Plutôt périr qu'avouer son erreur!
En relisant mes blogs, il m’a semblé intéressant de faire le point sur la situation économique du monde, de l’Europe et de la France, en cette fin d’année 2010.
Le 18 janvier 2010, dans un article intitulé « la mondialisation ou la vie », je pronostiquais que la mondialisation était en train de s'achever à l'instant où chacun s'accordait à célébrer son triomphe. Je maintiens ce diagnostic au moment où les dettes publiques des États européens, américains et japonais atteignent des sommets. Il faudra bien retrouver des situations équilibrées, soit par la mondialisation, soit contre la mondialisation. La lutte commence entre les bénéficiaires et les perdants du libre-échange.
Le 31 janvier, dans « Regardez les Grecs ! », je prévoyais, sans aucun mérite, la dégringolade grecque. Tandis qu’à Davos, Monsieur Papandréou jouait l’homme sûr de son fait, je notais que le Premier Ministre se trouvait dans l’obligation, s’il voulait répondre à la demande du marché, d’imposer des mesures drastiques de réduction de la consommation à sa population. En janvier, je n’y croyais pas mais c’est pourtant ce qu’il a fait. La même pièce s’est jouée en Irlande, il y a quelques semaines. Cependant, la fin de l’histoire n’est pas connue, ni pour les Grecs ni pour les Irlandais: résignation de la population ou renversement des gouvernements, retour progressif à l’équilibre ou dérive incontrôlable vers la récession ? la suite en 2011, demain.
Face à celui que j’ai appelé un « imbécile utile » Joseph E Stigler, je présentais dans mon blog du 21 février quelques éléments de la pensée de Maurice Allais, Prix Nobel d’Économie en 1988, décédé le 11 octobre dernier dans un silence de cathédrale. C’est que Maurice Allais a été un des rares à prédire la crise financière dite des subprimes, notant que « l'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais sans doute, il n'est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'un effondrement général. »
Pour y faire face justement, Maurice Allais, qui observe que la cause fondamentale du chômage dans les pays développés provient de la libéralisation totale du commerce, recommandait la création d’ensembles régionaux homogènes, ce qui remettait en cause les principes sacro-saints de la mondialisation. C’est pourquoi on ne l’a pas écouté et on ne l’écoutera pas jusqu’au moment où les faits lui donneront raison, ce qui ne tardera guère à mon avis. En attendant, c’est toujours mal vu d’avoir raison trop tôt…
Un mois plus tard, dans mon blog du 21 mars, je revenais sur la politique des gouvernements grecs qui ont généré des déficits désormais non-finançables, sauf à pratiquer une violente cure d’austérité qui aurait pour effet la récession, le chômage et les émeutes. Or cette situation est aussi celle de l’État français. Comment pourra t-il réduire son déficit qui est si monstrueux que seule la moitié de ses dépenses est financée par l’impôt[1] ? Je pronostiquais que, pour le gouvernement grec, cela se terminerait par sa chute et son renoncement. Je maintiens ce pronostic et je l’applique aussi à la République Française tout entière menacée par le trou abyssal qu’elle a creusé depuis trente ans.
À partir du 5 mai, dans une série de six articles intitulés « Notre avenir », je dénonçai les mensonges relatifs à la crise des déficits publics, crise qui est devenu celle de l’Euro. On ose encore nous raconter aujourd’hui que la rigueur est la solution et que la zone Euro est indestructible. Pour ma part, je pensais alors que l’inflation était la solution logique parce que la moins douloureuse. Je n’en suis plus si sûr désormais parce que cette solution, qui est la moins mauvaise économiquement, est politiquement inapplicable dans la mesure où elle obligerait les dirigeants à reconnaître leur erreur. Je crois qu’ils préféreront la déroute politique et la politique du pire en matière économique plutôt que de manger leur chapeau.
En cette fin d’année 2010, je maintiens mon pronostic sur le bouleversement économique et finalement politique à venir, puisque les hommes au pouvoir refusent d’assumer leurs erreurs.
Sans analyser en détail la situation d’États comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, observons qu’un État comme la France est dans l’incapacité de revenir à l’équilibre budgétaire qu’il a abandonné, il y a trois décennies. En conséquence, il faudra bien trouver une solution économique pour y parvenir, mais ce retour à l’équilibre nécessitera un changement politique radical.
L’année 2011 s’annonce donc chargée d’événements, qui ne seront inattendus que pour ceux qui se contentent de regarder l’avenir dans leur rétroviseur.
[1] Si vous jetiez un coup d’œil au Projet de Finance pour 2011 adopté par l’Assemblée nationale, vous y verriez les deux chiffres suivants :
- Recettes nettes du Budget général pour 2011 : 201,053 milliards d’Euros.
- Besoin de financement du Budget 2011 (couvert par l’émission de dettes à long et moyen terme) : 189,4 milliards d’Euros.
Comment va t-on faire pour faire disparaître ce besoin de financement : on diminue les dépenses par deux ou on double les impôts ? C’est tellement énorme que tout le monde fait semblant de croire qu’il ne se passera rien. Mais non, cela ne va pas durer !
Un poème pour Noël
C'est Noël.
Loin des noires préoccupations de mon dernier blog, j'ai pensé qu'un poème siérait bien à cette nuit particulière.
Je ne sais si la religion se prête bien à la poésie, directement du moins. Aussi ai-je choisi un extrait d'un poème de Victor Hugo, Booz endormi, qui correspond assez à l'aspect merveilleux de la nuit de Noël.
Joyeux Noël, joyeuses fêtes à vous tous!
Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.
L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.
La respiration de Booz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.
Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.
Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,
Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
La carte de l'horreur
Je joint la carte des camps, en complément du blog que je vous ai adressé hier, qui donne les extraits d'un rapport présenté il y a quelques jours devant le Conseil de l'Europe. Ce rapport fait état d'exécutions d'êtres humains en vue d'extraire leurs deux reins et de les revendre, exécutions organisées par celui qui est devenu aujourd'hui le Premier Ministre du Kosovo!
On se croirait dans un mauvais film d'horreur et de science fiction à la fois, mais non. Nous sommes en face d'un monstre bien réel, bien vivant, bien officiel et qui apparemment ne risque rien, si l'on en croit le rire démoniaque du Docteur Kouchner.
Je crois qu'il est temps, plus que temps, de se réveiller.
Voici la carte officielle:
Vous avez tous les détails sur le site suivant:
http://assembly.coe.int/
L'horreur
L’homme que vous voyez, à gauche sur la photo, s’appelle Hashim Thaçi. Il est le Premier Ministre du Kosovo. Sachez qu’il est fortement soupçonné d’avoir fait assassiner des dizaines, peut-être des centaines, de personnes pour extirper les deux reins de leur cadavre et les revendre. Sachez aussi que les dirigeants des pays qui le soutiennent, USA, France, Grande-Bretagne notamment, font semblant de ne rien savoir pour ne pas remettre en cause la « stabilité » du Kosovo, même dirigé par un mafieux.
Un rapport remis au Conseil de l’Europe par Dick Marty, député suisse, le 12 décembre 2010, rapport que vous pouvez lire sur Internet, fait état de crimes inouïs commis sous les ordres des dirigeants actuels du Kosovo à commencer par son Premier Ministre en poste, Hachim Taçi.
Je vous donne ci-dessous des extraits[1] du rapport que vous pouvez trouver sur Internet ou que je peux vous faire parvenir:
En avril 2008, l’ancienne Procureure auprès du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Mme Carla Del Ponte, a publié un livre témoignage sur ses expériences de magistrat au sein de cette institution. Dans cet ouvrage, près de dix ans après la fin de la guerre au Kosovo, il est fait état d’un trafic d’organes humains prélevés sur des prisonniers serbes qui aurait été commis par des responsables de l’ « Armée de Libération du Kosovo » (UÇK).
Saisie d’une proposition de résolution demandant de mener une investigation approfondie sur les faits et les conséquences mentionnées par Mme Del Ponte afin d’établir s’ils sont véridiques, la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme m’a nommé rapporteur et m’a ainsi chargé de proposer un avant-projet de résolution et de rédiger un rapport.
J’ai constaté que les faits allégués n’avaient été l’objet d’une véritable enquête par aucune des autorités nationales et internationales qui ont été en charge des territoires concernés. Même certains représentants des autorités internationales ne cachaient pas leur absence de volonté de s’occuper de ces faits : « le passé est le passé, maintenant il faut regarder au futur », nous a-t-on dit. De plus, le mandat du TPIY a été restreint à une période et un espace bien délimités : la juridiction internationale est compétente à poursuivre et juger les crimes jusqu’en juin 1999, fin du conflit, et sa compétence ne s’étend pas à l’Albanie. Or les faits qui nous occupent aujourd’hui auraient eu lieu surtout à partir de l’été 1999.
Le dossier le plus urgent du point de vue humanitaire est celui des personnes disparues. Aux 1869 personnes disparues pendant le conflit dont le sort n’a toujours pas été établi (dont deux tiers environ sont des kosovars de souche albanaise) s’ajoutent 470 personnes disparues après l’arrivée des troupes de la KFOR le 12 juin1999, dont 95 de souche albanaise et 375 non-albanais, pour la plupart serbes.
Un noyau restreint de personnalités de l’UÇK aurait pris le contrôle, au plus tard à partir de 1998, de la majeure partie des activités illicites auxquelles les Albanais du Kosovo ont participé en République d’Albanie. Ce groupe de personnalités de premier plan de l’UÇK s'est lui-même baptisé le « Groupe de Drenica ». Nous avons constaté que le chef de ce « Groupe de Drenica » n'était autre que la personnalité de l’UÇK la plus reconnue sur la scène internationale, Hashim Thaçi. Thaçi doit sans aucun doute son ascension personnelle au soutien politique et diplomatique des États-Unis et d'autres puissances occidentales, qui le considéraient comme le partenaire local favori de leur projet de politique étrangère pour le Kosovo. Or, les services chargés de la lutte contre le trafic de drogue de cinq pays au moins précisent, dans des rapports confidentiels qui s'étendent sur plus de 10 ans, que le commerce de l'héroïne et d'autres narcotiques était contrôlé de façon violente par Hashim Thaçi et d'autres membres du « Groupe de Drenica ».
Il est particulièrement déconcertant de constater que l'ensemble de la communauté internationale au Kosovo, depuis les gouvernements des États-Unis et des autres puissances occidentales alliées jusqu'aux autorités judiciaires qui exercent leurs activités sous la tutelle de l'Union européenne, possèdent sans doute les mêmes informations accablantes sur toute l'étendue des crimes commis par le « Groupe de Drenica », mais qu'aucune d'elles ne semble prête à réagir face à une telle situation et à en poursuivre les responsables[2].
Concernant plus particulièrement les personnes disparues, l’UÇK a détenu trois catégories de prisonniers :
- Tout d’abord les prisonniers de guerre : entre les mois d’avril et juin de 1999, des détentions de personnes par l’UÇK en territoire albanais étaient visiblement basées sur les impératifs stratégiques. Selon des témoignages directs, étayés par les éléments des actes d'accusation établis par le Parquet spécial de la République du Kosovo, nous estimons à au moins 40 personnes au total le nombre des prisonniers détenus par l’UÇK qui ont survécu à ce jour.
Après le 12 juin 1999, des kosovars albanais ont continué à détenir des personnes. Il est extrêmement inquiétant à nos yeux qu’on soit toujours sans nouvelles de l'immense majorité des personnes détenues. Parmi les lieux de détention de la période post-conflictuelle, il y avait au moins une structure unique par son aspect et son utilisation. C’était un centre de réception dernier cri pour le crime organisé du trafic d’organes. Cette structure était dessinée comme une clinique chirurgicale improvisée, et c’était l’endroit où certaines des personnes détenues par des membres et des associés de l’UÇK auraient subi le prélèvement de leurs reins. Les organisateurs de cette entreprise criminelle auraient par la suite transporté les organes humains hors d’Albanie pour les vendre à des cliniques privées étrangères faisant partie du réseau du « marché noir » international du trafic d’organes aux fins de greffe.
- Ensuite les « disparus » : aucun d'eux n'a été vu ni signalé et personne n'a entendu parler d’eux depuis qu'ils ont été enlevés du Kosovo dans les mois qui ont immédiatement suivi le 12 juin 1999. Un petit groupe d'officiers supérieurs de l’UÇK aurait dirigé et supervisé de multiples arrivées de prisonniers civils à Rripe, dans la maison K. pendant une période de près d'un an, de juillet 1999 au milieu de l'année 2000. Des preuves suffisantes semblent démontrer qu'un petit nombre de prisonniers enlevés par l’UÇK ont trouvé la mort dans la maison K. ou à proximité de celle-ci. La maison K. semble avoir tenu lieu « d’étape intermédiaire », où les prisonniers en transit étaient détenus en attendant d'être conduits à la mort et où, selon certaines sources, ils étaient soumis à des formes de « traitement » ou de « tri » apparemment bizarres, et notamment à des tests sanguins ou à des examens de santé.
- Enfin, une troisième catégorie, les « victimes de la criminalité organisée » : les prisonniers conduits jusqu'à Fushë-Krujë étaient tout d'abord détenus au « refuge ». Le propriétaire de cette maison aurait entretenu à la fois des liens claniques et des rapports de criminalité organisée avec les membres du « Groupe de Drenica ». Lorsqu’il était confirmé que les chirurgiens chargés de la transplantation étaient en place et prêts à opérer, les prisonniers auraient été menés un à un hors du « refuge », sommairement exécutés par balle par un agent de l’UÇK et leurs corps étaient transportés rapidement à la clinique où avait lieu l'opération. La procédure chirurgicale appliquée consistait à extraire les reins sur le cadavre à des fins de transplantation. D'après les sources, l'axe Fushë-Krujë avait été choisi pour accueillir ces établissements à cause de sa proximité avec le principal aéroport qui desservait Tirana. Les installations de cette plate-forme du réseau de trafic d'organes – le « refuge » et la clinique utilisée pour les opérations – étaient par conséquent faciles d'accès à la fois pour recevoir des visiteurs internationaux et pour procéder à l'expédition des organes.
Au cours de nos recherches, nous sommes venus à connaissance d’informations qui semblent indiquer l’existence d’un véritable trafic international criminel d’organes humains, impliquant des complicités dans au moins trois différents pays étrangers (en dehors du Kosovo), pendant plus d'une dizaine d'années.
Les faits que nous avons recueillis sont d’une gravité exceptionnelle et se sont passés au coeur de l’Europe. Le Conseil de l’Europe et ses Etats membres ne peuvent rester indifférents face à une telle situation. Nous avons mis en évidence l’existence d’un important phénomène de criminalité organisée au Kosovo. Le silence et l’absence de réactions face à un tel scandale sont, en fait, tout aussi graves et inacceptables. Ce que nous avons découvert n’est pas inédit : des rapports d’importants services de renseignements et de police ont déjà dénoncé et illustrés en détail ces mêmes faits depuis longtemps. Sans suite, car les chancelleries privilégiaient à chaque fois le profil bas, le silence, pour de prétendues considérations d’ « opportunité politique ». Mais quels intérêts pourraient bien justifier une telle attitude qui fait fi de toutes les valeurs que l’on ne manque jamais de publiquement invoquer ?[3]
Fin des extraits du rapport.
Mon commentaire est le suivant :
Qui a donc intérêt à ce que ces criminels ne soient pas arrêtés ? deux catégories de personnes : la Mafia albanaise et les dirigeants des pays qui souhaitent qui estiment que le statu quo est préférable à la justice et à la vérité. Croyez vous que nous puissions faire confiance à ce type de dirigeant pour gérer nos intérêts à nous, qui ne sommes les membres d’aucune Mafia, mais plutôt leurs victimes potentielles ?
L'obsession italienne
Nous avons quitté le 21 novembre dernier l’histoire de la France et des Français, je devrais plutôt écrire l’histoire de la France contre les Français avec Louis XI, roi assez libéral malgré l’image de dureté qu’il a laissée aux écoliers, avec ses cages de fer où il emprisonnait ses ennemis. Après lui les choses ne s’arrangent pas pour les Français, dont les rois sont obsédés par la conquête de l’Italie.
Après Louis XI, de 1483 à 1515, vinrent Charles VIII, Louis XII et François Ier. Leur obsession commune fut de conquérir l’Italie, en utilisant la supériorité démographique de la France sur les villes et les duchés italiens désunis. Les défaites succédèrent aux victoires, si bien que le seul avantage de ces guerres, si l’on compte pour rien les morts, les destructions et l’impopularité des Français que rapporta à l’époque Machiavel, fût d’aider la France à rattraper son retard culturel et artistique sur l’Italie. Encore que Louis XII est resté dans la mémoire nationale comme celui qui a su humaniser la justice de l’époque. Il parvint aussi à réduire les impôts grâce aux richesses de l’Italie si bien qu’il fut sans doute, de son vivant, le plus populaire des rois de France.
François Ier, par contre, continua dans la lignée de Philippe le Bel, en donnant une impulsion décisive à la pratique de la « monarchie absolue ». C’est lui qui a forgé la formule « Car tel est notre bon plaisir », et c’est lui aussi qui, en matière religieuse, signa le concordat de Bologne qui plaçait l’épiscopat français sous la coupe du roi. Il imposa aux prêtres d'enregistrer les naissances et de tenir à jour un registre, fondant de la sorte l'Etat Civil en France : toujours le souci du contrôle, pour le bénéfice des armées et de l’impôt. Il renforça l'emprise de la couronne sur le pays au prix de la détérioration de la situation économique de la nation. Ses constructions furent des gouffres financiers tandis que ses guerres contre les Habsbourg mobilisèrent des sommes énormes et obtinrent des résultats calamiteux. Il est frappant, à cet égard, que tout le monde connaisse la victoire de Marignan (1515) au point que ce soit une des dates les plus connues de l’histoire de France, sans doute pour mieux oublier la défaite de Pavie dix ans plus tard qui entraîna la capture du roi par Charles-Quint et le désastreux traité de Madrid par lequel le roi renonçait au quart de la France.
Pour faire face à toutes ces calamités provoquées par la mauvaise politique extérieure du Roi, la taille fut plus que doublée, et la gabelle, l'impôt sur le sel, triplée. François Ier se sépara aussi de pierres précieuses appartenant à la couronne, aliéna des territoires royaux et fut le premier roi à vendre des charges et des offices pour obtenir des liquidités. On se demande encore pourquoi il est resté un roi populaire dans la mémoire collective.
Après François Ier,, de 1547 à 1610, nous le verrons dans un prochain blog, les affaires ne s’arrangent guère, au contraire. Cinq rois se succèdent, Henri II, François II, Charles IX, Henri III et Henri IV: C’est l’époque de l’avènement et de la lutte contre le protestantisme.
Sommes nous libres?
Tout d’abord de quoi parle t-on? de quelle liberté s’agit-il ? la liberté positive ou la liberté négative? la première concerne notre capacité à agir selon notre propre volonté et la seconde, notre capacité à agir sans subir la contrainte des autres.
Quelqu’un est libre dans le sens positif du terme lorsqu’il contrôle sa vie. Si nous ne sommes pas libres, ce sont nos désirs et nos passions qui nous l’interdisent[1].
D’un autre côté, nous sommes libres au sens négatif du terme lorsque personne ne nous empêche d’agir, soit en rendant impossible notre action, soit en exerçant une pression sur nous[2]. En ce dernier sens, est ce que nous sommes empêchés de faire ce que nous voulons dans notre société en ce début du XXIe siècle, oui ou non ?
Oui, nous sommes empêchés.
Dés l’enfance, nous sommes enfermés dans un système éducatif qui nous opprime parce que, malgré tous nos efforts pour adhérer à ce que les adultes nous proposent, nous n’en comprenons ni la logique ni l’efficacité. Pourquoi nos professeurs nous crient-ils dessus au lieu de nous encourager? Pourquoi sont-ils si souvent absents, s’ils veulent nous enseigner? Cela ne leur plait pas de nous faire cours? Pourquoi font-ils ce métier alors? Est-ce cela la vie adulte, de faire ce que l’on n’aime pas, de se planquer et de tricher? Pourquoi laisser les élèves sans formation, incapables de lire ou d’écrire? Pourquoi les laisser copier si on veut qu’ils apprennent? Pourquoi ne prend–on aucune mesure contre les perturbateurs? Pourquoi faire semblant d’enseigner ce que l’on ne s’est pas donné les moyens de nous apprendre ? Comment se fait-il par exemple que les enfants ne sachent pas parler une langue après sept ans d’études ? Peut-on croire après ce long enfermement souvent déstabilisateur que représentent les études, que l’on a été préparé efficacement à faire face à la vie adulte?
Adultes, nous sommes confrontés à une vie que nous ne maîtrisons pas. Notre salaire est le plus souvent trop faible pour nous donner les moyens d’être libre, au sens économique du terme. Nous empruntons, nous nous serrons la ceinture.
Si nous sommes dans l’administration, nous revoilà confrontés à une logique de l’inefficacité qui nous rappelle l’école. Nous avons choisi ce métier pour disposer au moins d’une liberté, celle du salaire assuré, même faible. Mais du coup, nous nous sommes privés de toutes les autres libertés, qui commencent par celle de changer ce qui nous paraît absurde. Rien à faire, tout est trop rigide, trop lourd, hors de notre portée.
Si nous sommes employés dans le privé, nous pouvons parler, mais nous sommes menacés à tout moment de licenciement. La peur nous oblige à subir. Si nous avons choisi la liberté du travail individuel, agriculteurs libres dans sa ferme, artisan qui choisit son emploi du temps, commerçant maître à bord de son entreprise, médecin fier de sa vocation, avocat libre de causes et de paroles, profession libérale adoubée par ses pairs, c’est le triple système économique, fiscal et social qui nous oppresse. Nous voilà à la merci d’un changement de prix des céréales, livré aux contrôles sinon à la persécution d’une administration qui multiplie les règlements, les procédures et les précautions, subissant l’évolution des professions sous la pression de la concurrence mondiale.
Collectivement, nous avons l’impression d’être ballotté par des forces qui nous échappent : la mondialisation qui détruit nos emplois, l’Europe qui ouvre toute grande ses portes aux produits étrangers au lieu de nous protéger dans son cocon, l’installation de populations étrangères toujours plus nombreuses, les manœuvres de la finance qui s’empare de nos richesses.
Non, nous ne sommes pas libres du tout. D’autant plus qu’au-dessus de nous, nous sentons la présence d’un État qui nous traite comme s’il avait affaire à des enfants difficiles à contrôler. Il prend des impôts, il fabrique des déficits, il distribue des subsides, il nous enserre dans un filet de règlements, il nous tance en permanence comme si nous étions des irresponsables à ceinturer ou des égoïstes à punir, tout en nous racontant que tout va bien, qu’il suffit de nous laisser conduire par nos chefs.
Ceux-là on sent bien qu’ils se sont installés aux commandes sans notre permission. Mais eux non plus ne sont pas libres, il faut que chacun d’entre eux, du Président au journaliste, respecte les règles du système, sinon, pfuit ! Éjecté du sommet de la société! À nous, on nous annonce que nous sommes dans une démocratie, ce qui veut dire officiellement que c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple[3]. On est donc censé voter pour les chefs que l’on veut, et là il y aurait bien un espace de liberté si on pouvait vraiment les sélectionner, mais c’est impossible, ils se sont arrangés entre eux pour se partager le pouvoir auquel nous n’aurons jamais accès. On ne peut pas les choisir, on le voit bien, puisque l’alternative qui nous a été offerte, c’était Sarkozy ou Royal et c’était tout. Alors la prochaine fois, toute notre liberté ce sera de désigner soit Sarkozy soit Strauss-Kahn? c’est tout ce qui nous est concédé comme liberté, une fois tous les cinq ans, rien quoi.
Alors quelles libertés nous reste t-il ? Il nous reste celle de râler dans notre coin, de manifester de temps en temps, ce qui fait chaud au cœur quand on voit tous ces gens rassemblés qui partagent notre destin. Mais notre sentiment de puissance ne dure guère, une après-midi, une journée, et puis on rentre au bercail. Il nous reste aussi, si on en a le courage et l’opportunité, la possibilité de partir ailleurs, mais on sent bien que le système est universel et qu’il nous rattrapera, où que nous allions.
Bien sûr demeure la liberté d’ignorer ces contraintes, de faire comme si elles n’existaient pas. L’enfant qui rêve en classe, l’employé qui accepte le metro-boulot-dodo et le chômage, le vieux qui file sans brocher dans sa maison de retraite, occultent la tyrannie du monde. Ils acceptent les contraintes que les autres leur imposent sans se révolter. Car ils savent que c’est un combat perdu d’avance. Qui l’a jamais gagné ? il n’y a plus de révolution, ni même d’idéal. La religion n’est qu’une consolation à usage personnel. Ils fuient les informations. Ils se replient sur le petit monde où ils peuvent agir. Ils s’emparent des libertés qui leur reste, circuler, parler, manger, rire, jouer, fumer dehors, boire en cachette, s’offrir en douce un joint, et ils les magnifient. Ce sont les vraies libertés, proclament-ils, les autres, celle de vivre à sa guise, de ne pas se sentir menacé dans son travail, ses biens ou même sa vie, de se sentir en accord avec la société dans laquelle on vit, ce sont des libertés illusoires puisqu’elles sont hors d’atteinte.
Ils se replient sur la liberté positive. Accepter le monde. Il ira où il doit aller. Devenir Zen. S’occuper de sa vie, trouver son équilibre à soi. Faire en sorte que la raison parle à la passion pour lui dire que tout ce qui m’est interdit n’est pas le fait de la stupidité, de la cupidité ou de la violence des hommes, mais la loi du monde.
Et s’endormir sur cette pensée réconfortante.
Révolution médiatique et exigence de vérité
Je vais commencer par vous livrer un scoop : le dimanche 28 novembre, j’étais à Casablanca. Ce jour-là, de mes yeux, j’ai vu défiler une énorme manifestation, rassemblant entre un million et trois millions de personnes venant de tout le Maroc.
Vous en avez entendu parler dans les medias français ? absolument pas et pour cause. C’est qu’elle est gênante pour les medias occidentaux. Ces derniers ont en effet publié une photo d'enfants palestiniens, datant de 2006 et fournie par l'agence espagnole EFE, afin de démontrer la violence subie par les populations civiles sahraouies de la part de l’armée marocaine. Plainte a été déposée pour trucage. Vous avez entendu parler de ce trucage ? Bien sûr que non.
Voilà un exemple récent pour vous montrer à quel point l’information que l’on nous distille est étroitement limitée et orientée.
Là-dessus arrive les révélations fournies par le site Wikileaks. Vous savez quelle est l’opinion que nous fait connaître le Ministre du Budget et Porte Parole du gouvernement, François Baroin ? pour lui, « une société transparente est une société totalitaire » ! Vous avez bien lu : « une société transparente est une société totalitaire »…
On peut donc en conclure avec lui qu’une société démocratique doit être opaque. François Baroin peut être au moins certain que sa phrase restera dans les mémoires pour illustrer l’insondable arrogance des hommes au pouvoir, comme celle de Georgina Dufoix se déclarant autrefois « responsable mais pas coupable », lors de l’affaire du sang contaminé. Qu’est-ce qui lui fait donc peur dans les documents diffusés par Wikileaks ? On n’y trouve aucune révélation fracassante, rien qui puisse ébranler le monde. Les petites phrases diplomatiques des uns sur les autres racontent ce que nous savions déjà. Ce qui le gêne, c’est que Wikileaks lève le rideau sur des rouages des medias, qui dosent minutieusement les informations à livrer au peuple. Les livraisons de Wikileaks impliquent une perte de contrôle, donc de pouvoir. Finies les subtiles lignes éditoriales, finies les injonctions du pouvoir politique. Des sources capables de déstabiliser le système émergent désormais, ce qui est évidemment intolérable pour les hommes au pouvoir.
Du coup, ils hurlent à l’atteinte à la démocratie, un discours qui doit être décodé. Lisez plutôt qu’ils dénoncent l’atteinte au monopole qu’ils détiennent sur l’information. Les médias en place, à qui l’on dit presque tout, ont pour fonction de fabriquer et de tempérer l’opinion (l’Euro est fort, intangible, dormez tranquille…). En échange de quoi, on les accueille dans le cénacle des puissants, on leur donne des scoops qui les confortent dans leur statut et on les subventionne.
Il est révélateur de voir que cette peur de la transparence ne les trouble pas quand il s’agit de surveiller les gens ordinaires : le fichage généralisé, la traçabilité du citoyen, la télésurveillance, rien ne les effraient. C’est alors qu’ils proclament que « ceux qui n’ont rien à cacher n’ont rien craindre ». Par contre, s’ils sont eux-mêmes auscultés, ils tempêtent contre la société totalitaire ! Curieux, non ?
Si on a le privilège de parler à ces puissants en privé, ils ne se font pas prier pour vous livrer le fond de leur pensée : « sachez bien que leur unique objectif est évidemment le bien du citoyen, qu’il s’agit de protéger d’une vérité qu’il n’est pas capable d’affronter ». Quelle vérité ? Je ne voudrais pas faire de mauvais esprit, mais il ne s’agirait pas, par hasard, de celle d’être floué par l’oligarchie à l’aide de mensonges bien gardés par la médiasphère ? En tout cas, il serait bon que vous preniez conscience que, pour les puissants, il y a deux types d’êtres humains dans la société : les êtres qui font partie de la sphère supérieure, sphère dont ils font naturellement partie ; ceux-là sont capables de comprendre l’information. Hors de cette sphère, se trouve la masse molle des zombies de la sphère inférieure qui ne peuvent ingurgiter qu’une information préalablement aseptisée par les représentants de la classe supérieure.
Ces représentants, ce sont les medias autorisés. Si vous ne comprenez pas cela, petit journaliste qui se prétend intègre, vous allez illico être éjecté du premier cercle afin que se perpétue la société irénique tempérée par la communication de masse. Pour mesurer l’efficacité du filet de protection qui entoure l’information autorisée, notez qu’aucune des dizaines de radios que vous pouvez écouter dans les grandes villes françaises ne déroge à ce principe en donnant des informations dérangeantes ou des opinions non autorisées. Si elles s'y risquaient, leur autorisation d'émettre ne serait pas renouvelée. Par exemple, il n’existe aucune station de radio qui exprime des opinions proches du Front national et lorsqu’il en existera une, ce sera le signe que ce dernier a été admis dans le cercle du pouvoir.
Alors que rien ne peut plus arrêter une révolution numérique imprégnée du tropisme de la recherche de la vérité, les sociétés qui prônent l’opacité comme garante de l’équilibre filent droit vers l’abîme. Ce qui se passe sous nos yeux, dont Wikileaks est un des révélateurs, c’est la mise en place d’un nouveau pouvoir fondé sur ce nouveau et dérangeant principe selon lequel "l’on ne peut plus rien cacher".
Ceux qui refusent cette évolution sont voués à être balayés par la révolution numérique. Par contre, ce que sera la nouvelle société transparente, je n'en sais fichtre rien! On verra…