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Le blog d'André Boyer

LE MONDE POST-MODERNE DES ÉTATS-UNIS

31 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

SHANGHAÏ

SHANGHAÏ

 

Les Etats-Unis prétendent disposer d’une supériorité morale sur tous les autres pays du monde, provenant de la supposée supériorité de leur modèle de société qu’ils se croient autorisés  à imposer au monde. 

 

Leur problème, le notre par conséquent, est qu’ils ont modifié le modèle de société qu’ils proposent, un modèle moins attractif du point de vue social que le précédent.

Le projet du modernisme consistait à inclure toutes les personnes dans une société, par le truchement d’un contrat social fondé sur la citoyenneté qui comprenait non seulement des droits légaux et politiques mais aussi des droits sociaux tels que l’emploi, un minimum de revenus, l’éducation, la santé ou le logement. La société moderne était une société inclusive.

Le passage de la modernité à la postmodernité, voulu, conçu et imposé par les Etats-Unis a entrainé un mouvement inverse qui vise à fabriquer une société exclusive, par la transformation du marché du travail. Cette inversion a créé une société instable et provoqué la montée de l’individualisme.

En effet, le modernisme, dans son acception économique qu’est le Fordisme*, impliquait une production de masse avec un marché du travail de plein emploi et des situations professionnelles sûres. La croissance continue de la consommation constituait tout à la fois le marqueur du succès individuel et du progrès économique de la société.

Or l’économie postfordiste d’aujourd’hui conduit à la contraction quantitative du marché du travail, qui fait émerger une classe de personnes sans emploi, ou ne disposant que d'emplois partiels et provisoires. En réaction à ce marché du travail déstabilisé, monte un individualisme demandeur de plus de citoyenneté et d’égalité, qui cherche à résister à la montée d’un système méritocratique calqué sur le modèle américain de société. Ce système provoque en effet l’accroissement des inégalités** et engendre un sentiment de frustration chez les plus pauvres et un sentiment d’anxiété chez les personnes mieux loties.

Or, un tel système de société est instable***, puisque « travailler dur » n’est plus justifié par la sécurité de l’emploi et que  la culture de l’individualisme s’impose pour affronter la précarité économique et le sentiment croissant de frustration qu’il entraine.

Emerge alors une société pluraliste engendré par le déficit d’objectif personnel provoqué par une demande de travail de plus en plus aléatoire. Se pose en effet la question lancinante de la capacité de l’individu à s’insérer dans une société qui est de moins en  moins disposée à rémunérer ses services. 

Ce pluralisme provoque le questionnement permanent des croyances établies et une perpétuelle confrontation avec une diversité de croyances et de mondes. Une telle situation créé une insécurité individuelle de l’être, dont les systèmes de protection sont affaiblis et dont le sens de la normalité est désorienté par le relativisme des valeurs qui l’entourent.

Ainsi l’exclusion sociale produit une crise d’identité, qui en retour génère des groupes refuges. L’illustre la propension actuelle des élites à diffuser ce que l’on appelle la « pensée unique » ou le « politically correct », qui implique une faible tolérance aux pensées déviantes, une obsession du comportement comme du « parler » correct et la tentation d’une politique fondée sur des principes moraux.

Il est logique en effet qu’une société exclusive provoque des tensions internes croissantes en son sein et corrélativement des tentatives pour réduire ces tensions, ce que révèle clairement un indicateur tel que celui de la criminalité. En effet, en France, le taux de criminalité, à savoir le rapport entre le nombre de crimes et de délits constatés par les policiers et les gendarmes et la population observée, est passé de 14,06 pour mille habitants en 1949 à 54,64 en 2012.

 

En imaginant, en voulant et en impulsant la mondialisation, les Etats-Unis ont imposé dans le cadre global un modèle post-fordiste, correspondant à leur vision de la société. Ce faisant, ils proposent au monde d’adopter leurs conceptions très particulières de la communauté et de la solidarité.

 

* Sur le post fordisme, voir Boyer R., Durand J.P. (1998), L'après-fordisme, Paris, Syros.

** Sur les inégalités, voir Piketty T. (2013), Le Capital au XXIe siècle, Le Seuil.

*** Sur l’instabilité des sociétés post-modernes, voir Giddens A. (2000), Les conséquences de la modernité, L’Harmattan.

 

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LES RÉACTEURS À NEUTRONS RAPIDES

27 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES RÉACTEURS À NEUTRONS RAPIDES

L’ensemble de ces réacteurs est destiné à être remplacés, dans quelques dizaines d’années, par des réacteurs à neutrons rapides (R.N.R), qui n’ont jusqu’ici été construits que sous forme de prototypes refroidis au sodium.

 

Ces réacteurs utilisent l'uranium de manière plus complète que les réacteurs pressurisés à eau, grâce à la surgénération. Ils permettront de faire face à la prévisible pénurie de l'uranium, alors que, depuis l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, le prix de l’uranium n’a cessé de baisser, empêchant toute nouvelle exploration.

Cependant le développement des capacités de production au niveau mondial n’a jamais été aussi important puisque 59 réacteurs sont en cours de construction dans 14 pays, la construction de 164 réacteurs est planifiée et plus de 350 projets sont actuellement dans les cartons. Les réserves actuelles permettent de répondre à la demande pendant 25 ans, mais si les prix de l’uranium, actuellement de l’ordre de 50 à 70$ le kg pour une demande mondiale d’environ 70000 tonnes, s’accroissent, la recherche reprendra et de nouvelles réserves devraient être mises à jour.  

Les réacteurs à neutrons rapides sont conçus pour faire face à la future pénurie d’uranium, en utilisant le plutonium produit par les réacteurs à eau actuels comme matériau fissile et l'uranium appauvri, sous-produit des usines d'enrichissement en uranium 235, comme matériau fertile. On estime que les matières nucléaires produites par le fonctionnement d'un réacteur à eau sur les 60 ans de sa durée de sa vie doivent permettre d'exploiter des réacteurs à neutrons rapides d'une puissance équivalente pendant 5 000 ans !  

Les réacteurs à neutrons rapides, qui se distinguent des précédents par l'absence de modérateur, ne fonctionnent qu'avec un combustible dont la teneur en matière fissile est supérieure à 15%. La faiblesse des captures parasites et le meilleur rendement en neutrons du plutonium 239 permettent à ces réacteurs d'être surgénérateurs avec le cycle uranium 238-plutonium 239.

Ainsi, alors que les réacteurs des autres filières ne tirent principalement leur énergie que de l'uranium 235 avec un appoint du plutonium formé in situ, les surgénérateurs, en transformant progressivement avec un meilleur rendement l'uranium 238 en plutonium, sont susceptibles de consommer l'uranium en totalité. Or l'uranium naturel contient 99,2745% d’uranium 238 et 0,720% d’uranium 235 !

Aussi un réacteur à neutrons rapides multiplie t-il le potentiel énergétique de l'uranium, comparé à un réacteur à neutrons thermiques, par un facteur compris entre 50 et 100, selon les effets parasites qu’il subit, ce qui permettrait de couvrir les besoins énergétiques de l’humanité pendant plusieurs siècles.

Si la capacité des réacteurs à neutrons rapides est connue depuis le  début de l'époque nucléaire, le développement industriel de ces réacteurs s’est révélé plus complexe que celui des réacteurs à eau. Les États-Unis, l'U.R.S.S, la Grande-Bretagne et la France, suivis  par l'Allemagne, le Japon, l'Italie, l'Inde, et plus récemment par la Chine ont chacun tenté de maitriser la technique de ces réacteurs.

 

Le cas du développement et de l’arrêt de Superphenix en France est révélateur des difficultés non seulement techniques, mais aussi politiques et stratégiques qu’entraine la mise en service d’un réacteur à neutrons rapides.

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POUR MAMADOU DIALLO

22 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

POUR MAMADOU DIALLO

Notre vie ordinaire était parsemée d’évènements plus mineurs, tels que de fréquentes réceptions entre amis.

 

Les Français installés à l’étranger reprochent toujours aux Français de France de fort peu recevoir, mais ces réceptions entre amis au Sénégal s’imposaient du fait que nous avions fort peu de distractions et elles étaient d’autant plus aisées que nous avions tous embauchés un boy ou une fatou. S’y opposaient cependant certains de nos collègues qui considéraient qu’employer du personnel local était un acte typiquement colonialiste, auquel nous répondions, un peu hypocritement, que c’était une bonne action qui rendait service à l’embauché(e) et au Sénégal.

Un peu hypocritement, car la vérité était que nous étions bien heureux de disposer d’un employé toute la journée pour une somme modique, un luxe inouï que nous ne pouvions nous offrir qu'en Afrique. Nous nous passions les employés au rythme des départs et des arrivées, évitant de réduire au chômage un boy ou une fatou qui venait de passer plusieurs années au service d'une famille de coopérants. Certains de ces derniers continuaient à aider pendant des années des employés qu’ils avaient « abandonné » à Dakar, souvent parce qu’ils étaient trop âgés pour trouver un nouvel emploi.

Pour notre part, nous avions hérité d’un boy, Mamadou Diallo, originaire de Guinée, sans doute proche de la soixantaine, qui se chargeait à merveille de la cuisine, du ménage et du linge. C'était  un homme réservé, qui vivait seul à Dakar et qui avait son caractère. Il n’eut pas trop de travail à faire, en raison du retour rapide de mon épouse vers la France pour préparer le concours d’agrégation et de mes nombreux déplacements. Il aimait d’ailleurs modérément être commandé par une femme…

Je me souviens aussi de son agacement lorsque je décidais pendant une semaine de faire le Ramadan, qui tombait cette année là au mois de juillet, afin de vérifier les assertions de mes étudiants qui l’invoquaient pour justifier leur incapacité à réviser les examens. Je me levais vers 5 heures du matin pour déjeuner avant le lever du soleil et je m’abstenais de boire et de manger pendant la journée, sans respecter toutefois l’interdiction d’avaler la salive comme le recommandaient les Sénégalais les plus fervents.

À mon grand étonnement, malgré la chaleur, je ne souffrais pas de la soif, mais j’avais deux « coups de pompe » vers 11 heures et 15 heures. Il paraît que cette abstention d’avaler du liquide pendant toute la journée est particulièrement préjudiciable pour les reins. Le soleil se couchait vers 19 heures et souvent, malgré le jeune, je jouais au tennis à ce moment là, ce qui me faisait arriver à la maison vers 20 heures pour diner. Or Mamadou devait attendre de me servir ce diner avant d'aller lui-même festoyer avec ses copains ce qui faisait que ma fantaisie de respecter le Ramadan le retardait d’une bonne heure, d’où ses reproches à l’égard de mes simagrées.

Quand nous quittâmes le Sénégal au bout de trois ans, je le recommandais à mon successeur, un professeur en Sciences de Gestion particulièrement économe, puisqu'il vint m’acheter les couverts au prix d’un centime l’unité, qu'il reprit ma vieille voiture pour rien et qu'il prétendit contraindre Mamadou à effectuer les achats de son ménage sur les marchés africains.

Mais ce dernier n’avait pas l’habitude d’acheter de la viande et des légumes de seconde catégorie. Il se sentit dévalorisé, presque insulté et il quitta rapidement ce patron trop prés de ses sous.

 

Je me rappelle qu'après mon retour en France, il m’écrivit une fois, je lui fis parvenir quelque secours par un ami, puis que je n’eus plus jamais de ses nouvelles…

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QUÉBEC SE PRÉPARE AU SIÈGE

19 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

QUÉBEC SE PRÉPARE AU SIÈGE

 

Alors que Montcalm ait été chargé de défendre la Nouvelle-France malgré son défaitisme affiché, la ville de Québec se prépare au siège qui commence le 26 juin 1759 et qui durera tout l’été, jusqu’à la capitulation de la ville le 18 septembre 1759.

 

La campagne de 1758 a permis aux Anglais de prendre la forteresse de Louisbourg et l’Ile Royale, ce qui leur ouvre l’accès au Saint-Laurent jusqu’à Québec. 

En 1759, trois attaques simultanées sont programmées par l’armée britannique commandée par l’ignoble général Jeffery Amherst, l’homme qui donna l’ordre de remettre aux Indiens des couvertures infectées par la variole.

Au centre, il s’agit de s’avancer jusqu'à Montréal  via le Lac Champlain, mais l’on a vu que l’opération va échouer (1759, la Nouvelle-France en peau de chagrin). À l’ouest, le brigadier général John Prideaux doit monter une attaque contre le Fort Niagara, attaque qui réussira (Le siège de Fort Niagara et la suite) et à l’est la flotte britannique, commandée par le vice-amiral Charles Saunders doit s’avancer dans le fleuve Saint-Laurent jusqu'à Québec pour y faire débarquer une force terrestre et faire le siège de la ville. James Wolfe, promu au grade de major-général, est chargé de conduire le siége. 

On a vu que la trêve imposée par l’hiver a été mise à profit par les défenseurs de la Nouvelle-France pour alerter le gouvernement français de l’extrême péril dans lequel se trouve la colonie d’être submergée par les troupes anglaises. Or, en donnant tous les pouvoirs à Montcalm, le gouvernement reconnaît implicitement que, sauf miracle, la partie est perdue, ce qui le dispense d’envoyer des renforts conséquents.  

Du coup, les renforts dépêchés par Versailles restent faibles, 400 soldats,  40 canonniers et ingénieurs  et quatre navires de munitions qui parviennent à atteindre Québec, car la British Navy ne parvient toujours pas, au printemps 1759, à assurer le blocus du Saint-Laurent et l'amiral Philip Durell est incapable de faire sortir sa flotte de dix vaisseaux de guerre et de trois transports de troupes du port d’Halifax avant le 5 mai.

Les Français en profitent. Une flotte de seize navires français atteint Québec le 16 mai et d'autres convois arrivent au cours des jours qui suivent, dont un navire de 430 tonneaux, La Chézine, qui transporte Bougainville, de retour de la Cour de France.

Six jours plus tard, Montcalm rallie Québec : ayant appris qu’une expédition anglaise se préparait contre la ville par le Saint-Laurent, il commence à diriger les travaux nécessaires à sa défense.  

Il faut se souvenir que Québec, qui domine de son promontoire le fleuve Saint Laurent au lieu où il se resserre, a l’habitude de devoir se défendre : Il a déjà été capturé par les frères Kirke en 1629 et rendu à la France en 1632, attaqué le 16 octobre 1690 par William Phips avec une flotte d’une trentaine de navires et plus de deux mille hommes. C’est à cette occasion que le gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, répondit au messager de Phips venu le sommer de rendre la ville: «Je nay point de reponse a faire a vostre general que par la bouche de mes canons et a coups de fuzil...». Les troupes de Phips furent repoussées, perdant un millier d’hommes par le combat et la maladie.

Québec constitue en effet la clé de voute de la Nouvelle-France. Sa position géographique permet de contrôler la colonie, avec son promontoire et sa falaise abrupte face au fleuve qui en font une forteresse naturelle. Stratégiquement, l’étroitesse du fleuve devant Québec permet de contrôler la navigation, tandis que la baie de Beauport offre un havre aux navires. De plus, la ville  étant située au point de pénétration intérieure le plus avancé sur le Saint-Laurent, les navires qui proviennent d’Europe s’y arrêtent.

Québec compte 8000 habitants, une population importante à l’échelle de l’Amérique du XVIIIe siècle. Les villages, les champs et les pâturages entourent une ville fortifiée, unique en Amérique du Nord, dotée d’une architecture monumentale, de riches maisons mais aussi de rues boueuses et insalubres bordées de bicoques. Son port fait partie d’un réseau d’échanges commerciaux entre la France, les Antilles, l’Acadie et Terre-Neuve, les navires exportant fourrures et bois tandis qu’ils importent des produits européens et antillais. Les habitants des environs viennent s'y procurer des marchandises de France et vendre leurs surplus agricoles et de bois de chauffage aux deux marchés de la ville.

 

Dès le 24 mai, quelques 300 marins s’affairent donc à creuser des retranchements sur la rive droite de la rivière St-Charles de son embouchure jusqu'à une lieue au  nord tandis que le général Wolfe arrive avec deux mille canons destinés à détruire cette belle ville établie depuis un siècle et demi, afin que les Britanniques puissent enfin régner sans partage sur l’Amérique du Nord et à leur suite les Américains sur le monde…

C’est pourquoi la bataille de Québec est un tournant majeur de l’histoire.

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LES ÉTATS-UNIS, UN PAYS EXCEPTIONNEL

15 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LES ÉTATS-UNIS, UN PAYS EXCEPTIONNEL

Alors que l’influence des Etats-Unis dans le monde est en perte de vitesse, Mike Pompeo, le futur chef de la diplomatie étasunienne a fait une éclatante démonstration du sentiment d'exceptionnalisme qui règne envers et contre tout à Washington, lors de son audition au Congrès, le 12 avril 2018.

 

Pour ce dernier en effet, les Etats-Unis ont une supériorité morale sur le reste du monde, ce qui est une idée ancienne puisqu’elle remonte à la publication du pamphlet de Thomas Paine, Commun sense, le 10 janvier 1776.

C’est aussi un point de vue qui a toujours été contesté.

À titre d’exemple, dans un article datant de 1951, l’excellent historien Jacques Duroselle, analysant la politique étrangère des Etats-Unis, observait que les scientifiques étasuniens se posaient la question de savoir si la politique étrangère des Etats-Unis devait être inspirée par des considérations idéalistes ou par le sens de l’intérêt national dégagé de toute considération morale.

Il concluait son article* en citant George Frost Kennan, le père du concept du concept de containment pendant la guerre froide, qui écrivait ceci :  « Nous aurons, dit-il, la modestie d’admettre que notre propre intérêt national est tout ce que nous sommes réellement capables de connaître et de comprendre et le courage de reconnaître que si nos objectifs et nos entreprises particuliers ne sont pas abêtis par l’arrogance ou l’hostilité à l’égard d’un autre peuple ou par l’illusion de notre supériorité, alors la poursuite de notre intérêt national nous conduira infailliblement vers la réalisation d’un monde meilleur. »

C’est la même modestie et le même courage qu’il faut souhaiter à Mike Pompeo pour conduire la politique étasunienne, encore que je me place du point de vue des non étasuniens dont je suis et qui représentent 95% de la population mondiale.

De ce dernier point de vue, il semble avéré que les Etats-Unis veulent a minima dominer le monde, voire le façonner à leur avantage. S’il est vraiment nécessaire de démontrer cette évidence, voici quelques « faits » :

  • Avec 622 milliards de dollars de dépenses militaires en 2018, que le Président Trump souhaite accroitre encore de 84 milliards de dollars supplémentaires pour répondre aux menaces d’un monde « dangereux », le budget militaire étasunien représente 40% des dépenses militaires mondiales. En outre, deux cent mille hommes sont installés dans plus de 800 bases réparties sur tous les continents.
  • Au plan juridique, d’une part les Etats-Unis prétendent imposer leurs lois au reste du monde, comme le montre leur volonté d’interdire à tout pays tiers de commercer avec l’Iran, du moment qu’ils ont décidé que pour leur part, ils ne commerceraient pas avec ce pays ; d’autre part ils ont choisi de s’affranchir de nombre de contraintes juridiques internationales comme le montre leur refus de ratifier la Cour Pénale Internationale (CPI), la sortie du Pacte mondial sur l’environnement ou les agressions qu’ils se permettent de mener en dehors des règles de l’ONU, comme celles de l’Irak.
  • Il s’y ajoute, sans entrer dans les détails, les autres actions destinées à contrôler le monde, telles que l’utilisation du dollar à des fins de domination financière ou économique, l’utilisation systématique du soft power ou l’énorme effort de renseignement.  

Inutile donc de s’étendre sur la volonté et les moyens de domination, tant il s’agit d’un fait avéré que chacun peut observer quotidiennement au travers des actualités, de sa vie quotidienne et de l’histoire. C’est ce que l’on appelle en termes diplomatiques l’unilatéralisme étasunien, qui ne date pas de Donald Trump mais qui prend avec lui une forme abrupte.

 

Il s’agit  plutôt ici de s’interroger sur la question de savoir si les Etats-Unis évoquent à raison une supériorité morale sur le reste du monde, en d’autres termes de juger du bien fondé de leur volonté de domination du monde, vu par les non-étasuniens

 

*Duroselle Jean-Baptiste (1952), La politique étrangère des Etats-Unis, Revue française de science politique, 2 année, n°3. pp. 610-617.

 

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S'ÉVADER DE DAKAR

12 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

S'ÉVADER DE DAKAR

Si certains s’aventuraient  jusqu’au plus profond du Sénégal, à Tambacounda ou dans le Parc National du Niokolo-Kobo, la plupart d’entre nous se contentaient, en dehors de la toute proche Petite Côte, d’aller soit vers le nord soit vers le sud.

 

Vers le nord, la destination privilégiée était naturellement Saint-Louis dont la colonisation remontait à 1659, capitale politique de l’Afrique Occidentale Française jusqu’en 1902, puis capitale politique du Sénégal et de la Mauritanie avant d’être détrônée par Dakar pour le premier et par Nouakchott pour la seconde.

Ville déclassée, nostalgique, arborant quelques beaux restes à côté de ruines pathétiques mais toujours hantée par le passage de Mermoz à l’hôtel de la Poste et par le grand vent du large.

Vers le sud, la Casamance nous tendait les bras, non sans nous contraindre à un voyage plein d’obstacles. Il fallait en effet traverser la Gambie* à deux titres, tout d’abord le fleuve Gambie, ce qui supposait de prendre un bac, donc d’acheter un billet et de s’agréger à une longue file d’attente surtout si le bac était en panne, ce qui lui arrivait quasiment chaque jour. On pouvait aussi choisir de doubler toute la file d'attente en versant un bakchich à un énorme sergent qui mettait votre obole dans un portefeuille débordant de billets sous les protestations justement indignées des automobilistes pauvres, qui venaient d’attendre dans la file trois ou quatre heures pour voir les riches leur passer devant.  

Puis il fallait se présenter à la douane gambienne et attendre que sortent nonchalamment du poste des  agents équipés d'uniformes approximativement britanniques, qui venaient encaisser les droits engendrés par de supposées heures supplémentaires. Naturellement, quelle que soit l’heure, c’était toujours le temps des heures supplémentaires.

Un jour, revenant de Ziguinchor vers Dakar, je n’attendis que quelques minutes avant de laisser derrière moi les pauvres douaniers et leurs heures supplémentaires.

Je les sous estimais.

Arrivé au bord de la Gambie, je fus rattrapé par des Sénégalais, curieux défenseurs des intérêts des douaniers gambiens, qui m’incitèrent énergiquement à faire demi tour pour aller payer les « heures supplémentaires », faute de quoi il m’en cuirait.

Je me dégonflais et retournais au poste de douane gambien. M’y attendait un lieutenant menaçant, cambré d’indignation feinte et sanglé dans un uniforme étincelant.

Il m’apostropha par une phrase terrible : « You have insulted the people of Gambia » qui ne laissait que fort peu de place à l’indulgence. Il poursuivit, en anglais naturellement, en prétendant me conduire jusqu’à la capitale de la Gambie, Banjul, qui se trouvait à 145 kilomètres de là, soit trois heures de route, afin que je m’explique sur mon inconduite. C’était une perspective effrayante que nous parvinrent, lui et moi, à éviter par l’entremise d’un versement « d’heures supplémentaires » doublé, 20 euros environ au lieu de 10. L’insulte était lavée et je repartis penaud vers Dakar.

Toutes ces étapes palpitantes décourageaient quelque peu d'effectuer le trajet Dakar Ziguinchor, 440 kilomètres sur la N4, agrémenté par la traversée de la fournaise de Kaolack, le bac et les douaniers. Il y fallait une grosse journée et arriver de nuit à Ziguinchor était une idée moyenne, compte tenu du trafic intense aux abords de la ville d’hommes et d’animaux faiblement dotés de catadioptres ou de fanaux.

Ziguinchor était une jolie ville de cent mille habitants environ à l'époque, moins nordiste que Dakar, vivant de l’arachide et des crevettes. La région étant principalement peuplée par les Diolas, l’ambiance de la Casamance était toute différente de celle de Dakar. Je me souviens du radiateur de la voiture réparé avec dextérité et amabilité, des ombrages des fromagers sous lesquels chacun trouvait le repos, surtout les Diolas de sexe masculin qui laissaient leurs femmes faire tout le reste, des travaux ménagers à la culture traditionnelle du riz (voir mon billet Témoignage en Casamance, http://andreboyer.over-blog.com/article-29503593.html).

En se dirigeant vers l'Atlantique, à une cinquantaine de kilomètres de Ziguinchor, la forêt débouchait sur la magnifique côte de Cap Skirring, où, au détour d’une crique, des voiliers  se blottissaient avant de s'élancer au travers de l’Atlantique. Cap Skirring fut pour nous le but d’une escapade en groupe, organisée avec les proches de Landing Savané, un chef de parti casamançais (voir mon billet Quelques complexités sénégalaises, http://andreboyer.over-blog.com/2018/03/quelques-complexites-senegalaises.html), au cours de laquelle nous dormirent sur la plage, à la belle étoile.

 

C’est alors que nous nous évadions loin de Dakar, qu’un autre monde se recomposait au bord de l’océan, le temps de la magie d’une nuit où le ciel, l’eau et la forêt complotaient pour que nous ne sachions plus démêler rêves et réalité. 

 

* Il y aurait beaucoup à écrire sur la Gambie, mais ce sera pour une autre fois.

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LES NOUVEAUX RÉACTEURS PRESSURISÉS À EAU

7 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE SITE DE FLAMANVILLE

LE SITE DE FLAMANVILLE

 

Si ces réacteurs ont des rendements assez faibles, ils ont néanmoins connu des perfectionnements continus.

 

Les réacteurs actuellement en exploitation sont dits de deuxième génération, tandis que les réacteurs à eau en cours de commercialisation, dits de troisième génération, sont une version optimisée des filières de réacteurs à eau sur les plans de la sûreté et de l'économie.

Ainsi le réacteur pressurisé européen E.P.R. (European Pressurized Reactor, devenu Evolutionary Power Reactor lorsque Siemens s'est retiré du projet, puis tout simplement "EPR") destiné à renouveler le parc français à partir de 2020, est conçu pour produire un peu plus de 1 600 MWe au lieu de 1 500 MWe pour les réacteurs actuels les plus performants (les réacteurs de Chooz et Civaux), avec 17% de combustible en moins et une durée de vie de 60 ans.

De plus, le risque d'accident grave susceptible d'endommager le cœur est réduit, le confinement est renforcé pour éliminer les conséquences d'accidents hors du site de la centrale et pour améliorer la résistance aux agressions externes, tels qu’un séisme, une chute d'avion ou un attentat. Enfin la radioprotection du site est accrue.

Les premières unités de l'E.P.R. ont cependant connu des difficultés de construction, notamment en raison des risques de rupture dans les situations extrêmes de l’acier qui constitue le circuit primaire, retardant leur mise en service. L'EPR de Flamanville pourrait diverger en 2018 et sa mise en service commercial interviendra ultérieurement, par conséquent avec plus de six ans de retard. Il aura couté 10,5 milliards d’Euros au lieu des 3,6 milliards annoncés à l’origine, mais les constructions suivantes bénéficieront de l’expérience acquise. 

De leur côté, les réacteurs à eau bouillante (R.E.B.) sont utilisés dans certaines centrales nucléaires électrogènes américaines, japonaises, allemandes, suédoises, finlandaises, russes, et suisses. 

Ils présentent l'avantage d'une pression de l'eau réduite dans le circuit primaire. Par rapport aux réacteurs R.E.P., le flux de chaleur extrait est moins élevé et la puissance spécifique réduite d'un tiers. Le système de production de vapeur est simplifié mais, en revanche, la chimie de l'eau doit minimiser la corrosion pour réduire au minimum l'entraînement de produits radioactifs susceptibles de contaminer la turbine et de gêner son entretien. Leur fonctionnement est suffisamment satisfaisant pour qu’une troisième génération de réacteurs à eau bouillante soit en cours de commercialisation.

Il subsiste enfin en Russie et en Lituanie seize réacteurs à eau bouillante modérés au graphite du type R.B.M.K. dont la conception a été améliorée après l'accident grave survenu en avril 1986 sur un réacteur de cette filière à la centrale de Tchernobyl en Ukraine..

Aujourd’hui le développement des capacités de production de l’énergie nucléaire au niveau mondial n’a jamais été aussi important, puisque 59 réacteurs sont en cours de construction dans 14 pays, 164 réacteurs sont planifiés pour être construits dans le futur et que plus de 350 projets sont actuellement dans les cartons.

Les réserves actuelles doivent permettre de répondre à la demande pendant 25 ans, mais si les prix de l’uranium augmentent, actuellement de l’ordre de 50 à 70$ le kg pour une demande mondiale d’environ 70000 tonnes, de nouvelles réserves seront mises à jour.  

 

En outre, l’ensemble de ces réacteurs est destiné à être remplacé, dans quelques dizaines d’années, par des réacteurs à neutrons rapides (R.N.R), qui n’ont jusqu’ici été construits que sous forme de prototypes refroidis au sodium. 

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LE TRIOMPHE DU DÉFAITISTE MONTCALM

3 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

BOUGAINVILLE, L'INTERCESSEUR

BOUGAINVILLE, L'INTERCESSEUR

 

En août et septembre 1758, Montcalm et Vaudreuil s’opposèrent violemment sur le moyen de faire face à l’attaque anglaise à venir.  

 

Montcalm professait un défaitisme absolu. Il était arrivé au Canada convaincu que la colonie était indéfendable.  Pour lui, il ne s’agissait que de retarder l’issue fatale aussi longtemps que possible, pour l’honneur des armes !

À l’appui de son argumentation, il soutenait que les Anglais pouvaient mettre 50 000 hommes en campagne, sans compter ceux qui étaient à Louisbourg, tandis que le Canada ne pouvait opposer que 7 400 hommes des troupes régulières et de la milice. Mais ces chiffres étaient inexacts. Les Anglais disposaient de 23 000 troupes régulières en Amérique, auxquels s’ajoutaient des troupes provinciales et une milice, toutes deux de valeur militaire douteuse.

Côté français, Montcalm sous-estimait lourdement les effectifs et l’efficacité de la milice canadienne. Aussi, les forces en présence n’étaient pas aussi déséquilibrées que Montcalm le prétendait et que l’histoire l’a retenu, mais ces chiffres permettaient à Montcalm de soutenir que seule une paix conclue avant que les Anglais ne déclenchent leur triple offensive pouvait éviter la défaite. À moins que la France n’envoie des milliers de soldats supplémentaires, ce qui était impossible du fait de la faiblesse relative de la marine française par rapport à la marine britannique.

En résumé, le général en chef considérait la défaite inéluctable et déconseillait d’envoyer des renforts !

Au début de l’automne de 1758, tout en prétendant qu’il souhaitait être rapidement rappelé en France, Montcalm soumit à Vaudreuil des plans pour la défense de la colonie contre les assauts prévus, qui consistaient à se replier sur tous les fronts : il demandait l’abandon de la vallée de l’Ohio et des avant-postes sur les lacs Ontario et Champlain, la cessation de la petite guerre aux frontières des colonies anglaises et l’intégration de 3 000 miliciens canadiens dans les troupes régulières. Il fallait livrer la guerre selon le mode européen et non canadien, ce qui était son leitmotiv et concentrer toutes les forces de la colonie pour la défense intérieure sur le Saint-Laurent et sur le fleuve Richelieu.

Naturellement, Vaudreuil rejeta les recommandations de Montcalm. 

Il refusa d’abandonner les fronts excentriques, affirmant qu’il fallait que l’ennemi se batte pour chaque pouce de terrain et qu’il s’épuise avant d’arriver au cœur de la colonie. Puis, afin de convaincre le gouvernement français du bien fondé de sa politique, il  dépêcha à la cour un officier canadien, le major Michel-Jean-Hugues Péan, tandis que Montcalm, pour ruiner la position de Vaudreuil, obtenait que Bougainville et Doreil se rendent en même temps que Péan à la Cour afin d’exposer  ses propres vues sur la situation de la Nouvelle-France.

Pour faire sentir au ministre de la Marine l’urgence de la situation, Vaudreuil la dépeignit sous de sombres couleurs. Bougainville s'empressa d'en rajouter en la qualifiant de désespérée.

Dans deux mémoires, il exprima l’opinion de Montcalm selon laquelle le Canada était indéfendable en raison de la supériorité quantitative des troupes anglaises. De plus, aucune des places fortes n’était défendable, Québec moins que toute autre, ce qui rendait futile l’envoi de renforts au Canada qui seraient de toutes manières interceptées par la Royal Navy. Cette dernière affirmation était également fausse : depuis le début de la guerre, tous les convois de ravitaillement avaient échappé aux Anglais  et rallié Québec.

Enfin Bougainville soutenait la position de son chef Montcalm consistant à abandonner les avant-postes pour concentrer les forces disponibles à l’intérieur de la colonie afin de retarder le plus possible l’inéluctable défaite. Il sollicitait même le Ministère de la Marine pour qu'il lui remette par anticipation des instructions relatives à la future capitulation des troupes françaises !

Or, le gouvernement français plaçait (à tort, l'histoire l'a montré) ses espoirs dans un projet d’invasion de l’Angleterre. Il décida par conséquent qu’il ne pouvait pas disperser ses efforts et affecter des vaisseaux et des hommes supplémentaires à la défense du Canada. En outre, aprés en avoir débattu, il rejeta la demande de rappel de Montcalm. Pour le conforter dans sa position, il recut, le 20 octobre 1758, une promotion au grade de lieutenant général et un fort accroissement de sa solde (ce qui lui importait si fort!) qui monta à 48 000 livres.

Dans cette logique défaitiste, il fallait octroyer à Montcalm le pouvoir d’agir. Comme un lieutenant général occupait un rang plus élevé qu’un gouverneur général de colonie, le prétexte était tout trouvé pour confier à Montcalm le commandement de toutes les forces militaires au Canada. En revanche, Vaudreuil, le grand perdant de ces tractations versaillaises, reçut l’ordre de s’en remettre à Montcalm en toutes choses, même pour les questions d’administration courante.

En résumé, le gouvernement français acceptait d’avance la capitulation de la Nouvelle-France, que Montcalm était chargé d’acter après avoir convenablement résisté. L’espoir du gouvernement français était néanmoins que la Nouvelle-France, avec l’apport de maigres renforts, puisse, en restant strictement sur la défensive, conserver un pied-à-terre au Canada, comptant récupérer par la suite  le territoire cédé à l’ennemi à la table des négociations de paix.

 

Pour sacrifier à la langue de bois, de tous temps pratiquée, les ministres de la Marine et de la Guerre exprimèrent tous deux leur  confiance de principe que Montcalm trouverait le moyen de priver l’ennemi de la victoire et que Montcalm et Vaudreuil sauraient travailler en union étroite pour atteindre ce but.

Des vœux pieux !

 

À SUIVRE

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