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Le blog d'André Boyer

LA FIN DE L'AVENTURE DE ROBESPIERRE

26 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

ROBESPIERRE, BLÈSSÈ ET ARRÈTÉ

ROBESPIERRE, BLÈSSÈ ET ARRÈTÉ

LA FIN DE L’AVENTURE DE ROBESPIERRE

 

Nous avons quitté le 24 novembre dernier (Robespierre perd la main), les évènements du 9 thermidor (27 juillet) 1794, alors que Louis Louchet, député de l’Aveyron, avait eu le premier le courage de demander un décret d’arrestation contre Robespierre…

 

C'est alors que Maximilien et Couthon essaient de se faire entendre, mais leurs voix sont couvertes par les clameurs.

Le président de séance met aussitôt aux voix la motion de Louchet, qui est déclarée adoptée à l’unanimité, tandis que toute l’Assemblée, debout, crie « Vive la République ! ».

Fréron monte alors à la tribune pour accuser Robespierre, Saint Just et Couthon de vouloir former « un triumvirat dictatorial ». À Fréron succède Barère qui propose d’adopter un décret provenant du Comité de Salut Public qui demande l’arrestation des deux frères Robespierre, de Saint-Just, de Couthon, de Le Bas mais aussi de Dumas, Hanriot, Boulanger, Lavalette, Dufresse, Daubigny et Sijas. Le décret est aussitôt voté, mis à exécution et les députés arrêtés sont conduits au Comité de Sûreté Générale vers 16 heures.

La réaction de la Commune de Paris ne tarde pas, avec la convocation immédiate de son Conseil Général à l’Hôtel de Ville où se rejoignent quatre-vingts personnes qui seront presque toutes guillotinées par la suite.

Ce Conseil Général de la Commune de Paris vote une « motion d’insurrection » tout en faisant sonner le tocsin pour appeler les patriotes aux armes. De son côté, le général de la Garde Nationale, Hanriot, court aux Tuileries avec ses aides de camp pour délivrer les prisonniers, mais ils sont arrêtés par les gendarmes qui les transfèrent vers 19 heures dans des prisons séparées, pour plus de sureté.

Robespierre qui a été conduit à la mairie de Paris, quai des Orfèvres, est libéré par les insurgés de la Commune, si bien qu’au coucher du soleil, le rapport des forces est en sa faveur, car les troupes à la disposition de la Commune s'avérent supérieures en nombre à celles de la Convention.

Vers 21 heures, une forte colonne de canonniers et de gendarmes à cheval, commandée par Jean-Baptiste Coffinhal*, le vice-président du Tribunal Révolutionnaire, délivre Hanriot, toujours retenu au Comité de Sûreté Générale.

Dans ces circonstances, Robespierre hésite. Dans un premier temps, il se refuse à diriger le soulèvement, par crainte d’être mis hors la loi par la Convention jusqu'à ce qu'il apprenne que c'est déja le cas sur proposition de Barère et qu'il se décide à agir, vers 23 heures.

Il se rend à la Commune, rejoint par Le Bas et Saint-Just qui ont également été libérés, pour soutenir la décision du Comité d’Exécution de la Commune qui donne l’ordre d’arrêter les députés Collot, Amar, Bourdon, Fréron, Tallien, Panis, Carnot, Dubois-Crancé, Vadier, Dubarran, Fouché, Granet et Bayle. Barère est curieusement oublié, alors qu’il est un acteur important de cette journée cruciale du 27 juillet 1794.     

La décision du Comité d’Exécution se révèle trop tardive, car c’était compter sans l’activité de Barras. Ce dernier a été chargé du commandement militaire de la Convention, dont il a renforcé les troupes par quelques sections bourgeoises, tandis que l’insurrection piétine du fait du mécontentement bougon de la masse des sans-culottes qui n’ont toujours pas digéré la décision de bloquer les salaires dans le cadre de la loi du maximum général. Comme quoi une loi économico-fiscale peut se révéler à l'usage fatale au pouvoir !

C’est ainsi que, pendant les délibérations des Jacobins, deux à trois mille sans culottes, renforcés d’une trentaine de canons, demeurent l’arme au pied place de Grève**. Sans ordres clairs, inactifs et hargneux, les sans culottes se dispersent progressivement dans la nuit, d’autant plus qu’il s’est mis à pleuvoir.

Aussi, lorsqu’à deux heures du matin, deux colonnes de la Convention, l'une conduite par Barras venant par les quais, et l'autre menée par l’adjoint de Barras, Bourdon, venant de la rue Saint-Martin, arrivent sur la place de Grève, ils la trouvent quasiment désertée.

Il ne leur reste plus qu'à pénétrer dans l’Hôtel de Ville, qui est sérieusement gardé. Mais les hommes de Bourdon sont aidés par un aide de camp d'Hanriot qui leur souffle le mot de passe. Aussi peuvent-ils entrer sans coup férir dans l’Hôtel de Ville, où ils rencontrent Le Bas qui se suicide d’une balle dans la tête dès qu’ils les voient, Augustin Robespierre qui se jette par la fenêtre sans autre dégât qu’une jambe cassée, Couthon, infirme, tombe (ou est poussé ?) dans l’escalier sans toutefois se blesser trop sérieusement et enfin Maximilien Robespierre qui reçoit une balle dans la mâchoire, sans que l’on sache encore aujourd’hui si c’est lui qui s’est tiré une balle de pistolet dans la bouche ou si c’est le gendarme Merda (oui, Merda) qui lui a tiré dessus.

Seul Saint-Just est fait prisonnier sans avoir été blessé.

Tous savent que c’est la fin…

*Cela ne lui portera pas bonheur. Recherché par la troupe de la Convention, il s’enfuit de l’Hôtel de Ville, se cache mais est dénoncé par l’un de ses débiteurs, arrêté, condamné et exécuté le 5 aout 1794. Juge, Confinhac, avant de condamner à mort Antoine Lavoisier, lui avait lancé « la République n’a pas besoin de chimistes ! ». Une rue porte tout de même son nom à Aurillac.

**Depuis 1803, Place de l'Hôtel de Ville.

 

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L'EUROPE, BÉQUILLE AMÉRICAINE

20 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

EVACUATION DU 30 AVRIL 1975, SAIGON

EVACUATION DU 30 AVRIL 1975, SAIGON

Les États-Unis ont l'ambition clairement affirmée de conserver leur leadership mondial. Dans ce cadre, ils ont également un projet précis pour l'Europe.  

 

Sans conteste, au plan militaire, financier, économique, sur Internet comme en matière de soft power, les États-Unis dominent le monde et ils ne veulent naturellement pas perdre les avantages que ce pouvoir leur donne. Mais l'évolution de ce même monde modifie les rapports de force. Ils ont successivement pris le dessus sur les Anglais, les Indiens, les Mexicains, les Allemands et les Japonais. Désormais, après s'être confrontés à l'URSS pendant 44 ans et l'avoir éliminée sans combattre, ils considèrent que la Chine est le nouvel ennemi à abattre.

Nous avons vu dans les deux billets précédents, qu'ils commençaient à abandonner le Moyen Orient sur lequel ils ont longtemps guerroyé pour concentrer leur énergie contre la Chine. 

En même temps, il leur faut mettre les affaires en ordre, en rassemblant leurs alliés. Un premier cercle est constitué, solidarité culturelle oblige, des pays anglo-saxons, Grande Bretagne, Australie, Canada. Avec les deux premiers, les États-Unis ont constitué AUKUS, un accord de coopération militaire qui vise à contrer l’expansionnisme chinois dans l’Indopacifique.

Un deuxième cercle est formé par les alliés des États-Unis, composé des pays de l’Union Européenne rassemblés dans l’OTAN, du Japon et de la Corée du Sud. En tant qu’alliés stratégiques, certains de ces pays, dont la France et l’Allemagne, sont un peu moins sûrs que les pays du premier cercle. C’est ainsi que la France a failli vendre des porte-hélicoptères à la Russie* et que l’Allemagne a failli dépendre du gaz russe pour son approvisionnement énergétique.

La crainte des États-Unis est en effet de voir se constituer un ensemble économique reliant l’Union Européenne et la Russie qui deviendrait suffisamment puissant pour être autonome, sinon pour s’affranchir de sa dépendance et apparaitre comme un troisième « grand ».

L’extension de l’Otan a permis une première séparation. Les États-Unis ont obtenu des candidats issus de l’Europe de l’Est qu’ils adhérent à l’Otan avant de rejoindre la Terre Promise de l’UE. Bien sûr, ils ont balayé d’un revers de main la demande de la Russie d’entrer dans l’Otan en juin 2000, si bien qu’après l’adhésion des trois pays baltes et de la Pologne, la région russe de Kaliningrad s’est trouvée enserrée entre deux membres de l’Otan. Puis il a été question de faire adhérer la Géorgie et l’Ukraine à l’Otan.

L’Ukraine, pays slave tiraillé entre une attraction russe à l’est et au sud et une répulsion anti-russe en sa partie ouest, offrait aux États-Unis la possibilité de créer un foyer de discorde qui affaiblirait la Russie pour peu que soit exalté le penchant occidental de l’Ukraine.

Après huit ans d’escarmouches sur le Donbass conduites avec l’aide et les encouragements des anglo-saxons, la violente intervention militaire russe qui lui a succédé a permis de justifier la séparation totale et immédiate entre l’Europe de l’Ouest et la Russie.

Le 24 février 2022, date de l’invasion russe de l’Ukraine, les États-Unis ont donc réalisé leur objectif pour l’Europe, qui consistait à la vassaliser pour l’empêcher de constituer un ensemble autonome se rapprochant quasi-automatiquement de la Russie.

À partir de cette date, une dynamique de rupture mais aussi de modification des rapports de force s’est mise en marche, qui ne peut conduire qu’à un affaissement de la position américaine de départ.

Un pôle s’est constitué entre la Chine, l’Iran et la Russie, redoutable à terme pour les États-Unis. De nombreux pays, du Moyen-Orient comme la Turquie pourtant membre de l’Otan, de l’Asie comme l’Inde, d’Amérique du Sud comme le Brésil, d’Afrique comme les pays du Sahel et l’Afrique du Sud, refusent d’appliquer les sanctions américaines que pratique en revanche l’UE avec application, mais où des tensions croissantes se manifestent entre les partisans de la guerre perpétuelle et ceux de la négociation avec la Russie.

C’est que la puissance de la Russie ne s’est pas trouvée clairement entamée par la guerre, même si les États-Unis n’ont jamais vraiment crû que l’Ukraine allait l’emporter militairement sur la Russie, ni que les sanctions allaient affecter profondément son activité économique. Aujourd’hui hostile, ce pays est toujours présent à l’est de l’Europe, si bien que demain la tentation de l’entente entre les deux ensembles ne demandera qu’une baisse de la pression américaine pour resurgir.

C’est ainsi que loin d’avoir uni ensemble stable, amical et puissant à ses côtés, l’affaire ukrainienne a créé un foyer conflictuel dans une Europe inquiète et affaiblie. C’est aussi de la sorte que les États-Unis revitalisent le mythe de Sisyphe, reculant ici et s’affirmant là, contraints de devoir sans cesse faire face aux mutations imprévisibles du monde, comme le mouvement palestinien un temps mis sous le boisseau ou conduisant à des confrontations comme en Ukraine dont ils ne parviennent pas à maitriser les conséquences.

 

Primus inter pares plutôt que mâle dominant, voilà une mutation que les États-Unis ont donc des difficultés à accomplir, d’où un chapelet de guerres perdues, du Viêt-Nam à l’Ukraine en passant par l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan et la Libye, en attendant la suivante, Taiwan.

Si toutefois, ils parviennent encore à faire cette guerre là… 

 

*L’accord a été passé par Nicolas Sarkozy en 2010 et annulé par son successeur François Hollande en 2014.

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LES ACTEURS DU MOYEN-ORIENT À LA MANOEUVRE

15 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

MBS et BACHAR AL ASSAD

MBS et BACHAR AL ASSAD

Confrontés à la perspective d’un retrait militaire américain prochain qui laisserait les mains libres à un Iran plus assuré, les alliés régionaux de Washington ont cherché à s’adapter à la nouvelle donne.

 

Lorsqu’en septembre 2019, des forces yéménites alliées à Téhéran ont mené une attaque majeure contre les installations du géant pétrolier saoudien Aramco, il n’y a eu aucune réaction de la part de Washington, ce qui a ébranlé la confiance que Riyad pouvait avoir dans la pérennité du soutien des États-Unis.

En outre, la prise pour cible de la base américaine d’al-Tanf en Syrie par des forces alliées à l’Iran ainsi que les attaques répétées contre les intérêts américains ces dernières années en Syrie et en Irak n’ont pas provoqué de réaction majeure des États-Unis. En conséquence, les pays arabes qui, depuis 2011, s’étaient montrés hostiles au régime syrien ont progressivement engagé un processus de normalisation qui a abouti à la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue Arabe. Quant à la Turquie, elle ne nourrit plus, dans un contexte où le rapport de force a évolué en faveur de Damas et de ses alliés, d’ambition de changement politique en Syrie.

Du coup, Riyad a amorcé des négociations avec Téhéran qui se sont récemment soldées par un accord, habilement conclu sous l’égide de la Chine.  

L’Irak de son côté, bien que les États-Unis y maintiennent encore une présence militaire, ne veut plus, comme le Yémen et le Liban, être un champ de confrontation entre l’Iran et l’Arabie saoudite, et le récent accord entre ces deux acteurs le soulage grandement.

Le doute a également saisi les Émirats Arabes Unis (EAU) sur une implication américaine à leurs côtés face à l’Iran. Il les a contraints, après avoir développé de fortes relations de coopération avec Israël qui se sont manifestées par la signature des accords d’Abraham le 15 septembre 2020, à maintenir un dialogue avec l’Iran.

Déjà les Émirats avaient retiré la plupart de leurs troupes terrestres du Yémen en 2019 et réengagé un dialogue avec l’Iran à la suite des attaques attribuées à Téhéran contre des pétroliers dans le détroit d’Ormuz ; ils avaient notamment débloqué des fonds iraniens gelés dans des banques émiraties et fournit à plusieurs reprises une aide médicale à l’Iran durant la crise sanitaire. Aujourd’hui, la guerre que conduisent les Israéliens ne fait que renforcer l’engagement des EAU auprès de la population de Gaza.

Pour sa part, Israël était très inquiet des choix stratégiques de l’administration actuelle et des dynamiques régionales qui en résultaient. Aujourd’hui, si Israël est rassuré de l’engagement américain à ses côtés, il ne l’est que pour le court terme car la guerre de Gaza n’inverse pas ces dynamiques, au contraire elle les renforcent.

Depuis le début de l’administration Biden, les Israéliens et les Américains divergent au sujet de l’Iran. Les Israéliens souhaitaient obtenir de Washington l’assurance d’un « plan d’urgence opérationnel conjoint » en cas d’échec des négociations avec Téhéran, mais les Américains sont restés muets sur les moyens à adopter dans un tel scénario. Si, dernièrement, les États-Unis ont donné leur feu vert aux Israéliens pour une attaque en cas d’urgence sur les centres atomiques de l’Iran, ils n’ont pas précisé quel serait le niveau de leur soutien.

Israël est également inquiet des relations que développent les pays du Golfe avec la Chine. Sa principale crainte est de voir les technologies israéliennes exportées vers le Golfe parvenir ensuite en Chine et, de là, en Iran. Ils voient également un risque dans les investissements des entreprises du Golfe en Israël, car ces entreprises ont des liens de plus en plus étroits avec les entreprises chinoises.

Le reflux de l’influence américaine a donc des conséquences négatives sur Israël, car il doit à la fois composer avec les nouvelles orientations stratégiques américaines et avec les nouvelles dynamiques régionales qui confortent la position de l’Iran, alors que ses inquiétudes sécuritaires s’accroissent.

Mais les États-Unis se trouvent désormais engagés sur trois fronts. Alors qu’ils veulent contenir l’expansion chinoise en Extrême Orient, ils se trouvent désormais contraints de soutenir Israël qui est sans nul doute engagé dans un conflit à long terme. Écrire que la guerre de Gaza ne les arrange pas est un euphémisme.

 

Enfin, ils ne peuvent pas subir un échec spectaculaire en Ukraine sans remettre en cause leur suzeraineté sur l’Europe, ce qui minerait leur position hégémonique mondiale…

 

À SUIVRE 

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L'AFFAIBLISSEMENT AMÉRICAIN AU MOYEN ORIENT

12 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

POUTINE ET LE PRINCE MOHAMMED BEN SALMANE À RIYAD

POUTINE ET LE PRINCE MOHAMMED BEN SALMANE À RIYAD

La guerre en Ukraine agit comme un révélateur du rejet du leadership occidental, tel qu'il a été conçu et mis en œuvre par les élites américaines, en particulier au Moyen-Orient.

 

Pour comprendre la situation, je vous invite à vous arracher un instant à la lecture de ce billet pour consulter trois médias qui rendent compte de la visite récente de Poutine en Arabie Saoudite et aux EAU.

Regardez au choix :

LCI, si vous voulez vous rassurer :

https://www.youtube.com/watch?v=MwhipGdNoX4&t=129s

CGTN en français (la télé chinoise), si vous acceptez de vous inquiéter :

https://www.youtube.com/watch?v=5P8-bDpeaUg

Afrique Média si vous voulez comprendre :

https://www.youtube.com/watch?v=bv_IZZTu3YI

Quoi que vous ayez regardé, à moins que vous n'ayez rien regardé du tout, je m'accorde le droit de vous expliquer la signification de cet évènement: notez tout d'abord l'arrivée en fanfare de l'avion présidentiel russe escorté par quatre avions de chasse ultramodernes et surarmés, et les F16 D'Abu Dhabi qui tracent (le comble de l'insulte) les couleurs russes dans le ciel, un ciel que les avions américains basés dans la péninsule arabe se sont bien gardés de fréquenter au même moment.

Notez ensuite la délicate attention des dirigeants saoudiens de sortir de la naphtaline une ZIL 41052,  un véhicule blindé pesant 5,5 tonnes (et consommant 65 litres aux 100 kms), auquel s'est ajoutée une réception somptueuse rassemblant tous les princes influents d'Arabie, mais aussi le chef d'état tchéchène Ramzan Kadyrov, retransmise sur toutes les télévisions du monde, montrant que l'Arabie Saoudite, à bon entendeur salut, faisait un pied de nez aux États-Unis, qui y disposent de bases et de facilités militaires, terrestres, navales et aériennes et où résident 80000 ressortissants américains.

Au premier degré, cet évènement constitue bien sûr un hommage rendu à Vladimir Poutine, mais surtout, à un second degré aisé à comprendre, un défi aux États-Unis et à leurs vassaux. Il signifie que les pays arabes, Arabie Saoudite en tête, rejettent, au plan symbolique bien sûr, la tutelle américaine. Cette Arabie Saoudite qui vendait son pétrole aux conditions américaines en échange de sa protection militaire, non seulement n'en a plus besoin, mais n'en veut plus.

Auparavant les dirigeants de 22 pays arabes et de 57 États de l'Organisation de la Coopération Islamique réunis le 11 novembre dernier, dont le président iranien Ebrahim Raïssi, le président turc Recep Tayyip Erdogan, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad al Thani et le président syrien Bachar al Assad réintégré à la Ligue arabe en début d'année, ont déclaré qu'ils ne permettraient pas aux États-Unis d'utiliser leurs bases pour fournir des armes ou pour aider les forces israéliennes. Et cette déclaration a été soutenue par des pays aussi vassaux des États-Unis que la Jordanie, l’Arabie Saoudite, les E.A.U., Bahrein et surtout le Qatar qui abrite 11000 soldats américains,

Bref, Les pays arabes et islamiques manifestent une hostilité ouverte contre la politique militaire américaine, que ce soit au Moyen Orient ou en Ukraine et ils sont rejoint mezzo voce par les pays africains, américains du sud et par la Chine.

Désormais, il ne fait plus aucun doute qu'une intervention américaine, quelle que soit la région où elle serait conduite, susciterait une hostilité du même ordre. Les États-Unis en tirent actuellement les conclusions en ce qui concerne leurs bases au Moyen Orient et les acteurs régionaux s’apprêtent à remplir le vide stratégique laissé par le départ des forces américaines.

Ce départ s'impose en effet par la priorité qu'accordent les États-Unis à leur souci d’endiguer la Chine via le soutien à la sécurité et à la défense du Japon, de Taïwan, de la Corée du Sud, et aussi via le dialogue stratégique et diplomatique avec l’Inde et une partie de l’Asie du Sud-Est. Ils ont donc moins de capacités militaires à consacrer au Moyen-Orient et cette redéfinition des priorités stratégiques a précipité leur retrait d’Afghanistan.  

D’autant plus que la stratégie américaine au Moyen-Orient s’est soldée par une succession d’échecs. La « guerre au terrorisme » n’a pas refaçonné le paysage régional conformément aux intérêts de Washington. Quant à la stratégie de pression maximale sur Téhéran employée par Donald Trump, elle s’est révélée politiquement contre-productive, le régime iranien ayant fait la démonstration de sa résilience.  

 

Dans la perspective de l’allègement de la présence américaine dans le Golfe, le rôle des acteurs régionaux est donc appelé à se renforcer, d’autant plus que Moscou et Pékin n’entendent pas y jouer un rôle aussi central que celui jusqu'ici tenu par les États-Unis.

 

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GENEALOGIE DE LA MORALE

7 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

NIETZSCHE DE LA MAIN DE NIETZSCHE

NIETZSCHE DE LA MAIN DE NIETZSCHE

En 1887, Nietzsche publie sa Généalogie de la morale après une série d’essais publiés à un rythme soutenu: Par-delà le bien et le mal (1886), La Naissance de la tragédie (1872), Considérations inactuelles (1873-1876)Humain, trop humain (1878), Aurore(1881), Le Gai Savoir (1882) et Ainsi parlait Zarathoustra (1885).

 

Nietzsche n’est pas en bonne santé. Après avoir enseigné pendant dix ans la philologie à l’université, il a dû s’arrêter à cause d’une santé défaillante. Comme Schopenhauer qu’il appelle « mon grand maître », il s’oppose de toutes ses forces défaillantes à une époque dominée par la morale judéo-chrétienne et par l’ascension des idées égalitaires, qu’elles soient démocratiques ou socialistes.

Il confronte en effet la morale de l’époque grecque, qu’il admire, à celle de l’époque chrétienne qu’il juge décadente. Il voit au travers des dieux de l’Olympe des personnages à visage humain comme Éros, Jupiter, Vulcain ou Dionysos qui célèbrent respectivement l’amour, la guerre, la force ou l’ivresse.

Ces dieux ont été remplacés par un Dieu chrétien qui déteste les passions charnelles, condamne les excès, refoule le désir au profit d’un idéal ascétique. Pour Nietzsche, la morale chrétienne étouffe la volonté, la passion et le désir. Elle est une morale d’esprits faibles qui craignent d’affronter une vie qui est force et destruction, dynamisme et chaos, création et mort. Aussi n’hésite-t-il pas à rejeter toutes les philosophies idéalistes qui vouent un culte à des « valeurs universelles » comme la Raison, le Bien, le Vrai, la Justice, l’Ordre et qui ont en commun de nier la « vraie » vie.

Car la vitalité grecque et la morale chrétienne correspondent aux deux versants de la nature humaine : la première renvoie aux instincts, aux pulsions, en somme aux forces vitales qui sont en nous, tandis que la morale représente tout ce qui nous enjoint d’être sage, raisonnable, conforme, humble et soumis.

Nietzsche y voit le refuge des faibles, qui sont dominés par leur peur de la mort, leur esprit de servilité et leur mauvaise conscience. C’est ce qu’il cherche à démontrer dans deux ouvrages liés, Par-delà le bien et le mal (1886) et Pour une généalogie de la morale (1887).

L’objectif de Par-delà le bien et le mal est de désacraliser la morale, qui, pour lui, n’émane d’aucune transcendance mais trouve sa source dans les instincts et les pulsions. C’est ce que pensait aussi Schopenhauer et ce que reprendra Freud en opposant les pulsions inconscientes et le « surmoi », ce dernier représentant la culture et la morale chargés de dompter les forces bouillonnantes du désir.

Pour une généalogie de la morale constitue un complément et une explication de Par delà le bien et le mal, qui lui-même avait pour vocation d’éclairer la thèse soutenue dans Ainsi parlait Zarathoustra.

L’ouvrage est structuré en trois essais. Dans le premier essai, « du Bien et du Mal », Nietzsche oppose la « moralité du maître » et la « morale des esclaves ».  La première est développée par les forts,  qui sont sains et libres, qui sont de ce fait capables de définir eux-mêmes leurs propres valeurs et d’inventer leur propre définition du bonheur. Les esclaves sont ceux qui héritent de valeurs, tant ils sont incapables de prendre en main leur système moral. Il précise à ce propos : « Si l’on veut dire par là qu’un tel système a amélioré l’homme, je n’y contredis pas, sauf à ajouter que pour moi « amélioré » signifie la même chose que « domestiqué », « affaibli», « découragé », « raffiné », « amolli ».

Dans le second essai, Nietzsche traite de la culpabilité et de la mauvaise conscience, qui sont pour lui les deux traits majeurs de la morale d’esclave. Pour lui, la mauvaise conscience agit comme une valeur inhibitrice, transmuant la violence potentielle de l’homme à l’égard des autres en violence contre soi-même.

Le troisième essai est dédié à la critique de l’ascétisme, que la morale contemporaine considère, à tort pour lui, comme l’expression d’une volonté forte, alors que Nietzsche y voit l’expression d’une faiblesse qui engendre une volonté incapable de se libérer des instincts d’obéissance.

Ainsi Nietzsche dénonce t-il la transcendance des valeurs, contre laquelle il oppose une immanence radicale : est bon ce que je désire, est bon ce que je considère tout simplement comme bon.

Il affirme à contrario que la morale chrétienne est née d’un ressentiment envers tout ce qui est puissant, fort ou en bonne santé. Or cette morale d’esclave cherche à domestiquer nos instincts, alors que pour lui ces derniers doivent être libérés, valorisés et encouragés, comme le met en pratique le Surhomme, qui assume la vie telle qu’elle est, qui dit « oui » à la vie.

Cependant, comme Nietzsche observe que la morale des faibles est devenue dominante, il en conclut que la morale, loin d’être un moyen utilisé par les forts pour discipliner les faibles, est au contraire l’ultime ruse des faibles pour dompter les puissants.

Ultime sursaut, alors que Nietzsche note que l’idéal ascétique signifie une volonté de néant, une haine de l’humain et de l’animalité, une répulsion contre les sens, une peur du bonheur et de la beauté, la dernière phrase de son essai est la suivante :

« L’homme préfère encore vouloir le néant que ne pas vouloir du tout. »

 

On retrouve ici le concept fondamental de Schopenhauer : Wille zum Leben…

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CONTRIBUER À LA RÉUSSITE DES ENCG

3 Décembre 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LE PETIT DERNIER, L'ENCG DE BENI MELLAL (2019)

LE PETIT DERNIER, L'ENCG DE BENI MELLAL (2019)

Nous étions trois « experts » mandatés par la FNEGE pour répondre à la demande du Maroc de créer un objet mixte, à mi-chemin des écoles de commerce et des établissements universitaires.

 

Mais Jean-Pierre Helfer ne put rester plus de deux jours au Maroc, pris par des tâches urgentes et Michel Klein ignorait tout du pays où il venait pour la première fois. Il me laissa donc m’informer et négocier avec la partie marocaine, composée du Ministère du Tourisme, de l’Agriculture et du Commerce Extérieur et du Ministère de l’Enseignement supérieur (on l'appellera par la suite le Ministère pour simplifier) auquel s’ajoutait en arrière-plan le Ministère de l’Intérieur, en raison de l’implantation prévue de l’un des ENCG à Settat.

La Mairie de Settat, à 75 kms de Casablanca, était en effet dirigée par le tout puissant Ministre de l’Intérieur de l’époque, Driss Basri, qui surveillait de très près la création de « son » ENCG qui devait être le premier à ouvrir et le mieux pourvu en personnel et en équipements, par rapport aux deux autres ENCG prévus à Agadir et à Tanger.

Il s’agissait donc d’apprécier les divers rapports de force, à l’intérieur de l’administration marocaine et relativement à nos capacités de recommandation. J’eu la chance de rencontrer en début de mission le Ministre du Tourisme, de l’Agriculture et du Commerce Extérieur, Hassan Abouyoub*, dont le Ministère était impliqué dans le projet et qui se trouvait être l’un de mes anciens élèves au Lycée Lyautey, en 1969-1971.

Le Ministre me prit à part et me demanda s'il avait été un bon élève au Lycée. Il s'agissait d'une entrée en matière délicate, dont les Marocains ont le secret, qui consistait, lui le Ministre, à se placer volontairement dans une position d'humilité vis à vis de la personne qu'il recevait. Je lui répondis franchement que je ne m'en souvenais plus, mais qu'en revanche, je me rappelais très bien de sa timidité d'antan, qu'il avait fort heureusement tout à fait perdue aujourd'hui.

Nos échanges commençaient donc par de l'intimité et de la franchise, ce qui seyait bien aux échanges Maroco-Français. Il est vrai qu'il s'agissait d'un sujet qui demandait une franche amitié, d'autant plus que les enjeux marocains demandaient beaucoup de dextérité pour ne froisser et pour ne léser personne.  

Il s'agissait de moderniser l'enseignement supérieur public de la gestion au Maroc, afin d'offrir aux étudiants peu fortunés une voie vers les métiers de cadres, jusque là trusté par les enfants de la bourgeoisie qui avaient suivi la voie royale, si je puis écrire, des lycées français payants aux écoles marocaines adossées aux grandes écoles de commerce françaises, payantes aussi. Deux exceptions à ce cursus, l'ISCAE à Casablanca et l'université Al Akhawayn à Ifrane, cette dernière en langue anglaise et payante.

Il fallait aussi prendre en compte la résistance des universitaires à Fès et à Rabat, qui voyaient d'un mauvais œil un rééquilibrage des crédits et du pouvoir vers d'autres villes, ainsi que les IUT marocains qui se sentaient à l'écart du mouvement.

Disposant d'une semaine pour prendre la mesure concrète du projet ENCG, nous décidâmes de commencer par visiter le chantier de l'ENCG de Settat, le chantier le plus "chaud" et le plus avancé, de continuer par deux rencontres avec les universitaires de Marrakech et de Fès, les premiers étant partie prenante du projet, les seconds plutôt opposés et de finir par une réunion de synthèse au Ministère, à Rabat, en ayant fait faute de temps, l'impasse de l'ENCG de Tanger dont la conception était moins avancée.

La visite du chantier de Settat fut tout de suite révélatrice, relativement à l'agenda officiel. Nous étions en avril 1993 et le Ministère prévoyait d'ouvrir l'ENCG aux étudiants en septembre 1993. Pour faire bonne mesure, Il souhaitait y accueillir tout de suite deux mille étudiants afin de soulager la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Casablanca.

Les deux perspectives, de date et d'effectif, me paraissaient peu réalistes. Pour vérifier la première, je m'évadais d'une réunion pour m'échapper sur le chantier et interroger directement son chef qui me confirma qu'il faudrait encore au moins une année, soit avril 1994 pour l'achever. L'ouverture de l'ENCG de Settat ne pourrait donc pas avoir lieu avant l'automne 1994. Pour les effectifs, je gardais mes arguments en réserve pour une réunion décisive.

Cette réunion eut lieu à Marrakech, deux jours plus tard. Je profitais d'un débat avec les universitaires de Marrakech particulièrement ouverts au projet "ENCG" pour asséner mes informations directes quant à la durée du chantier de Settat, qui contredisaient le plan gouvernemental d'ouverture rapide de l'établissement de Settat et, audaces fortuna juvat, pour remettre en cause le réalisme des prévisions d'effectifs, non pas faute de demande, mais faute de professeurs formés.

Il ne me fut pas très difficile de faire accepter ces deux changements majeurs, septembre 1994 au lieu de septembre 1993 et 200 étudiants par promotion au lieu de 2000 étudiants (sic), parce que nos interlocuteurs n'attendaient que cela, de revenir vers plus de réalisme, mais que ce soient des experts français qui le disent aux responsables politiques et notamment au redouté Ministre de l'Intérieur Driss Basri, plutot qu'eux-mêmes, fonctionnaires d'autorité.

Il fallut aussi, après avoir rencontré les opposants à Fès, obtenir de l'Ambassade de France qu'elle redistribue une partie des crédits destinés aux ENCG à la création de DESS aux universités de Fès et de Rabat, ainsi qu'à la formation de cadres pour les IUT. Nous mîmes aussi en place une formation complète en France pour les trois futurs Directeurs d'ENCG.

À la suite de notre mission, l'effort de lancement des ENCG se poursuivit sans atermoiements. Le premier ENCG à Settat ouvrit en septembre 1994, comme l'ENCG d'Agadir. L'ENCG de Tanger ouvrit en 1995.

Ensuite, le succès de la formule fut tel qu'il en existe aujourd'hui douze, répartis sur tout le territoire Marocain. Et il vous suffit de regarder sur Internet leurs sites, pour constater, compte tenu du nombre d'étudiants et de professeurs ainsi que des qualifications internationales obtenues, que la réussite est effectivement au rendez-vous.

 

Mission accomplie.

 

*Hassan Abouyoub est d’origine berbère, du côté de Tafraout. Après le lycée Lyautey, il a été diplômé de l’EM Lyon Business puis il est successivement  devenu ambassadeur du Maroc en France, ministre du Tourisme, de l’Agriculture et du Commerce Extérieur avant d’être nommé par le Roi Mohammed VI ambassadeur itinérant, ambassadeur en Italie et enfin, depuis 2019, ambassadeur du Maroc en Roumanie et en Moldavie.  

 

À SUIVRE

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