BOURDE STRATÉGIQUE EN AMÉRIQUE DU NORD
Ce n’est pas seulement l’enthousiasme en faveur de l’Indépendance des Treize Colonies qui est la cause de l’engagement de la France aux côtés des Insurgents, mais aussi le désir de tirer quelque avantage des difficultés du gouvernement britannique.
Dans les milieux militaires, l’envie de venger la perte du Canada était manifeste, comme chez le marquis de la Rouërie qui avait rejoint l’armée de Washington en 1776. Mais la Cour n’avait aucunement envie de s’engager dans une opération aussi lourde que la réoccupation du Canada. Elle en avait fait son deuil.
Aussi, non seulement le traité d’alliance et d’assistance militaire signé avec les Insurgents contenait-il explicitementle renoncement de la France à toute reconquête en Amérique, mais une clause secrète prévoyait même que la Province de Québec devait demeurer sous la souveraineté britannique.
Le machiavélisme à la petite semaine de Vergennes perce dans la note secrète qu’il adressa au sieur Gérard, Ambassadeur de France à Philadelphie, selon laquelle le Canada devait « demeurer colonie britannique, afin de constituer dans le voisinage des États-Unis une menace permanente qui les contraigne à rester fidèles à l’alliance et permettre à la France de jouir de son assistance politique et militaire, c’est-à-dire l’acquisition du plantureux commerce que la Grande-Bretagne aura perdu par l’indépendance américaine. »
Que de calculs subtils pour habiller la capitulation de la France face aux Insurgents qui ne voulaient à aucun prix du retour de la France au Canada !
C’était pourtant le momentum parfait pour négocier le retour de la France au Canada en échange de l’aide qui permettrait aux treize colonies de devenir indépendantes. Mais d’une part il ne fallait attendre aucune complaisance de la part des colons, Washington en tête, qui s’étaient révélés être les pires ennemis des Canadiens, et d’autre part la volonté de reconquête manquait totalement du côté de la Cour de France.
S’ils avaient su tout cela, les Amérindiens auraient été profondément déçus, eux qui attendaient tant du retour du Grand Onontio, qui seul pouvait leur permettre de faire barrage à l’expansion anglo-américaine. Ils le crurent un moment, mais lorsqu’ils apprirent que la France s’était alliée aux Colonies contre les Anglais, ils jugèrent qu’elle s’était trompé d’alliés, car les colons américains n’avaient pas changé d’idée à l’égard des Amérindiens : ils cherchaient toujours à les exterminer et l’Indépendance avait entres autres pour but de les tuer sans entraves.
Il y avait mieux à faire pour la France que de signer un traité léonin en faveur des Insurgents, car sa marine redevenue puissante ajoutée à l’alliance espagnole, lui offraient le choix des objectifs et des moyens pour saisir l’occasion d’un Royaume Uni empêtré dans une guerre avec ses colonies américaines.
Tout d’abord, l’aide aux Insurgents ne pouvait se concevoir sans la reconnaissance de la souveraineté sur la Nouvelle-France reconstituée, du Canada jusqu’à la Louisiane.
Si les Insurgents s’y refusaient, comme c’était probable, il fallait que le Royaume de France refuse de les aider, tout en saisissant l’opportunité de l’affaiblissement britannique pour reprendre au moins une partie des Colonies cédées en 1763 au Royaume Uni : en Amérique du Nord, les îles du Cap-Breton et de Saint Jean, la partie orientale de la Louisiane jusqu’à la rive gauche du Mississipi, aux Antilles, la Dominique, la Grenade, Saint Vincent et Tobago, en Afrique, Saint-Louis du Sénégal, en Inde, reprendre la position prépondérante qu’elle avait abandonné et en Europe, l’île de Minorque.
Le Royaume de France avait les moyens d’une revanche sur la guerre de Sept Ans, comme le révélèrent les victoires de sa Marine aux Antilles et devant Yorktown. Ainsi la guerre aurait eu un objectif recevable pour le Royaume : récupérer ses colonies au lieu de livrer une guerre à moitié idéologique en faveur de la liberté et à moitié intéressée pour affaiblir le Royaume Uni.
C'est ainsi que Louis XVI s’alignant sur le Marquis de Lafayette pour soutenir l’indépendance des États-Unis me rappelle Sarkozy se mettant dans les pas de Bernard Henri Levy pour détrôner Kadhafi en Libye. Dans les deux cas, faute de vision stratégique, ce furent des bourdes phénoménales.
Pour nous en convaincre, voyons l’énormité de l’effort militaire gracieusement consenti par le Royaume et les coûts considérables qu’il a engendrés pour le Trésor Royal, entrainant la convocation des États Généraux en 1789 et la Révolution…
À SUIVRE
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LES LEÇONS DE L'EXPÉRIENCE DE MILGRAM
Milgram a tiré les leçons de l’expérience qu’il a conduite dans un ouvrage* publié en 1974.
Dans cet ouvrage, il pose comme hypothèse que l'obéissance est un comportement inhérent à la vie en société et que, lorsqu’un individu est intégré dans une hiérarchie, il passe d’un statut d’autonomie à celui d’agent d’autorité.
Milgram s’interroge ensuite sur les conditions préalables à l’obéissance qui vont de l’éducation familiale (la reconnaissance de l’autorité) à l'idéologie acceptée (ici, dans l’expérience, la légitimité de l'expérimentation scientifique).
Puis il analyse ce que signifie « l'état d'obéissance » qui se traduit notamment par la syntonisation, c’est-à-dire par une réceptivité sélective pour les messages de l'autorité et par la perte du sens de la responsabilité personnelle.
Il relève enfin les facteurs qui permettent de maintenir cette obéissance de l’individu, parmi lesquels l’anxiété joue le rôle éminent de soupape de sécurité permettant de se prouver à soi-même que l’on est en désaccord avec un ordre que l’on exécute quand même, malgré soi.
Milgram ne prétend pas montrer que l’obéissance est négative en elle-même, mais qu’elle est dangereuse quand elle entre en conflit avec la conscience de l'individu. Dans ce cas, il arrive que ce dernier refuse d’obéir, en particulier lorsqu’il s’identifie à un groupe qui est en désaccord avec l’ordre donné et que le conformisme au groupe lui commande de ne pas obéir. Il en déduit aussi que l’obéissance aveugle d’un groupe n’est assurée que si la majorité de ses membres adhère aux buts de l'autorité.
Lorsque, finalement, l'individu obéit, il délègue sa responsabilité à l'autorité pour devenir l’agent exécutif d'une volonté étrangère, et ceci aussi longtemps que s'exerce le pouvoir de l'autorité, que l’ordre donné n'entre pas en conflit avec le comportement recommandé par le groupe auquel il appartient et que l’anxiété de l’individu n’atteint pas un niveau insupportable pour son psychisme.
En effet, la tension que ressent l'individu qui obéit est le signe de sa désapprobation à l’égard de l’ordre qu’il a reçu. Il cherche donc à faire tout ce qu’il peut pour baisser ce niveau de tension, tout en obéissant. C’est ainsi que, dans l'expérience de Milgram, des sujets émettent des ricanements, désapprouvent à haute voix les ordres de l'expérimentateur, évitent de regarder l'élève, l'aident en insistant sur la bonne réponse, mais obéissent…
Les critiques de cette expérience ont naturellement porté sur la validité des résultats obtenus et sur leur portabilité à des situations réelles, mais la reproduction de l'expérience avec des résultats très proches et la production d'expériences du même ordre ont toutes montré la facilité avec laquelle une majorité de personnes assume la fonction de tortionnaire légal.
Une forte critique a consisté à s’interroger sur la validité éthique et scientifique d’une expérience reposant sur la tromperie. L’éthique d’une expérience qui ment aux participants est en effet fortement discutable, mais l’on ne peut en conclure, sans mettre en danger le travail scientifique, qu’une expérience ne peut être menée qu’à condition d’obtenir le consentement éclairé du sujet participant à l'expérience.
Dans son livre, Stanley Milgram rapproche sa démarche scientifique de l’histoire et de la société contemporaine. Il affirme que le comportement de la plupart des Allemands sous l'Allemagne nazie était assimilable à celui qu’il a observé dans son expérience, car les Allemands obéissaient aux ordres d'une autorité qu'ils respectaient, tout en la désapprouvant souvent. À cet égard, il soutient la philosophe Hannah Arendt qui a vu dans Adolf Eichmann plus un bureaucrate qu'un antisémite cruel. Il mentionne aussi l’extermination des Amérindiens tout au long de l’histoire des États-Unis ou le massacre de Mỹ Lai durant la guerre du Viêt Nam comme des exemples d’obéissance aux ordres, du même type que ceux donnés dans son expérience.
Il souligne ainsi que les autorités d’un pays supposé démocratique comme les États-Unis peuvent concevoir des politiques impitoyables, en contradiction avec les principes éthiques de leur population, et donner des ordres en application de ces politiques, qui ont été exécutés par l'ensemble de la nation avec toute la soumission escomptée par les autorités.
De même, la période récente du confinement a vu des populations obéir massivement à des ordres qui contrevenaient à leurs principes de liberté et d’autonomie et parfois aussi au simple sens commun. Il faut toutefois observer que le confinement avait trouvé sa justification auprès du public dans son rôle sacré de protection sanitaire et que les autorités avaient pris la précaution de se cacher derrière une Haute Autorité de la Santé qui était supposée détenir la vérité, une « vérité » inlassablement assénée par des médias qui avaient parfaitement compris que leur rôle consistait à être les porte-voix du pouvoir : l’expérience de Milgram en grand.
Ainsi, l’épisode du confinement a permis de vérifier qu’il était toujours possible, dans le cadre de la société individualiste actuelle, de faire obéir tout le monde, en forçant les individus à confier entièrement leur sort aux autorités politiques et à faire du jour au lendemain le contraire de ce qu’ils faisaient la veille.
*Stanley Milgram (1994), Soumission à l’autorité, Calmann-Lévy, 270 pages.
PROCHAIN ARTICLE : RENONCER AU QUÉBEC ?
LE CONFINEMENT COMME EXPÉRIENCE DE MILGRAM
Rassurez-vous, je ne vous dirai pas ce que je pense du confinement en France. Je traiterai exclusivement du comportement des Français face à la décision de confinement.
Cependant, réglons au préalable la question de l’opportunité du confinement : c’était peut-être utile, soit pour limiter le nombre de décès provoqués par le Covid 19, soit pour rassurer les Français. Mais dans tous les cas, presque tous les gouvernements, sauf quelques-uns (Suède, Allemagne, Taiwan, Corée), ont dû ordonner le confinement de leurs populations pour ne pas être accusés d’impéritie. Quoi qu'il en soit, les citoyens étaient en situation de croire que le confinement, auquel les astreignait l'État, était justifié.
Il en est résulté une expérience proprement extraordinaire que je suis content d’avoir vécue. L’action demandée aux Français était proprement extravagante : s’enfermer chez soi en s’interdisant de sortir prendre l’air, sauf à établir, pour soi-même, des attestations selon des formulaires farfelus : les sept cases du docteur-premier ministre Edouard Philippe passeront sans nul doute à la postérité !
On a vu aussi l’intervention d’une cohorte de Diafoirus, prétendant tout savoir de ce qu’il fallait faire pour lutter contre la propagation du virus alors qu’ils n’en savaient rien.
Enfin on a vu l’empressement des foules à leur obéir, si bien que l’épisode du confinement nous confirme qu’il est extrêmement facile de manipuler et de contrôler une population, ce qui constitue l’objet de ce billet, à partir de l’expérience de psychologie de Stanley Milgram.
Cette expérience s’est déroulée entre 1960 et 1963. Elle a consisté à recruter des sujets acceptant de se prêter à une étude qui portait apparemment sur l'apprentissage. Elle s’est déroulée au sein de Yale University, avec des participants qui étaient des hommes et des femmes de tous milieux et de tous niveaux d’éducation, âgés de 20 à 50 ans.
L'expérience mettait en jeu trois personnages, un élève qui s'efforçait de mémoriser des listes de mots et recevait une décharge électrique en cas d'erreur, un enseignant qui dictait les mots à l'élève, vérifiait les réponses et envoyait la décharge électrique destinée à faire souffrir l'élève et un expérimentateur vêtu d'une blouse grise de technicien, avec toutes les apparences de quelqu’un qui est sûr de son fait et qui représentait l'autorité officielle.
Il ne s’agissait que d’apparences. En réalité, l'expérimentateur et l'élève étaient deux comédiens, ce qu’ignoraient les personnes recrutées comme « enseignantes ».
L'élève était attaché sur ce qui ressemblait à une chaise électrique. L'enseignant-cobaye recevait la mission de lui faire mémoriser des listes de mots. Il était installé devant un pupitre où une rangée de manettes était censée envoyer des décharges électriques à l'élève. À chaque erreur successive, l'enseignant enclenchait une manette qui était supposée envoyer un choc électrique de puissance croissante à l'apprenant, alors qu’en réalité le choc électrique était fictif.
Le sujet était prié d'annoncer la tension correspondante avant de l'appliquer. Les réactions aux chocs électriques étaient simulées par l'apprenant, un comédien qui avait reçu les consignes suivantes :
à partir de 75 V, il gémissait;
à 120 V, il se plaignait à l'expérimentateur qu'il souffrait;
à 135 V, il hurlait;
à 150 V, il suppliait d'être libéré;
à 270 V, il lançait un cri violent;
à 300 V, il annonçait qu'il ne répondrait plus.
Au niveau de 150 volts, la majorité des enseignants-sujets manifestaient des doutes et interrogeaient l'expérimentateur qui était à leur côté. L’expérimentateur était chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils n’étaient pas tenus pour responsables des conséquences.
Si un sujet hésitait à envoyer la décharge électrique à l’élève, l'expérimentateur avait pour consigne de lui demander d'agir et s’il exprimait le désir d'arrêter l'expérience, l'expérimentateur lui adressait les injonctions suivantes, dans l’ordre :
1. « Veuillez continuer s'il vous plaît. »
2. « L'expérience exige que vous continuiez. »
3. « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »
4. « Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer. »
Si le sujet maintenait la volonté de s'arrêter après ces quatre interventions, l'expérience était interrompue. Sinon, elle prenait fin quand le sujet avait administré trois décharges maximales (450 volts) à l'aide des manettes intitulées « XXX ».
À l'issue de chaque expérience, un questionnaire et un entretien avec le cobaye jouant l'enseignant permettait d'écouter les explications qu'il donnait de son comportement.
Cette expérience a été réalisée avec 636 sujets selon des variantes qui permettent de définir les éléments poussant une personne à obéir à une autorité qu'elle respecte.
La plupart des variantes ont permis de constater un pourcentage d'obéissance proche de 65% pour envoyer une décharge électrique maximale de 405 volts en moyenne, alors que tous les participants s’étaient, à un moment ou à un autre, interrompus pour questionner l'expérimentateur et que beaucoup s’étaient montrés très réticents à envoyer la décharge électrique lors des derniers stades.
Dès lors, qu’est-ce qui peut bien expliquer que les sujets de l’expérience aient massivement obéi à l’autorité, alors que les instructions reçues étaient en contradiction avec leur conscience ?
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PREMIÈRES DÉCOUVERTES À CHENGDU
Officiellement, ma mission à Chengdu consistait à évaluer l’intérêt d’accorder des bourses à deux étudiants en philosophie chinois, et en réalité à espionner la formation à la gestion organisée à Chengdu par York University (Toronto).
L’aventure commença dans l’avion Pékin Chengdu, comme si une malédiction touchait mes voyages en Chine, après les frasques de Datong.
L’avion était équipé de sièges irrégulièrement installés dans la cabine et comme par hasard, moi qui étais probablement le passager de ce vol qui avait la plus grande taille, j’obtins un siège dans une rangée distante à peine de quelques centimètres de la rangée précédente. Autant dire que je fus quasiment contraint de rester debout tout le long d’un vol qui dura au moins trois heures, mais j’arrivais à Chengdu sain et sauf.
Chengdu est la capitale du Sichuan, une province du centre ouest de la Chine peuplée à l’époque de plus de cinquante millions d’habitants. Le Sichuan était curieusement jumelé avec le Languedoc, vingt fois moins peuplé. Je savais aussi que la cuisine du Sichuan, assez épicée, était l’une des meilleures, ou des moins mauvaises, de la Chine.
J’ai commencé mon séjour par une visite du modeste centre de formation canadien, qui rassemblait une vingtaine d’étudiants. Première découverte, les professeurs de York University enseignaient en anglais à des étudiants chinois qui ne parlaient pas anglais ! Il leur fallait donc le truchement d’un interprète qui traduisait comme il le pouvait et le voulait. Le résultat était que les professeurs ne savaient pas ce que les étudiants entendaient, apprenaient et comprenaient. J’appris de plus, horreur, que les examens se passaient en Chinois et étaient aussi corrigés par les interprètes.
J’en conclus que le programme de York University à Sichuan n’était pas sérieux et que mon projet prévoirait une démarche pédagogique inverse, à savoir enseigner en français à des étudiants qui parlaient le français. En français, parce qu’il n’était pas question, à l’époque, de « servir la soupe » aux entreprises américaines en Chine, en leur fournissant des étudiants anglophones formés avec l’argent des contribuables français et que mon objectif consistait à aider les entreprises françaises à s’installer en Chine et personne d’autre.
Cela signifiait qu’il fallait prévoir une formation sérieuse au français dans notre programme avant d’enseigner la gestion aux Chinois, sachant que ces derniers ne parlaient ni le français, ni l’anglais, contrairement à ce que les anglo-maniaques laissaient croire pour nous obliger à capituler devant la langue anglaise.
Avant de rencontrer dans l’après midi les étudiants chinois en philosophie et les autorités chinoises, j’ai fait un petit tour dans la ville et j’y ai fait une seconde découverte qui n’avait rien à voir avec mes projets de formation.
Marchant dans le centre-ville, j’ai aperçu un trou qui donnait sur un tunnel. Je me suis approché et j’ai vu dans le tunnel des marches éclairées par des lampes au plafond qui descendaient vers un lieu indéterminé.
Personne à l’entrée du trou, ce qui était étrange en Chine. Après avoir un peu hésité, je me suis hasardé à descendre les marches. Le tunnel s’enfonçait profondément, les marches succédaient aux marches, la curiosité me poussait à continuer. J’ai dû descendre sur une profondeur d’au moins cinquante mètres l’escalier tournant sur lequel je m’étais aventuré quand j’ai aperçu, au débouché de l’escalier, une table en bois derrière laquelle était assis un militaire en uniforme et dans son dos la grande porte d’un atelier dans lequel travaillaient, autant que j’ai pu l’apercevoir, des ouvrières sur ce qui m’a semblé être des machines pour le textile.
Ce fut fugitif. Le militaire, sans vraiment d’hostilité, m’intima l’ordre de remonter. Je m’exécutais aussitôt, m’attendant à me faire intercepter à la sortie du tunnel, mais il n’en fut rien, je pus poursuivre sans encombre ma promenade dans la ville.
Naturellement cette incursion m’inquiéta. J’avais bien compris que j’avais entrevu une usine souterraine de l’armée et je craignais d’être accusé d’espionnage, surtout lorsque j’entrepris le soir une visite dans la vieille ville de Chengdu et que j’eus une discussion impromptue, en apparence, avec des ouvriers chinois qui m’interpellèrent.
Quelques années plus tard, je rencontrais un transfuge des services de renseignement chinois (c’est ainsi qu’il se présenta) qui souhaitait faire, disait-il, une thèse sous ma direction sur les entreprises contrôlées par l’armée chinoise. Il me confirma que j’avais bien aperçu un atelier de l’armée chinoise, qui, en préparation à une éventuelle guerre atomique, avait doublé la plupart des usines stratégiques des régions côtières chinoises par des usines enterrées à l’intérieur de la Chine, dont Chengdu. Mais, reprenant sans doute sa fuite, ce transfuge disparut rapidement, non sans déclencher, dans mon modeste bureau de l’IAE sur le campus Droit, la visite et la fouille des services de la DST.
La suite de mon bref séjour à Chengdu allait se révéler extraordinairement instructif.
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CAMPAGNES INDÉCISES EN AMÉRIQUE DU NORD
Lorsque, le 10 mai 1774, Louis XVI accède au Trône pour un règne qui s’achèvera le 21 septembre 1792 et qui le conduira à la guillotine le 21 janvier 1793, la rébellion américaine est en route.
La guerre d’Indépendance était-elle jouée d’avance ? Le Congrès disposait de 40 à 45 % d'opinions favorables dans la population des Treize Colonies, alors que les loyalistes, partisans du roi George III, représentaient 15 à 20 % de la population et qu’un tiers de la population, au moins, ne voulait pas s’impliquer dans ce conflit. Plus spécifiquement Les descendants des Puritains de Nouvelle Angleterre, les planteurs du Sud et les gens de l'arrière-pays soutenaient les patriotes, tandis que les immigrants récents d'Angleterre, les marchands Écossais, et les Highlanders étaient du côté des loyalistes et que les Quakers de Pennsylvanie restaient pacifistes.
Au départ, les insurgés n'avaient qu'une petite armée de cinq mille hommes, tandis que l'essentiel des forces reposait sur des milices. Aussi les Britanniques ne voyaient-ils les forces étasuniennes que comme des rebelles désorganisés, qu’une victoire décisive mettrait à bas, tandis que le but de Washington, nommé commandant en chef de l’armée des rebelles, était justement d’éviter cette lourde défaite. Au mieux, les troupes des insurgés atteignirent quatre-vingt-dix mille hommes, une armée mal organisée, peu disciplinée, payée de manière aléatoire et subissant de nombreuses désertions.
Washington avait été accusé d’assassinat plus de vingt ans plus tôt par la France lors de l’embuscade de Jumonville Glen (voir mon billet du 6 septembre 2016, « George Washington ouvre le bal par un assassinat »), ce qui retarda l’aide de la France aux Insurgents.
L'armée britannique disposait en Amérique du Nord d'environ cinquante mille soldats auxquels s'ajoutaient trente mille mercenaires allemands.
Si les Afro-Américains participèrent à la guerre dans les deux camps, en revanche la plupart des Amérindiens s’opposèrent aux Insurgents, sachant fort bien que leurs terres étaient menacées par la farouche volonté d'expansion des colons. On estime que treize mille guerriers amérindiens combattirent au côté des Britanniques.
Les débuts du conflit furent en faveur des indépendantistes, lorsque leurs milices battirent le 19 avril 1775 à Lexington un détachement britannique et que le général Thomas Gage fut assiégé dans Boston. Les indépendantistes américains firent aussi une expédition dans la Province du Québec, espérant convaincre les Canadiens français de se joindre à eux. Ces derniers, relativement neutres au début, changèrent de camp lorsqu’ils découvrirent que les Insurgents ne voulaient pas payer leur soutien logistique et que, concomitamment, les renforts britanniques affluaient au Québec. Les Étasuniens occupèrent quelques mois Montréal, mais furent incapables de prendre Québec, ce qui les obligea à mettre fin à leur campagne canadienne en décembre 1775.
Après la prise de Boston par les Insurgés le 17 mars 1776, Washington dirigea son armée sur New York, tandis que l’objectif de l’armée britannique était de tenir les villes de la côte afin de pouvoir accueillir des renforts depuis la métropole.
Une déclaration d'indépendance fut votée le 4 juillet 1776, tandis que l’armée britannique enregistrait à son tour des succès en reprenant New York et Rhode Island et en obligeant Washington à se retirer au-delà du Delaware, avant qu’il ne contre-attaque et obtienne des succès locaux, comme à Princeton le 3 janvier 1777.
Mais c’est la victoire des insurgés le 7 octobre 1777 à Saratoga qui marqua un tournant dans la guerre d'Indépendance, car ils y récupèrent une artillerie nombreuse, des armes et dix mille prisonniers.
Et c’est cette victoire de Saratoga qui montra aux ennemis européens de la Grande-Bretagne que la guerre pourrait bien finir en faveur des Insurgés, ce qui entraina l’engagement à leurs côtés de la France, suivie de l'Espagne et des Provinces-Unies.
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