Le règne de Pénélope III, la suédoise
Certains d’entre vous se souviennent peut-être de l’article que j’ai consacré à « L'interlude de l’AX », le 16 janvier dernier. Cette AX, qui depuis, la traîtresse, m’a coûté d’assez coûteuses réparations sans qu’elle ne daigne beaucoup rouler, est l’une des actrices de la ronde des Pénélopes que je vais vous conter derechef.
Une belle soirée d’août 1964, grimpant laborieusement la côte d’une colline de Göteborg en Suède, la 2CV que je conduisais fut poétiquement baptisée Pénélope par l’une de ses passagères, BB, qui faisait allusion à la patience légendaire de la femme d’Ulysse brodant et débrodant chaque jour son ouvrage, dans l’attente du retour de son époux. Synonyme de patience, de voyage, de progression jamais achevée, le nom me plut et tous mes véhicules l’ont porté et le porte, agrémenté du numéro adéquat dans l’ordre héréditaire des Pénélopes.
La Pénélope ainsi baptisée avait des raisons d’avancer péniblement. Elle transportait en effet, outre moi-même au volant, Richard, mon plus vieil ami, Franck notre sulfureux compagnon, Christina, Margarita dite BB et leur mère Ingrid. Toutes les trois francophiles et francophones, elles avaient visité quelques années auparavant l’Aventure, patrouilleur français dévolu à la protection des thoniers nationaux rodant autour de Terre-Neuve, qui avait fait escale à Göteborg. Le père de Richard, officier marinier sur le navire de guerre, avait pris leur adresse, et voilà pourquoi nous squattions chez elle, émerveillés par la vie suédoise. Et voilà aussi pourquoi Pénélope, déjà troisième du nom à peine baptisée, peinait sous le poids conjugué de ses six occupants.
Pénélope III était une 2CV verte que m’avait prêté ma mère avant de l’abandonner définitivement entre mes mains, au profit de la Mini Austin dont elle rêvait. Elle nous a transporté deux années de suite de Nice à Göteborg puis de Nice à Oslo, ces destinations étant fièrement inscrites sur le coffre en bandes de « Scotch » noires. Il nous fallait trois à quatre jours pour parcourir les 2000 kilomètres qui séparaient les deux villes, fonçant à 90 kilomètres sur les autoroutes essentiellement allemandes, le coffre bourré de matériel de survie, y compris alimentaire, déballé pour le camping quotidien à Strasbourg, Göttingen, Copenhague ou Aarhus, avant la traversée en ferry qui nous permettait de rejoindre la terre promise suédoise. Des ferries sur lesquels nous nous goinfrions des victuailles étalées sur les tables en self-service. Puis c’était la Suède, sa conduite à gauche à l’époque, ses larges plaines parsemées de fermes ocres, des teintes pastel à base de jaune de vert et de ciels bleu gris qui nous dépaysaient totalement de notre midi aux couleurs violentes.
En écrivant ces lignes, mon I Tunes vient de sélectionner une musique de Jan Johansson. Il a bougrement raison, c’est sur le phono de la famille Nordin que j’ai découvert Jazz Pä Svenska, une merveille de musique traditionnelle suédoise adaptée au jazz. Je ne m’en suis jamais lassé et vous ne connaissez même pas Jan Johansson !
Nous comptions bien, Richard, Franck et moi, le premier présentant le Capes d’éducation physique, le second élevé à la dure école de la vie et moi essoré par Math Sup. et Spé, nous défouler en Suède. Nous comptions bien aussi, pour être francs, avoir de faciles succès féminins auprès de suédoises que l’on nous dépeignait si libérées. D’ailleurs nous n’étions pas le seuls à nous ruer vers la Suède, en 2CV, 4L, Fiat 500 et autre Opel depuis la France, l’Italie ou l’Allemagne. Notre terrain de chasse était constitué par le Liseberg, le parc d’attractions de Göteborg où l’on dansait le soir. Honnêtement, nous n’eûmes pas de grandes victoires, sous-estimant la morale luthérienne des jeunes Suédoises et subissant la concurrence grossière de nombreux autres visiteurs. Je me souviens surtout d’avoir réussi enfin à inviter, après avoir subi bien des refus, une immense Suédoise qui me dépassait de 20 cm. Dés qu’elle se leva, je compris pourquoi elle était encore assise, mais il me fallut la faire danser rituellement deux fois par politesse avant de la raccompagner jusqu’à sa place, la tête à hauteur de ses épaules et toute honte bue. Si je n’ai pas eu l’opportunité de tomber amoureux d’une Suédoise, je suis tout de suite tombé amoureux de la Suède et ce sentiment ne s’est jamais démenti par la suite.
L’année suivante, en 1965, nous avons poussé huit cent kilomètres au-delà de Göteborg, jusqu’à Oslo tout d’abord, puis par une piste en terre jusqu’au fond du Sognefjord où la nature sauvage de la Norvège nous a pris à la gorge. Au retour, traversant le Benelux, nous avons appris, oh catastrophe, que Richard était reçu à l’IRESP... de Nancy! Ce sentiment négatif fut renforcé lorsque, rangeant sous la pluie Pénélope III dans une longue rue grise de Pont-À-Mousson, nous vîmes de sombres volets s’entrouvrir pour nous observer, brrr. D’ailleurs, tout était sinistre, la fin du mois d’août approchait et avec elle la rentrée vers nos études respectives, sauf pour Franck.
Cette année-là, j’inaugurais la cité universitaire de Montebello, accompagné de Pénélope III qui devint rapidement l’objet d’un chantage entre les étudiants corses et moi. Un conflit provisoire opposa les autochtones, dont j’étais l’un des deux leaders, et les Corses résidant à la cité. Ces derniers menaçaient les pneus de ma voiture à la suite d’une rixe matinale qui m’opposa à trois étudiants corses. Je les informais de ma ferme volonté de crever en représailles les pneus de tous les véhicules immatriculés 20, créant ainsi un équilibre de la terreur qui permit à Pénélope III de garder ses pneus saufs. Ce fut aussi Pénélope III qui abrita mes premières rencontres avec ma future femme, que j’avais approchée grâce à mes petites altercations avec mes futurs amis corses. Et ce ne fut qu’au début de 1969 que Pénélope III céda la place à Pénélope IV.
C’est dire si Pénélope III joua un rôle important dans ma vie d’étudiant !
Vous avez peut-être remarqué la gravure de Carl Larsson, intitulée la fenêtre fleurie qui orne le texte ci-dessus. Carl Larsson (1853-1919) est sans doute le peintre suédois le plus populaire.
La presse la plus subventionnée du monde
Dans un article intitulé « Le Monde, acteur de l’oligarchie », publié le 13 juillet dernier, je rappelai le rôle qu’a voulu jouer le journal Le Monde sur la scène politique. La collusion entre acteurs politiques et médiatiques que ce comportement révèle est finalement institutionnalisée par le système des subventions accordées par le pouvoir politique à la presse écrite.
La France n’est pas le seul pays où la presse soit subventionnée directement et indirectement, mais elle est celui où la presse reçoit le plus de subventions par exemplaire vendu. Malgré cet énorme effort, c’est aussi bizarrement le pays où subsiste le moins de journaux nationaux. À ce titre, la lecture du rapport du 7 juillet 2004 du sénateur Paul Loridant sur le fonds d'aide à la modernisation de la presse est édifiante. Très politiquement, correct, le Sénateur justifie ces subventions par la nécessité d’assurer la liberté de la presse. Pince sans rire, il explique que « les aides publiques à la presse visaient à garantir le pluralisme des opinions dans une société démocratique, afin d'éviter notamment le retour à la situation de l'entre-deux-guerres où des grands groupes industriels dominaient le secteur de la presse ». Il observe cependant que « les aides existantes n'ont permis d'enrayer ni la baisse du lectorat, ni la diminution du nombre de titres et la concentration du secteur, aujourd'hui dominé par deux groupes d'industriels de l'armement », ce qui met à mal les objectifs qu’il a énoncés auparavant quant à la défense du pluralisme d’opinion.
Il indique aussi que les aides à la presse représentent un prélèvement fiscal comparable à la taxe sur l’audiovisuel, un milliard deux cent millions d'euros en 2003 soit vingt Euros par habitant et par année! Après cela, il paraît difficile de croire qu’une presse sous perfusion financière publique se prononce contre la main qui la nourrit. C’est évidemment le but recherché par le pouvoir politique, qui s’est mis dans la situation de ne plus pouvoir réduire ces subventions sans être accusé de vouloir la mort de la presse dite d’opinion…
Le 22 janvier dernier, le Président Sarkozy a présenté ses vœux à la presse, ou plus exactement aux patrons de presse. Il a saisi cette occasion pour les informer des conclusions qu’il tirait des Assises de la presse qui venaient de se dérouler. Des conclusions plutôt positives puisque l’Etat injectera désormais encore plus d’argent dans les journaux : les aides à la presse, qui se montaient déjà à 280 millions d’euros passent à 480 millions d’Euros afin d’aider la profession « à tenir le choc de la crise publicitaire ». Il s’y ajoute des aides aux sites d’information et un doublement des dépenses de publicités faites par l’Etat dans les journaux. Allez après cela mordre la main qui vous nourrit !
Comme d’un côté, le pouvoir politique fournit les revenus financiers dont ont besoin les médias et que par ailleurs les journalistes fréquentent l’oligarchie quotidiennement, ils finissent par s’y identifier. C’est ainsi qu’ils sont intégrés dans une société à part, autonome du reste de la société française mais intégralement financée par les contribuables, à qui ils prétendent dicter leurs lois et leurs opinions.
Il en découle que l’impartialité des journalistes est du même ordre que celle des vendeurs. Les « informations » qu’ils délivrent sont des produits qu’ils vendent : les faits ont bien un fondement réel, mais la description qu’ils en font n’est que conte de leur invention, élaboré pour les besoins de la cause. Les Français le savent si bien que tous les sondages révèlent leur extrême méfiance quant à l’objectivité des informations fournies par les medias, au paradoxal étonnement des journalistes.
À quoi sert finalement cette mécanique essoufflée ? À conserver le pouvoir au sein du petit groupe qui le détient. What else ?
La fin d'un cycle?
Dans un article publié dans ce blog le 2 juillet dernier, je rappelais que si la démarche de l’homme depuis les origines de l’humanité montre qu’il ne peut pas se résoudre à vivre dans un monde où ses actions seraient vides de sens, un monde qui lui serait hermétique, il reste que le poison du doute s’est désormais introduit au cœur de la démarche scientifique.
Il reste cependant des certitudes. L’humanité a grossi en taille jusqu’à atteindre plusieurs milliards d’individus en six millions d’années. D’autres indicateurs vont dans le même sens, comme l’accroissement de la taille moyenne et du volume du cerveau des hominiens ou l’allongement de la durée moyenne de la vie humaine. Depuis cinq mille ans, une durée terriblement courte par rapport à l’ancienneté de l’espèce humaine, l’agriculture a permis de nourrir de plus en plus d’individus. Les écritures ont fait faire un pas décisif à la communication entre les êtres humains. L’individu a émergé et s’est armé de moyens matériels démesurés par rapport à ses besoins vitaux.
L’humanité se situe à la fin d’une course qui a commencé avec l’invention de l’agriculture. Depuis cette étape, l’homme s’est consacré à la recherche opiniâtre, systématique et rationnelle des moyens de contrôler le monde, notamment avec l’aide de la science qui s’est imposé comme LE chemin de la vérité. Et il est vrai que, tant qu’il ne s’est s’agit que de vérités matérielles, la science a pu les quadriller de ses certitudes. Mais lorsqu’elle s’est aventurée à les transposer dans l’espace des vérités absolues, elle s’est heurtée au subjectivisme, à l’incommunicabilité, à l’inexistence de la preuve et finalement au doute.
Cet affaiblissement de l’outil scientifique est l’indicateur d’une force moindre ou d’une conviction moindre dans la marche en avant de l’humanité. Il est annonciateur de la fin d’un cycle. Il reste que l’on peut être certain que l’homme cherchera toujours à survivre, sans que l’on sache où ira l’humanité. Nous ne pouvons en rien, non plus, modifier sa course. Il nous reste à l’accepter et à choisir notre voie dans ce monde puisque nous conservons les moyens d’agir sur notre propre destin, grâce à notre conscience. Vivre.
Vivre. C’est bien le but, évident et avoué de l’homme pratique fasciné par la réalité concrète. Il sait qu’il lui faut manger, se protéger et assurer l’avenir de sa progéniture. En outre, il est contraint de coexister avec les autres êtres humains, si bien qu’au total, il pense qu’il n’a guère de temps à perdre avec la philosophie et la religion.
Pourtant lorsqu’il abandonne ses tâches quotidiennes pour prendre le temps de s’interroger sur le sens de sa présence sur Terre et dans l’Univers, la transcendance se rappelle à son bon souvenir…
Le Monde, acteur de l'oligarchie
Dans l’article du 2 juillet dernier, je concluais en relevant la tentation des medias de faire et défaire ces princes qu’ils approchent de si près. L’attitude du Monde, désormais contrariée par l’importance croissante de la télévision et surtout d’Internet, illustre bien cette dérive.
En comparaison des quotidiens des autres pays européens de population comparable, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie et Espagne, les quotidiens français sont peu nombreux et disposent d’un tirage modeste. Trois titres font l’opinion et expriment des points de vue proches, même si deux d’entre eux se revendiquent à gauche et le troisième fait semblant d’être à droite. Aussi, la faiblesse quantitative de leur audience s’explique t-elle peut-être autant par l’uniformité de leurs analyses, très « pensée unique », que pour des raisons techniques. Les journaux invoquent en effet le désintérêt des Français pour le débat politique, l’existence des medias télévisuels et audiovisuels, l’apparition d’Internet pour expliquer la faiblesse de leur tirage. Mais ceci ne doit être vrai qu’en France et il oublient naturellement de rappeler que leurs opinions exprimant fidèlement celle de l’oligarchie, opinions que l’on retrouve formulées par ailleurs sur toutes les ondes françaises, cette plate uniformité rend lecture rapidement ennuyeuse. Demandez vous simplement qui lit encore les journaux pour se faire une opinion et vous aurez la réponse quant au désintérêt qu’ils suscitent.
Parmi les trois grands titres, Le Monde se perçoit comme étant primus inter pares. À ce titre, il se permet de faire la leçon à ses lecteurs, à ses confrères et au petit monde de l’oligarchie. Au moment des faits rapportés, grâce à leur magistère « intellectuel et moral », les journalistes du Monde jouissaient d’une certaine indépendance grâce à quoi la direction du journal Le Monde s’estimait libre d’entrer dans le grand jeu de la politique. C’est ce jeu solitaire qu’a dénoncé en son temps le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen dans leur ouvrage, La face cachée du Monde[1]. Le livre révèle un certain nombre de faits qui montrent comment s’organisent à Paris les relations entre les medias et l’oligarchie:
- On ne devient pas rédacteur en chef du Monde parce que l’on est un grand journaliste, mais parce que l’on a des réseaux politiques et un certain talent pour s’en servir. On apprend ainsi comment Edwy Plenel, est nommé responsable pour le Quartier Latin de la LCR, la Ligue Communiste Révolutionnaire, dirigée depuis toujours par Alain Krivine. On apprend comment il monte en grade dans son parti, devient rédacteur de Rouge, du Matin puis entre au journal Le Monde en tant que correspondant auprès du Ministère de l’Intérieur. En observant l’ascension d’Edwy Plenel, on se dit que pour devenir journaliste, puis rédacteur en chef du Monde, il était hautement recommandé d’avoir des relations politiques dans les milieux de l’extrême gauche parisienne de la Rive Gauche. Aujourd’hui, c’est plutôt dans les milieux proches de la famiglia Sarkozy qu’il faut avoir des relations.
- Ce même Edwy Plenel profitera de sa position de journaliste pour se livrer à toutes sortes de manœuvres politiques, jouant avec François Mitterrand, Charles Pasqua, Georges Marion, Gilles Ménage, Pierre Joxe, Charles Hernu, Laurent Fabius. À cette occasion, l’ouvrage nous rappelle que les journalistes et les dirigeants politiques français habitent dans les mêmes arrondissements parisiens, cohabitent dans les mêmes cellules des mêmes partis et s’efforcent de faire converger leurs intérêts.
- Jean-Marie Colombani et Alain Minc, ce dernier étant conseiller d’Edouard Balladur, mettent un temps le journal Le Monde au service de l’ambition présidentielle du Premier Ministre de l’époque et contre celles de Jacques Chirac. Jean-Marie Colombani collabore à cet effet avec Jérôme Jaffré, directeur de la SOFRES, ainsi qu’avec Alain Duhamel, l’éditorialiste dont l’objectivité et l’indépendance d’esprit sont bien connues. On voit à cette occasion apparaître au grand jour les alliances politiques et éditorialistes de ces faux commentateurs mais vrais acteurs.
- Le journal Le Monde est utilisé pour procéder à des règlements de compte contre les personnages politiques, économiques ou littéraires qui déplaisent à ses dirigeants. Le journal sert successivement de machine de guerre contre Jacques Chirac, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Marie Messier, Loïk Le Flock-Prigent, Régis Debray et l’écrivain Renaud Camus.
Au total, le livre de Pierre Pean et Philippe Cohen, malgré ses approximations et ses règlements de compte, révèle la nature profonde du principal quotidien français qui consiste à jouer de ses moyens de pression pour agir sur le pouvoir politique central. Il a ses opinions, ses préférences, ses intérêts qui n’ont vraiment rien à voir, mais alors rien de rien, avec le souci de bien informer les lecteurs sur les faits qu’il rapporte.
L’épilogue des poursuites engagées par Le Monde contre les auteurs et l’éditeur de La face cachée du Monde est à cet égard édifiant. Le mardi 6 juin 2004, le journal « Le Monde » publia un article intitulé « Une médiation judiciaire met un terme à l’affaire de La Face cachée du Monde. Sous la forme d’un communiqué situé dans la dernière page du journal, le texte prenait acte du droit des auteurs du livre à critiquer le journal « Le Monde » tandis qu’en retour ces derniers regrettaient certains de leurs écrits pour convenir qu’un procès serait dommageable pour les deux parties et qu’à condition de ne faire ni publicité à l’ouvrage ni nouvelle édition, la rédaction du journal Le Monde renonçait à se pourvoir en justice. L’accord permettait à l’éditeur et aux auteurs du livre d’éviter des dommages intérêts qui auraient certainement sanctionné les erreurs, exagérations et jugements trop rapides du livre, et au journal « Le Monde » de subir une contre-publicité supplémentaire. Il reste que le communiqué dévoilait la collusion entre les acteurs du microcosme parisien.
Cette collusion s’étend bien au-delà de ce petit monde, grâce au système de subventions accordées à certains medias.
Le Poison du doute et ses effets
Il s’est donc progressivement créé une contradiction entre le doute engendré par le raisonnement scientifique et le besoin fondamental de vérité qui habite les hommes, vérité du monde, vérité de la vie, vérité du moi. Ce besoin explique que l’homme ne demande qu’à avoir la foi, qu'il s’accroche à ce qu’il peut saisir, à la religion, à la tradition, à la science, à la raison, mais qu'il soit toujours à la recherche de chemins de vérité. Il le fait comme il peut, au hasard des circonstances et des révélations, par instinct, isolément ou collectivement.
Or, le point faible des tenants de la vérité scientifique se niche désormais dans la preuve. Avant la science, on pouvait croire sans preuve. La gloire de la science s’est construite sur sa prétention à apporter les preuves de ce qu’elle avançait. Mais comme ces preuves se sont évanouies au moment précis où les scientifiques croyaient disposer de tous les moyens pour les apporter, le doute est désormais omniprésent dans la démarche scientifique. Elle s'en fait même une gloire, à défaut de pouvoir le chasser. Le doute s’est niché dans la vision subjectiviste du monde qu’implique la suprématie de la raison. Le langage a subi le même traitement, quand il est apparu qu’il n’avait rien de plus à apporter qu’une interprétation subjective du monde. La logique s’est démontrée à elle-même qu’elle se trouvait dans l’incapacité de prouver quoi que ce soit qu’elle ne savait déjà, avant de commencer à mettre en route ses analyses. Enfin, pour achever de faire douter l’homme de tout, les scientifiques ont mis un point d’honneur à révéler l’immense incertitude dont leur savoir était affecté.
Nous sommes désormais libres de choisir ce que nous appelons « vérité », là où nous souhaitons la voir. Personne n’est plus autorisé à se réferer à une vérité qui le dépasse, en d’autres termes à une vérité transcendantale. À l’autre bout de la chaine, personne n’est prêt accepter d’être dépossédé de sa vérité particulière. Désormais, la vérité émerge de l’individu et elle y reste, en attendant l’éventuelle résurgence d’une vérité qui nous transcende. Le résultat de cette subjectivité de la vérité est qu’il existe désormais un conflit permanent entre toutes ces vérités locales.
Tant que la vérité venait d'en haut, que ce soit de Dieu ou de la Science, l’homme y casait ses petites vérités personnelles qu’il cachait ou affichait, à son goût et à ses risques. Mais si la source de vérité devient individuelle, personne ne peut plus accepter une vérité collective sauf si elle est compatible avec la sienne propre. Une contradiction majeure s’est donc nichée au cœur de l’humanité : le besoin de vérité individuel, confronté à la nécessité d’organiser une vie collective privée de vérité globale.
Il reste que la démarche de l’homme depuis les origines de l’humanité montre qu’il ne peut pas se résoudre à vivre dans un monde où ses actions seraient vides de sens, un monde qui lui serait hermétique.
Quand les chiens mordent le maître: l'affaire Baudis
Quand les chiens mordent le maître : l’affaire Baudis
Le 17 juin dernier, en prenant notamment l’exemple du film « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain », j’ai voulu montrer combien les medias avaient du mal à accepter que la vérité ne vienne pas d’eux, comme s’ils étaient ceux qui la détiennent et en disposent. Il leur est même arrivé, à force de se nourrir des phantasmes des fabricants de nouvelles, de se retourner contre eux-mêmes et de mordre cruellement un des membres de l’oligarchie. C’est alors que la contradiction devint insupportable entre les idées reçues et les faits qu’il fallu bien se résoudre à accepter...
L’affaire Baudis apporte un éclairage crû sur la façon dont les medias se prêtent au jeu des rivalités entre les membres de l’oligarchie. En 2003, Alègre, meurtrier de nombreuses femmes dont plusieurs prostituées, fait courir la rumeur, relayée par certains médias et hommes politiques, de l’implication dans ces assassinats de Dominique Baudis, ancien maire de Toulouse et alors Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Des « notables », d’après ces ragots assez rapidement battus en brèche par la contre-attaque de Dominique Baudis, se livreraient à des orgies qui se termineraient par des meurtres exécutés par Patrice Alègre.
L’accusation s’appuyait sur l’une des idées reçues de la société française, héritée de la Révolution et peut-être même de la légende de Barbe Bleue, qui présente les « notables » comme des suceurs de sang du peuple. Ils lui prennent son argent, par extension on pouvait aussi bien concevoir qu’ils deviendraient aisément des vampires. En l’occurrence, on imaginait des « notables » torturant des enfants et des prostituées.
Du fait de l’appartenance de Dominique Baudis à l’oligarchie, il ne fallut guère plus d’une année pour que la vague de la calomnie se retire, une durée exceptionnellement courte pour le système judiciaire français. Sur la grève abandonnée par les vagues successives de bobars, on découvrit progressivement les armes médiatiques utilisées pour nourrir cette extravagante rumeur. La justice, après avoir accordé foi aux déclarations des prostituées excitées par des enquêteurs qui leur apportaient leur soutien, finit par confondre leurs pauvres mensonges. Fanny, l’une des prostituées accusatrices présenta ses excuses après avoir fait connaître au juge qu’elle « n’avait jamais rencontré Dominique Baudis de quelque manière que ce soit » et que sa mise en cause résultait des pressions qu’elle avait subies, notamment de la part des gendarmes. Une autre prostituée, Patricia, vit ses affirmations contredites par les expertises.
Au passage, on découvrit des connivences entre enquêteurs et magistrats plus décidés à « charger » Dominique Baudis qu’à explorer les pistes ouvertes par les dossiers, d’autant plus que ces intrigues laissaient peu de temps pour s’occuper sérieusement de l’enquête. On apprit qu’à plusieurs reprises la justice avait conclu à des suicides alors qu’il s’agissait d’assassinats. On constata que les gendarmes avaient mené des enquêtes hâtives, que le médecin légiste n’avait rien vu, ni les coups reçus ni les fractures subies ni le déplacement des os. La préoccupation la plus urgente des pouvoirs établis, justice, police et gendarmerie, médecins légistes, s’était résumée à classer les dossiers au point que les négligences de l’enquête avaient retardé l’arrestation de l’assassin, lui permettant d’en commettre d’autres.
Dans cette affaire, on vit réapparaître un mépris de fer pour le peuple ordinaire ; on s’instruisit des jalousies sordides qui animent la vie des cours de justice toulousaines. On apprit que les acteurs de la scène judiciaire n’hésitaient pas à truquer les pièces à conviction : les procès verbaux étaient antidatés, les magistrats avaient fait pression pour faire porter les soupçons sur l’un d’entre eux. Derrière les petits poissons du bocal policier et judiciaire, on aperçut l’ombre des grands squales qui avaient contribué à diffuser la rumeur, à lui donner corps. On redécouvrit enfin la violence des relations entre ces grands moralistes qui s’adressent à nous par le truchement des medias.
Les medias n’ont pas eu la peau de Dominique Baudis, elle était trop épaisse. Il reste que, dès lors que les medias étaient invités à fabriquer les événements pour complaire à l’oligarchie, il était logique qu’ils soient tentés à leur tour de manipuler l’oligarchie pour faire et défaire les princes.