L’ISLANDE, DU BLOCAGE RÉFÉRENDAIRE AU REJET DE L’UE
OLAFUR RAGNAR, LE PRÉSIDENT QUI NE VOULAIT PAS ÊTRE RÉÉLU
Donc les Islandais, par le biais de manifestations devant leur Parlement et de deux referenda, refusèrent d’être rançonnés par les créanciers internationaux, auxquels ils auraient dû verser, chacun, 100 euros par mois pendant huit années !
La crise financière de l'automne 2008 a déclenché un mouvement révolutionnaire non violent, appelé la révolution des casseroles, qui a entrainé la chute du gouvernement dirigé par le Parti de l'indépendance, de droite. L'Alliance sociale-démocrate et le Mouvement des verts formèrent un gouvernement de coalition intérimaire, avant de remporter une victoire historique lors des élections législatives d'avril 2009.
Dans leur programme figurait l’ ‘élection d'une assemblée constituante. Le 16 juin 2010, l’Althing, contre l’avis des partis de droite, adopta alors une loi constitutionnelle qui prévoyait l'élection d'une Assemblée Constituante formée de 25 représentants ayant pour mission de proposer des amendements à la Constitution du 17 juin 1944.
En octobre 2010, pour préparer le travail de l’Assemblée Constituante, une Assemblée nationale de 1 000 personnes tirées au sort fut chargée de produire un cahier des charges précisant les points qui devaient être traités par la nouvelle Constitution.
Parmi ces mille personnes, 522 candidats se présentèrent aux suffrages qui conduisirent à l'élection de quinze hommes et de dix femmes le 27 novembre 2010, avec une participation du corps électoral qui n’était que de 36%. Mais, le 26 janvier 2011, sur une plainte de trois membres du Parti de l'indépendance opposé au processus de révision de la Constitution, la Cour suprême d'Islande invalida l'élection des constituants en raison de plusieurs incertitudes concernant l'organisation et la confidentialité des votes.
La majorité élue passa outre et le 24 mars suivant, l’Althing décida de confier à un Conseil constitutionnel constitué des personnes précisément élues le 27 novembre la mission de produire des recommandations pour une nouvelle constitution. Ce Conseil Constitutionnel de vingt cinq personnes, qui n’était plus formellement une Assemblée Constituante, remit le 29 juillet 2011 ses recommandations à la présidente de l'Althing sous la forme d'un projet de constitution à soumettre au référendum populaire.
Le projet fut très mal reçu par la classe politique islandaise car les dispositions proposées leur étaient beaucoup moins favorables que le statu quo. Une consultation populaire fut prévue mais sa forme et son contenu firent l'objet de vifs débats. Finalement, le 20 octobre 2012, le référendum constitutionnel put se dérouler et confirma le soutien de la population aux réformes, avec une participation de 48,9% des inscrits.
Le gouvernement espérait obtenir un vote favorable de l'Althing sur le projet de réforme avant les élections du printemps 2013, sans quoi l'adoption de la nouvelle Constitution, qui devait être approuvée selon la Constitution islandaise de 1944 par deux législatures successives, serait retardée de quatre ans. Mais, en raison de l'obstruction des partis d'opposition, le projet ne put être soumis au vote du Parlement.
Or les élections législatives du 27 avril 2013 furent remportées par les deux partis d'opposition de centre droit, le Parti de l'indépendance et le Parti du progrès, ce qui entraîna la suspension sine die de la tentative de réforme constitutionnelle…
Le gouvernement de centre droit se concentra sur la remise en état de l’économie islandaise. Le secteur financier fut restructuré et l'économie repartit sur d'autres bases, avec le tourisme et la pêche comme piliers. Aujourd’hui, l'activité économique de l'Islande a dépassé son niveau d'avant la crise financière de 2008. Si la croissance économique a légèrement diminué en 2014 après 3,6% en 2013, la banque centrale islandaise table sur une reprise forte en 2015, avec 4,2%.
Mais, au plan politique, l’Islande a fait récemment encore parlé d’elle. À son arrivée au pouvoir en 2013, le Premier ministre islandais David Gunnlaugsson avait prévenu de sa volonté d'interrompre le processus d'adhésion à l'UE et c’est chose faite depuis le 12 mars 2015.
Ce jour là, l'Islande a annoncé, décision rarissime pour l’UE, avoir retiré sa candidature à l'Union européenne, alors que le gouvernement de gauche, élu après la crise de 2008, avait déposé sa candidature pour protéger son économie des risques monétaires. Mais, dès son accession au pouvoir en avril 2013, les partis de centre droit avaient mis un terme aux discussions, en raison de la question des droits de pêche. La pêche est en effet redevenue un secteur essentiel de l'économie islandaise, puisque 42% des exportations islandaises en est issu. Or, l'entrée dans l'UE aurait signifié l'adoption de quotas de pêche plus restreints.
Ainsi, l’Islande a réussi à ne pas se charger de dettes mais a échoué dans sa réforme constitutionnelle et vient de renoncer à entrer dans l’Euro. Ce pays de trois cent milles âmes qui réussit à maintenir sa spécificité au milieu de neuf milliards d’êtres humains, doit donc conserver toute notre attention…
LA PAIX SELON BONAPARTE
LE TRAITÉ D'AMIENS SELON JULES ZIEGLER
Dans le cadre de ses efforts pour stabiliser la position de la France, Bonaparte essaie, au delà de la pacification religieuse, d’obtenir une paix qui permette à la France de digérer ses conquêtes en Europe.
Il n’y parviendra pas.
Pour contraindre l’Autriche à signer la paix, il commence par reprendre les hostilités en avril 1800. Les victoires qu’il engrange lui permettent d’obtenir les conditions de paix qu’il souhaite. En effet, après un succès initial des Autrichiens contre Masséna, la campagne de 1800 aboutit à leur retraite en Italie et en Allemagne. Un nouveau traité, remplaçant celui de Campo-Formio, est signé à Lunéville le 9 février 1801 qui permet à la France de contrôler la rive gauche du Rhin et une bonne partie de l’Italie, à l’exception de la Vénétie qui reste aux mains de l’Autriche.
Le Premier Consul s’affaire ensuite à isoler l’Angleterre pour la contraindre à signer également un traité de paix.
La France obtient de l’Espagne, par le traité préliminaire de Saint Ildefonse (1er octobre 1800), la totalité de la Louisiane qu’elle revendra ensuite aux Etats-Unis tandis qu’en contrepartie le Grand Duché de Toscane est remis au neveu du Roi d'Espagne. De plus, les troupes françaises sont autorisées à passer par l'Espagne pour obliger le Portugal à abandonner l'alliance anglaise.
En outre, la paix, signée à Florence le 28 mars 1801 avec le Royaume de Naples, oblige la Reine Caroline à fermer ses ports aux Anglais et à placer des garnisons à Tarente, Otrante, et Brindisi d’où il sera facile de faire partir une expédition pour renforcer l’armée d'Egypte. Bonaparte signe de plus un traité de paix avec les Etats-Unis et conclut des accords avec Alger, Tunis et Tripoli. Enfin, le Tsar Paul 1er, qui avait retiré ses troupes de la deuxième coalition après la prise de Zurich par Masséna, se détache de l'Angleterre qu'il accuse d'arraisonner illégalement ses navires et fonde avec la Suède, le Danemark et la Prusse, la Ligue des Neutres.
D’ailleurs, la paix, ou au moins une trêve, faisait aussi l’affaire de l'Angleterre qui, tout en conservant la maîtrise des mers, n'avait plus d'alliés susceptibles de se battre en Europe après le traité de Lunéville et voyait sa production industrielle anglaise souffrir du manque de marchés.
Aussi, les deux belligérants aboutirent au traité d'Amiens. À la suite des articles préliminaires signés à Londres le 1er octobre 1801, un traité « définitif » de paix fut signé le 25 mars 1802 entre la République Française, sa majesté le Roi d'Espagne et des Indes et la République Batave d’une part et Sa Majesté le Roi du Royaume Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande d’autre part.
Le traité prévoyait la restitution des prisonniers et des colonies conquises par les forces britanniques à l'exception de l'île de la Trinité et des possessions hollandaises dans l'île de Ceylan. L’île de Malte devait être rendu à l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem et les forces anglaises évacueraient tous les ports et îles qu'elles occupaient dans la Méditerranée ou dans l'Adriatique. En contrepartie, la France reconnaissait la souveraineté de la Turquie sur l’Egypte, et les troupes françaises évacuaient le royaume de Naples et l'État romain.
Les peuples espéraient une paix durable mais Bonaparte se refusa au traité de commerce que l’Angleterre espérait et continua à étendre son influence et sa souveraineté en Hollande, en Allemagne, en Suisse et en Italie. Le 26 août 1802, la France annexait l’île d’Elbe ; le 11 septembre, le Piémont, annexé à son tour, était organisé en quatre départements et le 9 octobre 1802, les troupes françaises entrent dans le duché de Parme. Pour couronner le tout, Decaen partait en mars 1803 tenter de reconquérir les comptoirs français des Indes.
En Allemagne, Bonaparte demanda à la Diète du Saint Empire Romain Germanique de remanier la carte politique de l’Allemagne qui aboutit à dissoudre en mars 1803 cent douze États et toutes les principautés ecclésiastiques, sauf une.
Le 1er Consul contraignit la Suisse, par un acte de médiation octroyé le 19 février 1803, à se transformer en Confédération Helvétique.
Pour couronner le tout, Decaen partait en mars 1803 avec une flotte pour tenter de reconquérir les comptoirs français des Indes.
Dans ce conditions, la paix avec le Royaume-Uni apparaissait pour ce dernier comme une forme de capitulation devant l’appétit territorial de Napoléon qui ressemblait beaucoup, un siècle et demi plus tard, à la politique agressive dite « des réunions » pratiquée par Louis XIV.
Il est remarquable que l’opinion française, sans cesse invitée par ailleurs à battre sa coulpe, ne soit jamais alertée sur les menées impérialistes de ces deux « grands » chefs d’État, Napoléon et Louis XIV, qui ont largement contribué à donner une image négative de la politique française en Europe. Une histoire ancienne sans doute, mais dont on retrouve les excroissances dans le comportement arrogant de nos dirigeants actuels…
LA CRISE FINANCIÈRE ISLANDAISE
L'AVENTURE MORTIFÈRE D'ICESAVE
Le déroulement de la crise islandaise est particulièrement instructif, puisqu’il a été résolu par un processus politique fondé sur une révolte populaire.
En 2007, les quatre principales banques du pays avaient une dette extérieure de plus 100 milliards de dollars US correspondant à sept fois le PIB de l’Islande ou encore à 300 000$ par habitant !
Comme le marché financier domestique était très restreint, les banques islandaises avaient en effet financé leur expansion par des dépôts hors Islande et avec des emprunts sur le marché interbancaire. De leur côté, saisis par l’euphorie, les Islandais avaient contracté une forte dette privée, équivalente à 213 % du revenu disponible du pays, ce qui a engendré une inflation de 14 % en 2007-2008, incitant à son tour la Banque centrale d'Islande a maintenir des taux d'intérêt élevés, ce qui, par un effet de ricochet, avait encouragé les investisseurs étrangers à déposer des avoirs en couronne islandaise ce qui a accru exagérément la masse monétaire islandaise.
À ce stade, nous ne pouvons que faire le parallèle, toute proportion gardée, avec la politique actuelle de la BCE qui a décidé d’injecter 60 milliards d’Euros par mois jusqu’en septembre 2016 dans les économies de la zone Euro alors que la croissance est très faible. En agissant ainsi, la BCE provoque sciemment la formation d’une bulle financière qui finira par exploser, ruinant nombre d’acteurs économiques et financiers.
En Islande en tout cas, s’était installé en 2008 une situation de bulle financière que naturellement personne ne voulait voir puisque personne n’y avait intérêt. Et, comme en Grèce actuellement, les banques islandaises avaient de plus en plus de difficultés à se refinancer sur le marché interbancaire, les créditeurs exigeant d’être payés alors qu’elles n’étaient plus en mesure d'obtenir de nouveaux emprunts. De plus, et à la différence cette fois de la Grèce, ces banques ne pouvaient pas demander de l'aide à leur banque centrale, en tant que prêteur de dernier recours, car leur bilan cumulé était beaucoup plus important que le PIB islandais.
C’est ainsi que les banques islandaises furent acculées au dépôt de bilan et nationalisées fin septembre 2008.
Les effets sur l’Islande furent dévastateurs : entre janvier et octobre 2008, la couronne islandaise perdit près de 50 % se sa valeur face à l'euro et la hausse des prix atteignit 14 %. Arrivant après la bataille, les quatre agences de notation abaissèrent comme un seul homme la notation financière de l’Islande de A+ à BBB-. La belle affaire ! On se demande à quoi servent ces agences, en tout cas pas à prévoir les évènements financiers.
Stupéfaite, la population découvrit le désastre. Des manifestations eurent lieu régulièrement devant le Parlement pour exiger la démission du gouvernement et du directeur de la Banque Centrale, ainsi que l’organisation d’élections anticipées.
Pendant ce temps, Icesave, une filiale de la banque privée Landsbanki désormais nationalisée, avait « suspendu » ses trois cent mille comptes bancaires le 7 octobre 2008, provoquant la panique non seulement des clients de la banque mais également de l'ensemble des marchés financiers.
Le gouvernement anglais, apprenant que les Islandais bénéficieraient de la priorité du remboursement de leur créance, n’hésita pas à faire classer Icesave comme une organisation terroriste afin de bloquer les avoirs de sa branche britannique ! Comme quoi quelqu’un qui ne paie pas ses dettes relève du terrorisme pour son créancier ! Pour éviter une panique bancaire, les gouvernements britannique et néerlandais prirent l’initiative de rembourser les clients d’Icesave via leur propre fonds de garantie, tout en se retournant vers le gouvernement islandais pour se faire rembourser.
Des négociations commencèrent entre les trois pays afin de trouver un accord sur les modalités de remboursement. Le 28 août 2009, le parlement islandais votait, par 34 voix pour, 15 contre et 14 abstentions, une loi permettant de rembourser au Royaume-Uni et aux Pays-Bas plus de 5 milliards de dollars correspondant à une partie des pertes d'Icesave. Puis le 30 décembre 2009, le Parlement islandais adopta une version encore plus contraignante pour l’Islande.
C’en était fait de l’Islande, comme de la Grèce, de l‘Irlande, du Portugal ou de l’Espagne : les Islandais allaient devoir se serrer la ceinture pour réparer les folies de leurs banquiers !
Mais c’était sans compter sur la volonté de la petite population islandaise, moins nombreuse pourtant que celle de la ville de Nice. Le Président de la République Islandaise refusa de promulguer la loi et décida de la soumettre à un referendum qui eut lieu le 6 mars 2010 et qui rejeta, par 93,2% des votants, la loi de remboursement votée par le Parlement.
Avec une remarquable obstination à obtempérer aux ordres des financiers, le parlement islandais remit ça l'année suivante : il approuva un nouvel accord, plus souple, permettant d'étaler les remboursements entre 2016 et 2046. Mais le peuple islandais était aussi obstiné que son Parlement. Soumis à referendum le 9 avril 2011, le nouvel accord fut rejeté par encore 59,1 % des votants.
Mais la situation se débloqua bizarrement le 2 septembre 2011, lorsque la maison mère d’Icesave, Landsbanki, annonça qu'elle était finalement en mesure, grâce à la vente de ses actifs, de rembourser à terme les gouvernements britannique et néerlandais pour 8 milliards d'euros. C’était ce que Landsbanki affirmait pourtant depuis le début de la crise mais que les gouvernements britanniques et néerlandais, et l’UE qui les soutenaient mordicus, n’avaient pas voulu entendre pour obtenir encore plus et réduire à merci l’économie islandaise avant de l’intégrer à l’UE.
Fin de la crise financière islandaise, mais elle allait être suivie d’une crise politique.
Moralité de ce second épisode : ne laissez pas les banques et leurs affiliés, Parlements et hommes politiques adeptes des solutions de facilité, vous imposer les solutions qui les arrangent et qui, accessoirement, vous ruinent, n’est ce pas mes amis grecs ?
COMMENÇONS PAR VIRER TOUS LES MANAGERS!
L'ENTREPRISE OÙ TOUT LE MONDE EST MANAGER
Ce n’est pas un slogan révolutionnaire, mais le titre d’un article de Gary Hamel, qui dirige un cabinet de conseil en management à Chicago, dans la Harvard Business Review de décembre 2011. Il me permet de conclure la série de blogs que j’ai consacré à un management sans chefs et aux coopératives, qui, elles, manquent plutôt de capitaux.
Tout le monde sera d’accord pour convenir que les managers coutent chers, dans les entreprises privées et publiques. Une question lancinante est d’évaluer leur rapport coût efficacité et vous avez vu que dés le début de cette série de blogs, j’ai épousé le point de vue des anarchistes qui considèrent qu’une société sans chefs est souhaitable et possible.
Cependant le management sert à coordonner les multiples activités dans une organisation pour parvenir à générer un produit ou service. Peut-on se passer du management tout en atteignant des niveaux élevés de coordination dans l’organisation?
Il est difficile d’imaginer une entreprise où personne n’a de chefs et où chacun prend ses responsabilités pour réaliser les tâches qu’il a à accomplir. Une telle entreprise existe, Gary Hamel l’a rencontré, c’est Morning Star, un entreprise californienne qui est le plus grand transformateur de tomates dans le monde, traitant entre 25 et 30% des tomates transformées chaque année aux Etats Unis. La société a été fondée en 1970 pour effectuer du transport de tomates par Chris Rufer, qui était alors étudiant en MBA à l’UCLA et qui est toujours le président de la société.
Aujourd’hui, Morning Star dispose de trois usines qui transforment le fruit selon les recettes spécifiques de ses centaines de clients. Elle produit aussi des tomates en boite pour les supermarchés, une société de transport qui achemine annuellement plus de 2 millions de tonnes de tomates et une entreprise qui gère la récolte.
Morning Star a connu une forte croissance au cours de ce dernier quart de siècle, s’est financée sur ses fonds propres et se considère comme le transformateur de tomates le plus efficient du monde. Bref, ca roule pour Morning Star, qui a, c’est le sujet de ce blog, un management tout à fait particulier, en fait sans managers !
Morning Star part du principe qu’elle constitue une société dans laquelle tous les membres de l’équipe sont des professionnels en autogestion, communicant et coordonnant leurs activités avec leurs collègues, clients, fournisseurs en l’absence de directive venant des autres. Pour mettre ce principe en application il y faut des règles ; En voici quelques unes :
1. Chaque employé de Morning star est responsable de la définition de sa mission qui décrit la façon dont il contribuera à l’objectif de l’entreprise «produire des produits avec des tomates» et de services dont la qualité correspond aux attentes de la clientèle.
2. Chaque employé établit des accords annuels (des Colleague Letter of Outstanding ou CLOU) avec les personnes les plus concernées par son travail. Le CLOU est un plan d’exploitation pour remplir sa mission qui peut couvrir jusqu’à 30 domaines d’activité et qui explique clairement les indicateurs de performance pertinents. C’est le CLOU qui créé la structure, chaque personne à Morning star étant un entrepreneur dans un réseau d’engagements multilatéraux : « Ici personne n’est votre patron et tout le monde est votre patron ». De plus, les 23 Business Unit de Morning Star négocient également annuellement des accords client fournisseur entre elles, dans un processus CLOU semblable.
3. Chacun est autorisé directement à engager des dépenses : à Morning Star, il n’y a pas de service central d’achat ou de cadre supérieur qui doit valider les dépenses, n’importe qui peut émettre un ordre d’achat. L’autogestion s’étend aux décisions de dotation en personnel. Les collègues sont responsables d’initier un processus d’embauche quand ils se trouvent surchargés ou quand qu’il y a un nouveau rôle à pourvoir.
4. Personne n’est forcé à entrer dans une boite. À Morning Star, les rôles ne sont pas définis afin que les salariés aient la possibilité de prendre des responsabilités plus grandes quand ils développent leurs compétences et acquièrent de l’expérience et chacun a le droit de suggérer des améliorations dans tous les domaines, si bien qu’il y a beaucoup d’innovation spontanée.
5. En l’absence de hiérarchie et absence de titres, il n’y a aucune échelle de carrière pour s’élever à Morning Star, mais certains collègues sont reconnus comme étant plus compétents que d’autres, et ces différences se reflètent dans les niveaux de rémunération. Pour aller de l’avant, un employé doit maîtriser de nouvelles compétences ou découvrir de nouvelles façons de servir ses collègues.
6. La liberté, clé de la réussite, suppose des règles afin qu’elle ne soit pas antinomique avec la coordination de tous.
Elle suppose des objectifs clairs, des données transparentes. De plus, bien que les employés soient libres de dépenser l’argent de l’entreprise, ils doivent constituer un dossier qui comprend le retour sur investissement et le calcul de la valeur actuelle. Ils sont également tenus de consulter leurs collègues. Chez Morning Star, les collègues ont beaucoup d’autorité, mais prennent rarement des décisions unilatérales.
Bien d’autres règles sont présentées et analysées par Gary Hamel, dont je mets l’article en annexe de ce blog. Retenons que l'organisation mise en place dans Morning Star permet d’éviter un des grands inconvénients du management classique, des dirigeants nommés par le haut, où les postes clés vont à ceux qui sont les plus politiquement habiles et non les plus compétents.
C’est vrai dans les entreprises comme en politique. Il est réjouissant d’observer une entreprise qui a réparti le management entre tous et qui en a tiré profit…
L'ISLANDE
LA CARTOGRAPHIE DE L'ISLANDE
Loin de moi l’idée de faire de l’Islande un « modèle », mais simplement de rappeler à ceux qui prétendent détenir la « vérité » cette profonde pensée de Pascal : « vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà ».
En Europe, l’Euro et la domination des banques sont un fait acquis, « incontournable ». Toute objection à cet état de fait se heurte à la force de l’évidence qui se réfère à la mondialisation. Comment pourrions nous survivre dans la jungle de la mondialisation, soixante sept petit millions d’habitants isolés au milieu de sept milliards, un pour cent de la population mondiale, une goutte d’eau et les banques qui ne nous préteraient plus ! Ne songez à aucun changement, juste à des efforts et à des réformes d’ajustement…
Et l’Islande alors? 320000 habitants, une monnaie, un pays en pleine croissance qui s’est sorti seul contre tous de la crise financière, qui vient de refuser d’entrer dans l’Union Européenne et qui prépare une révolution bancaire ?
C’est un cas particulier, Monsieur, rien de plus.
Entendu, c’est un cas particulier qu’il convient donc de regarder de plus près, afin d’en percevoir quelles en sont les caractéristiques qui ne s’appliquent nulle part ailleurs.
L'Islande est une République, géographiquement plus proche de l’Amérique que de l’Europe à laquelle elle est rattachée culturellement et historiquement. Elle a une superficie de 103 000 km2 et une population d'environ 320 000 habitants, ce qui en fait le pays le moins densément peuplé d’Europe (3 habitants au km2 contre 110 en France). En outre, chacun sait que sa capitale est Reykjavik qui, avec 120000 habitants, rassemble plus du tiers de la population de l’île.
C’est une île de forte activité volcanique et au climat très tempéré grâce à un courant chaud malgré les glaciers qui couvrent 10% de sa superficie, puisque sa température moyenne oscille autour de l’année entre -30 C en hiver et +130 C en été. Rien à voir avec le Canada tout proche ! Ce qui surprend quand on visite l'ile, c'est la quasi absence d'arbres (encore que des efforts de reboisements sont en cours), des arbres détruits au cours de l'histoire par des incendies volontaires et par l'élevage des moutons.
L’île a été colonisée par un groupe de Norvégiens en 874. Elle est devenue indépendante du Danemark le 1er décembre 1918, puis elle est devenue une République le 17 juin 1944.
L'Islande a été occupée par les troupes anglaises et américaines pendant la guerre 1940-1945. Ensuite, elle a grandement bénéficié du Plan Marshall, elle s’est industrialisée et a connu une forte croissance économique. Elle s’est enfin internationalisée en 1994 en adhérent à l'Espace économique européen en 1994. Puis, dans les années 2003-2007, le secteur bancaire privatisé a fait de l’Islande une économie fondée sur les services financiers et les banques d'investissement. Elle devint alors l'un des pays comptablement les plus prospères du monde, son PIB par habitant atteignant en 2007 40000 euros par an, mias c'était une prospérité artificielle.
Cet aspect artificiel n'empéchait pas le premier Ministre de l’époque, Geir Haarde, d'affirmer : « Notre plus grande fierté, c'est d'avoir amélioré le niveau de vie général de la population : depuis 1994, le revenu disponible moyen des ménages, après impôts, a augmenté de 75 % ! ».
Or ce niveau de vie pharamineux était totalement dépendant du secteur bancaire islandais qui avait connu dans les années 2000 une croissance sans précédent avec une capitalisation qui représentait plus de 10 fois le PNB de l'Islande en 2003. Il s'était passé que les banques locales s’étaient lancées dans une politique d'endettement avec un effet de levier massif et qu'elles spéculaient sur des actifs de plus en plus risqués.
À ce titre, il est intéressant d’observer qu’un rapport du FMI notaot bien la taille « colossale » du secteur bancaire tout en estimant « que cela soit mis en évidence comme facteur important de vulnérabilité à traiter d’urgence. »! Beau témoignage de lucidité !
Bien au contraire, les rapports du FMI restaient très optimistes : « Les perspectives à moyen terme de l’Islande restent enviables. Des marchés ouverts et souples, des institutions saines… ont permis à l’Islande de tirer parti des possibilités offertes par la mondialisation. »
Puis d’un coup vint la crise qui n'était pas liée, comme en Grèce, au désordre des finances publiques, mais qui provenait comme en Irlande du système bancaire et du gonflement des bilans des banques locales. Apparemment, personne ne s'y attendait.
Vous voyez bien qu’au delà des spécificités islandaises, on peut déjà tirer quelques leçons moins locales, sur le risque bancaire ou sur la clairvoyance du FMI par exemple…
À SUIVRE
LE CROCODILE QUI VOULAIT CROQUER LE DOCTORANT
LES CAIMANS DE YAMOUSSOUKRO
Au printemps 1976, je savais ce qu’il me restait à faire. Logiquement, j’aurais dû m’y consacrer à cent pour cent. Mais les démons de la dispersion ne m’avaient pas quitté pour autant.
Il fallait m’investir dans l’Université du Troisiéme Age, qui marchait très fort. Naturellement, j’étais vivement sollicité pour la manager et je ne me voyais pas y renoncer au moment où elle connaissait un plein succès (voir mes blogs sur le sujet). J’imaginais de nouveaux programmes, j’organisais leur articulation, je donnais des interviews à la télévision régionale et jusqu’au journal Le Monde, je me faisais applaudir…
De plus, j’avais l’occasion unique de participer, après le Liban et la Syrie au congrès de l’Aupelf qui se tenait à Abidjan. C’était ma première incursion en Afrique : je me souviens encore de l’odeur de la forêt tropicale qui m’a aussitôt saisi et de la magnificence d’une ville d’Abidjan en plein boom, suffisamment active pour attirer des immigrants de tous les pays environnants. Nous sommes en plein « miracle ivoirien ».
Nous étions en mai 1976, dans un pays dirigé par Félix Houphouët-Boigny depuis l’indépendance en 1960 jusqu’en 1993, les congressistes se retrouvèrent à l’Hôtel Ivoire, une véritable ville avec ses jardins, ses piscines, ses restaurants et même, luxe suprême voire arrogant dans un pays tropical, sa patinoire.
Le pays était calme, les Ivoiriens sympathiquement directs et Houphouët ne reculait pas devant l’implantation d’une nouvelle capitale dans son village natal, à Yamoussoukro. Il y construisit un bel aéroport, un Institut Polytechnique et même une Basilique de béton et d’acier, Notre-Dame de la Paix, sur le plan de Saint-Pierre du Vatican. Notre congrès se déroulait à Abidjan et à Yamoussoukro avec une incursion dans le nord de la Cote d’Ivoire, à Korhogo.
De Yamoussoukro, je retiens la visite des incroyables immeubles construits au milieu de la jungle, le luxe décalé des fauteuils en cuir rouge de l’Hôtel Président (il ne pouvait s’appeler autrement) et surtout les crocodiles de la réserve qui peuplent le lac entourant le Palais Présidentiel. Avec les autres membres du congrès, dont Xavier Boisselier, je m’approchais du lac. Sur ses berges, une dizaine de crocodiles dormaient au soleil. Nous étions séparés d’eux de quelques dizaines de mètres et d’un mur d’une hauteur d’un mètre cinquante environ.
Pour faire le malin, je l’avoue, je descends sur la berge et je m’approche à une dizaine de mètres des sauriens. Mes collègues photographient la scène et je m’apprêtais à en faire de même pour le crocodile le plus proche lorsque je m’avisais que ce dernier commence à bouger dans ma direction. Je me retirais vivement, plus exactement je prenais mes jambes à mon cou. J’arrivais à temps au pied du mur (sinon je n’aurais pas eu le loisir d’écrire ce blog) suivi de prés par le crocodile qui se révéla plus véloce que moi et je sautais aussitôt sur le mur. Sauvé.
Cela n’a pas été le cas de tout le monde. Des années plus tard, le 20 aout 2012, dans des circonstances quasiment identiques, le gardien des crocodiles, pourtant expérimenté, Dicko Toké, s’est finalement fait dévorer par eux !
Mais pour ma part, l’aventure imprudente s’est bien terminée. Les spectateurs soulagés ont fini par éclater de rire, et je me souviens que Xavier Boisselier racontait encore l’anecdote des années plus tard. Après cet incident, nous sommes allés en petit avion jusqu’à Korhogo, aux frontières du Burkina Faso, avec ses usines d’égrenages de coton, ses unités de production de sucre à Ferkessédougou…et son eau minérale livrée par bateau et camion depuis Evian, à vingt fois le prix français !
Jamais je n’ai oublié la Côte d’Ivoire qui est restée le pays sub-saharien que je préfère, si bien que je suis très heureux que l’IAE de Nice, sur mon initiative et surtout grâce à l’action résolue de Mantiaba Coulibaly et du soutien de l’Université de Côte d’ivoire, vienne d’ouvrir un Master Marketing.
Avant cette incursion en Afrique, j’avais participé à d’intéressantes Journées nationales des I.A.E. de Bordeaux, fin avril 1976, où nous avions entendu les déclarations péremptoires de Raymond Barre, quatre mois avant qu’il ne devienne Premier Ministre de Valery Giscard d’Estaing qui le qualifia à l’occasion de « l’un des meilleurs économistes de France ». J’en profitais, avec mon camarade et ami, Jean-Jacques Desjardins, pour présenter une communication intitulée « Essai sur le choix optimal de la firme entre le marché interne et le marché d'exportation ». Ce fut par ailleurs un congrès mémorable à plusieurs égards. Jacques Lebraty nous fit savoir qu’il candidatait à la direction de l’IAE de Nice et les visites et les activités autour du congrès restèrent dans la mémoire de tous les participants, en tout cas de la mienne…
J’avais donc présenté une communication de plus, mais la thèse dans tout cela ? l’histoire de cette thèse désormais correctement définie mais toujours esquivée, se poursuivait…
L'EMPRISE DU CAPITAL SUR LES COOPÉRATIVES
LES CAISSES DESJARDINS AU QUÉBEC
Il existe d’autres coopératives que celles de consommation ou agricoles, comme celles de commerçants, de crédit ou les coopératives ouvrières de production.
Les coopératives de commerçants sont nées du désir d’offrir des enseignes communes pour fidéliser la clientèle et bénéficier de conditions plus intéressantes de la part des fournisseurs. Le problème majeur de ces structures est qu'elles acceptent des adhérents qui n'ont pas forcément les moyens ou les capacités de faire évoluer leurs propres magasins.
Les coopératives de crédit ont connu un développement très inégal d'un pays à l'autre, l’Allemagne, pays d'origine des caisses de crédit mutuel, rassemblant 3 000 coopératives de crédit et 11,4 millions de sociétaires. Mais les Caisses Desjardins constituent le premier employeur privé du Québec. En France, le Crédit agricole, comme le Crédit mutuel, restent des collecteurs importants de l'épargne populaire et disposent de ressources peu coûteuses. Contrairement au reste du mouvement coopératif, le problème principal des banques coopératives est non pas une insuffisance de fonds propres, mais le risque de banalisation.
Les sociétés coopératives ouvrières de production (S.C.O.P.) constituent la branche la plus symbolique du mouvement coopératif, mais sans doute la moins importante en chiffres, sauf en Italie et en Espagne. Si tous les indicateurs montrent que les S.C.O.P. bénéficient d’une active participation de leur personnel à la gestion, ces dernières ont tendance à disparaître par insuffisance des fonds propres, même si de petites entreprises choisissent ce statut dans les activités innovantes où la faible taille et le niveau élevé de qualification permettent plus facilement un fonctionnement « entre égaux ».
Ainsi, la prospérité du mouvement coopératif diffère avec les branches, les plus prospères étant celles où l'organisation coopérative apporte une valorisation du patrimoine personnel des adhérents, comme les coopératives de commerçants. Inversement, la croissance de la taille de l'outil de production, comme dans les coopératives de consommation ou de production obligent les adhérents, qui y rechignent, à financer l'expansion d'un outil dont ils ne tireront qu'un profit indirect et aléatoire. C’est alors que se développent des comportements de « passager clandestin » dans l’attente que d’autres fourniront les fonds nécessaires, au risque de voir des logiques contradictoires entrer en conflit, les intérêts des apporteurs extérieurs de capitaux entrer en conflit avec ceux des coopérateurs.
Si les coopératives n’ont pas rencontré le succès foudroyant qu’attendaient les contemporains de Robert Owen, ce n’est pas que le management collectivisé se soit révélé moins efficace que le management personnalisé, mais c’est plutôt que la nécessité d’investir en permanence dans l’entreprise ne rencontre pas l’intérêt à plus court terme du coopérateur, généralement peu fortuné, qui souhaite bénéficier rapidement des revenus générés par la coopérative. Ainsi la logique coopérative qui doit permettre à ses membres d’échapper à l’exploitation capitaliste subit-elle souvent une loi d’airain de l’entrepreneur : investir ou périr.
Le management des entreprises n’a t-il donc aucune importance, le montant des investissements assurant seul le succès ou l’échec ?
LE POLITIQUE CONTRE LE RELIGIEUX
LE PAPE PIE VII
Le Consulat est officiellement installé le 1er janvier 1800.
Les deux nouveaux consuls sont les deux extrémités d’un balancier politique qui oscille autour du Premier Consul. Ils sont en effet à l’opposé sur le plan politique : Cambacérès, régicide, a été député de la Convention et un spécialiste du droit. Lebrun est un partisan de la monarchie modérée et un spécialiste des finances.
Le Sénat, présidé par Sieyès, coopte les sénateurs et choisit les députés qui n’ont pu encore être élu, fautes de listes de notabilité établies. Le choix du Sénat se porte sur des députés de sensibilité révolutionnaire, qui sont plutôt opposés au Premier Consul.
Dès février 1800, Bonaparte s’est installé aux Tuileries. Il affiche immédiatement sa volonté de réconciliation nationale. En un mois et demi de nombreuses mesures d’apaisement sont prises :
- Le 13 novembre 1799 : Abrogation de la loi des otages.
- Le 23 novembre : suspension d’armes dans l’Ouest.
- Le 29 novembre : suspension des peines de déportation des prêtres réfractaires.
- Le 23 décembre : suppression de la célébration de l’exécution de Louis XVI.
- Le 25 décembre : abrogation des lois privant les parents d’émigrés des droits civiques.
- Le 26 décembre : les royalistes déportés après le 18 fructidor an V sont autorisés à rentrer en France.
- Le 28 décembre : l’amnistie est accordée aux insurgés de l’Ouest qui acceptent de déposer les armes.
- Le 30 décembre : les honneurs sont rendus à la dépouille de Pie VI, emprisonné à Valence.
Un Concordat est difficilement signé avec le Pape Pie VII, les objectifs de ce dernier étant radicalement différents de la démarche purement tactique de Bonaparte qui veut obtenir un accord avec les autorités catholiques, malgré la résistance des assemblées qui s’opposent au retour de la religion sur la scène publique.
Ce Concordat reconnaît le gouvernement consulaire. En contrepartie, le Pape obtient l’acceptation par l’État français de l’autorité spirituelle du pontife romain et de son droit à nommer les évêques, en accord toutefois avec l’État français. Vaguement déiste, Bonaparte convient que le catholicisme lui paraît efficace pour rendre la société plus cohérente puisque ce dernier prêche le respect de l’autorité. L’avantage du Concordat est aussi que le parti royaliste ne pourra plus mobiliser au service de sa cause les prêtres réfractaires et leurs fidèles.
La bataille diplomatique entre Pie VII et Bonaparte porte surtout sur deux articles qui concernent la condition de la religion catholique en France et la liberté du culte à l’extérieur des églises. Comme, pour les théologiens de l’Église la religion catholique devait être reconnue religion d’État, on trouva une formule qui permettait une reconnaissance de facto de la religion catholique, et non de jure, en utilisant l’expression : « religion de la majorité des Français ». En outre, à l’opposé du Directoire qui avait limité les cérémonies religieuses à l’intérieur des églises, les mêmes théologiens insistaient pour que la religion catholique s’exerçât au grand jour. On convint que le culte serait public, tout en se conformant aux règlements de police exigés par la tranquillité publique.
L’accord fut plus facile sur les nouvelles circonscriptions des diocèses, sur la nomination des évêques par le Premier consul avec la confirmation du Pape, sur le serment de fidélité des évêques et des curés au gouvernement et non à la Constitution, sur l’autorisation de recevoir des fondations et sur les prières officielles pour les Consuls.
Pie VII renonça de fait à la restitution des biens d’Église vendus comme biens nationaux, sans reconnaître de jure au pouvoir civil le droit d’en disposer : il s’engagea simplement à ne pas inquiéter les acquéreurs.
Les pourparlers entre Pie VII et Bonaparte s’éternisèrent, en raison de la volonté de ce dernier d’instrumentaliser l’Église en usant de rouerie et de menaces. Il ne faudra pas moins de neuf versions différentes (sic) pour que le Concordat soit symboliquement signé le 14 juillet 1801, et difficilement ratifié par les deux parties.
Bonaparte usa d’une dernière fourberie lorsqu’il promulgua le Concordat le 8 avril 1802, après la paix d’Amiens en y rajoutant de son propre chef les Articles Organiques qui rendaient l’Église de France étroitement dépendante de l’État, malgré les protestations de Pie VII contre cette adjonction unilatérale.