pouvoir, finissent par croire que leur petit monde qui dirige effectivement le pays doit en outre le guider, le convaincre, faire « œuvre de pédagogie » comme ils le disent avec une étonnante suffisance. Il leur arrive souvent de déplorer que les Français soient malcommodes à diriger, comme s’il était légitime, que dis-je naturel, que le « peuple » les écoutent, les suivent.

Comme s’ils donnaient l’exemple.

Comme s’ils savaient mieux que les autres.

Comme s’ils avaient un chemin à montrer.

Comme s’ils étaient désintéressés.

Comme s’ils ne se trompaient que rarement. 

Comme s’ils avaient obtenu des succès mémorables…

Que nous y consentions ou non, acceptons le fait que les medias organisent le filtrage des nouvelles en fonction de ce que pense l’oligarchie à laquelle ils appartiennent. Prenons en acte, nous les Français ordinaires qui n’avons droit à leur sollicitude que lorsqu’ils tentent de nous convaincre du bien fondé de leurs idées. Il ne leur vient par contre rarement à l’idée qu’ils ont des responsabilités qui les engagent. Car ce n’est pas le peuple qui modifie les lois électorales, ce n’est pas le peuple qui décide que l’on ne peut pas juger le Président, ce n’est pas le peuple qui a décidé de l’introduction de l’Euro, ce n’est pas le peuple qui a jeté par les fenêtres du Crédit Lyonnais cent cinquante milliards de francs, ce n’est pas le peuple qui a décidé de faire des économies au risque de tuer des milliers de personnes dans l’affaire du sang contaminé, ce n’est pas le peuple qui a emprisonné les accusés d’Outreau. C’est le microcosme politico médiatique qui l’a décidé, qui a justifié les choix qui ont été faits, tout en veillant à que les comptes ne soient pas soldés et que le choix électoral soit réduit au minimum.

C’est l’énorme machine médiatique qui veille à ce que la balance des forces bascule toujours dans la direction qui convient à l’oligarchie.

 

 



[1] C’est nous qui soulignons.

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La vérité de la raison

4 Mai 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Le 26 avril dernier, j’ai commencé à aborder dans mon blog la question de la vérité. C’est une question cruciale pour l’humanité de pouvoir distinguer, ou de croire pouvoir distinguer le faux du vrai. C’est pourquoi les hommes ont mis au point des techniques qui permettent de chercher la vérité et de se mettre d’accord sur ce que c’est que la vérité.
Oubliez un instant vos préoccupations quotidiennes et vos à priori en matière de vérité. Imaginez que ce que vous croyez être vrai est faux pour vos parents ou vos amis et l’incommensurable barrière d’incommunicabilité qui se dresserait entre vous si tel était le cas. Dans une société, quelle qu’elle soit, il faut que ceux qui la composent soient d’accord sur ce qui est vrai et faux. En dehors de la foi, qui fait que ceux qui la partage ont par définition la même vision de la vérité, l’outil qu’ont trouvé très rapidement les hommes est l’usage de leur raison. C’est pourquoi la raison ne date pas d’hier. En Égypte comme dans les civilisations les plus anciennes, on a observé des formes spécifiques de logique à partir desquelles les hommes s’efforçaient d’établir des vérités qui leur paraissaient raisonnables. Si les Égyptiens avaient pour but d’atteindre un monde parfait et transcendant, ils savaient aussi procéder à partir de l'observation de la nature. En construisant une centaine de gigantesques pyramides qui demeurent toujours les plus grandes constructions jamais réalisées par l'homme, ils ont témoigné d’une capacité de raisonnement extraordinaire qu’ils ont eu la volonté d’appliquer à des constructions monumentales qui avaient pour but d’illustrer leur vision à la fois de la vie et de la mort.
Cependant, en matière de raison antique, les Grecs restent les maîtres. C’est ainsi que le premier problème auquel se sont attelés les logiciens grecs fut de distinguer les faits de leur représentation. Parménide répondait à cette question en soutenant que les figures géométriques avaient une existence propre, parce qu’il faisait l’hypothèse qu’il existait un monde réel au-delà des sens. Aristote fut plus réaliste, Il fut même sans doute le premier des réalistes. Cela explique que sa pensée nous influence toujours, aussi ardente, moderne et limpide que s’il était encore vivant. L’ambition d’Aristote était de ne laisser aucune chance à une affirmation dont on pourrait dire qu’elle n’était ni vraie ni fausse. Pour cela, il fut contraint, le premier sans doute dans l’histoire de la pensée humaine à Il commença, et il fut sans doute le premier à s’affranchir de la vision holistique du monde. Cette vision holiste empêchait en effet les hommes de pratiquer une analyse approfondie des situations qu’ils observaient, dans la mesure où tout se mélangeait dans leurs esprits. À ce titre, Aristote est le tout premier d’une chaîne ininterrompue de logiciens et de philosophes qui ont construit la pensée occidentale et qui ont pour nom Boèce, Abélard, Descartes, Spinoza et Leibniz.
On n’oubliera pas non plus, en matière de logique, de rappeler les apports des logiciens chinois et indiens. Pour ne citer qu’eux, les savants chinois ont bâti leurs raisonnements à partir des doctrines taoïstes de la nature, et cette approche les a incités à observer, à décrire, à classifier et à expérimenter. Mais il restait à se libérer des idées reçues en matière de vérité. Ce fut le grand apport de la démarche scientifique occidentale. Car au-delà du raisonnement, il fallait pouvoir s’appuyer sur des faits. Les philosophes grecs, Aristote compris n’avaient pas l’amour de l’expérimentation concrète, mais leur système de raisonnement n’ignorait ni l’observation ni l’expérience. Un philosophe au moins l’a proclamé quatre siècles avant JC, c’est Démocrite. Lui pensait déjà que la vérité devait être recherchée au travers de l’expérience.
Mais il n’était qu’un précurseur isolé, avant que la Renaissance n’impose à l’Europe puis au monde entier la dictature des faits observés.
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Orages d'acier

1 Mai 2009 Publié dans #INTERLUDE

Je viens de terminer un livre incroyable, sur un sujet qui ne vous intéresse sans doute pas, la guerre de 1914, mais vous avez tort, vraiment tort.

En ce qui me concerne, je suis fasciné par la tranquille monstruosité des dirigeants français, et des autres, mais ceux qui m’intéressent le plus sont les miens, les ancêtres de ceux qui nous gouvernent. Clemenceau, Poincaré, Joffre sont des monstres, et je pèse mes mots. Aussi lorsqu’on les vénère, lorsqu’on écrit un livre laudatif sur eux, j’en ai la chair de poule. C’est que nos dirigeants pourraient recommencer. Comme vous le savez peut-être j’ai commencé un livre sur notre horrible histoire de France qui a vu pendant des siècles nos pauvres ancêtres de paysans d’ouvriers d’artisans se faire tuer pour des chimères, des mensonges, des salopards. Et je fais le lien avec les mensonges dont on nous abreuve sans cesse de nos jours. Pas vous ? vous croyez que ce n’est pas pareil ? l’avenir se chargera de nous départager.

Voici par exemple, un extrait de ce que j’écris dans le chapitre que je consacre à la guerre de 1914-1918 : « Les faits sont, à notre avis, révélateurs. Ce n’est pas parce que nos boulevards portent le nom de maréchaux que nous devons refuser de reconnaître que nombre d’entre eux furent au mieux incapables ou au pire assassins. Ce n’est pas parce que Georges Clemenceau a su prononcer des mots historiques qu’il ne porte pas l’écrasante responsabilité du prolongement de la guerre et de la fausse paix de 1919. La guerre de 1914-1918 correspond à l’assassinat collectif de l’Europe. Si les responsables de cette guerre ne se trouvent pas parmi les dirigeants politiques qui ont pris la décision de déclarer la guerre, d’organiser l’armée, de construire les alliances et de mobiliser la société pour la préparer, qui en est responsable ? la providence ? Et qui a donné mandat aux dirigeants français de faire tuer un million trois cent cinquante mille hommes pour récupérer l’Alsace et la Moselle ? la Nation ? »

Mais ce n’est pas de mon opinion sur la responsabilité de nos dirigeants dont je voulais principalement traiter ici, mais d’un livre que j’ai lu , Orages d’acier, d’Ernst Jünger. Grand écrivain, acteur de la bataille, témoin d’une situation insensée, il a réussi dans ce livre à faire partager avec un réalisme presque insoutenable ce que des millions de soldats ont vécu :

« Je bondis hors de la tranchée dans le brouillard de l’aube et me trouvais devant le cadavre recroquevillé d’un Français. Une chair de poisson décomposée  luisait d’un blanc verdâtre dans l’uniforme en lambeaux. Me retournant, je sautais en arrière saisi d’horreur : prés de moi une forme humaine était accroupie contre un arbre. Elle portait les cuirs brillants des Français et avait encore au dos le sac haut chargé, sommé d’une gamelle ronde. Des orbites caves, quelques touffes de cheveux sur le crâne d’un brun noir m’apprirent que je n’avais pas affaire à un vivant…Les alentours étaient parsemés d’autres cadavres par douzaine, pourris, calcifiés, momifiés, figés dans une inquiétante danse macabre. Les Français avaient dû tenir des mois auprès de leurs camarades abattus, sans pouvoir les ensevelir.

Il flottait au-dessus des ruines, comme de toutes les zones dangereuses du secteur,une lourde odeur de cadavres…Du reste, ce fumet lourd et douceâtre n’était pas seulement nauséeux : il suscitait mêlé aux acres buées des explosifs, une exaltation presque visionnaire, telle que seule la présence de la mort toute proche peut la produire.

Entre 9 heures et 10 heures, le feu prit une violence démentielle. La terre vacillait, le ciel semblait une marmite de géants en train de bouillir. Des centaines de batteries lourdes tonnaient à Combles et tout autour : des obus sans nombre se croisaient hurlant et miaulant au-dessus de nous.  Tout était enveloppé d’une fumée épaisse, éclairée de lueurs sinistres par des fusées de couleur. Sous l’effet de violentes douleurs dans la tête et les oreilles, nous ne pouvions nous entendre qu’en braillant des mots sans site ; La faculté de penser logiquement et le sens de la pesanteur semblaient paralysés…Un officier de la troisième section devint fou furieux. »

Je suis d’accord, ce n’est pas réjouissant. Mais c’est un effarant témoignage, à partager avec lui et ses millions de semblables, nos grands parents et arrière grands parents qui ont vécu cela, qui ont dit que ce serait la « der des der » et qui ont dû recommencer vingt ans plus tard, qui ont vu la bombe atomique tuer des centaines de milliers de japonais vingt-cinq ans plus tard. Je m’arrête là, cela vaut mieux. 

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