UN COUP D'ÉTAT DE TROP
L’assassinat des plénipotentiaires français à Rastatt, le 28 avril 1799, fut le prélude à la reprise des combats face à une coalition qui comprend désormais la Turquie qui s’est jointe à l’Angleterre, l’Autriche, la Russie et Naples.
Les troupes anglaises débarquèrent en Hollande tandis que les Russes et les Autrichiens marchaient vers la Suisse. Ces offensives furent stoppées par le général Brune qui parvint à repousser le débarquement anglo-russe en Hollande et par le général Masséna qui battit les armées russes et autrichiennes à Zurich.
Tous ces événements militaires poussaient le Directoire à décréter une nouvelle levée en masse, l’armée française atteignant alors l’effectif considérable d’un million de soldats. Un emprunt forcé sur les riches fut institué pour équiper les nouvelles troupes, et une loi créa des listes d'otages dans chaque département.
Cette loi sur les otages, adoptée par les Conseils le 12 juillet 1799 (24 messidor an VII), prévoyait que les administrations des départements troublés par des assassinats politiques ou des émeutes pourraient arrêter comme otages les nobles, les parents d'émigrés et les ascendants des présumés coupables.
La situation politique devenait critique car l’agitation royaliste renaissait et risquait de provoquer en réponse, ce qui faisait craindre la réinstauration de la Terreur. Il fallait reprendre le contrôle. Pour se faire, en mai 1799, Sieyès remplaçait Reubell au Directoire, avec l’idée de modifier par le moyen désormais habituel d’un coup d’État, des institutions qu’il trouvait trop démocratiques (sic).
Son objectif était d’écarter aussi bien les royalistes que les jacobins, afin de faire régner l’ordre au profit du pouvoir. Mettant en pratique cet objectif politique, il commença par s’opposer à la poussée néojacobine avant de chercher à profiter du retour d’Égypte de Bonaparte, retour effectif le 9 octobre 1799, afin de l’utiliser pour un coup d’État qui lui permettrait de modifier la Constitution.
Le 18 brumaire An VIII (9 novembre 1799) au matin, tout était prêt. Les Conseils votèrent ce qu’on leur demandait, en particulier le Conseil des Anciens, qui fut appelé en catastrophe aux Tuileries à 7 heures du matin, pour apprendre tout de go que la République était menacée.
Affolés, les Anciens votèrent aussitôt un décret en quatre articles, décidant que « le Corps législatif est transféré à St Cloud, qu’il s’y réunira le lendemain à 12 heures, que toute autre délibération est interdite ailleurs et avant ce temps, que le général Bonaparte est chargé de l'exécution du présent décret et prendra toutes les mesures nécessaires pour la sûreté de la représentation nationale et que le général Bonaparte est appelé au sein du Conseil pour y recevoir le présent décret et prêter serment.»
Bonaparte, aussitôt nommé commandant de la garde nationale et de la 17e division militaire, se rendit devant le Conseil des Anciens, où il prononça un médiocre discours avant de prêter serment pour la sauvegarde de la République.
Au même moment, les généraux se réunirent sous la présidence de Lucien Bonaparte, qui leur fit connaître le décret des Anciens, suscitant quelques protestations. Ainsi qu’il en était convenu, Sieyès et Ducos démissionnèrent aussitôt, suivis par Barras. Les deux derniers Directeurs en fonction, Moulin et Gohier, refusèrent, également comme prévu, de démissionner et furent illico consignés au Luxembourg sous la garde de Moreau.
Au total, la journée du 18 brumaire s’était passé selon les plans. Des affiches sur les murs de Paris appelaient au calme et les bourgeois satisfaits faisaient monter la rente de plus d'un point.
Mais le lendemain 19 brumaire, les événements tournèrent à la confusion de Bonaparte.
Le château de St Cloud avait été préparé en hâte pour recevoir les Conseils qui devaient siéger, entourés par une troupe de 6000 hommes. Vers midi, le général Bonaparte surgit avec un détachement de cavalerie. À 14 heures, Lucien Bonaparte ouvrit la séance des Cinq-Cents. Mais les Anciens, qui avaient enfin compris qu’ils étaient manipulés, ne voulurent plus rien comprendre et suspendirent leur session afin de statuer sur le remplacement des trois directeurs démissionnaires.
Là-dessus, Bonaparte suscita l’hostilité des Anciens en pénétrant dans leur salle sans y être invité. Il ne fut pas mieux accueilli par le Conseil des Cinq Cent où il essuya des cris hostiles, perdit contenance et sortit de l'Orangerie.
De son côté, son frère Lucien tenta en vain de ramener le calme dans le Conseil des Anciens et quitta la salle pour rejoindre son frère. Ils se sentirent mieux au milieu des troupes qu’ils haranguèrent sans craindre d’être contredits. Lucien, plus entreprenant que son frère Napoléon, demanda aux gardes de « délivrer » la majorité des représentants d’une minorité agissante qu’il faut expulser : « Quant à ceux qui persisteraient à rester dans l'Orangerie il importe qu'on les expulse. »
Les grenadiers entrèrent dans l'Orangerie baïonnette au canon et expulsèrent les élus en cinq minutes.
De ce fait, le coup d'État parlementaire devenait un coup d'État militaire, qui échappait à son instigateur, Sieyès, pour bénéficier à son bras armé, les frères Bonaparte.
À SUIVRE
L'HIVER DÉMOGRAPHIQUE QUI S'ANNONCE
C'est à peine si l'on se commence à réaliser que l'explosion démographique ne montera pas jusqu’à dix ou douze milliards d’êtres humains en 2100, alors que la crise démographique est déjà présente parmi nous.
Il est donc plus que temps de s'inquiéter des conséquences de la baisse du taux de natalité. Je sais, il y a des raisons de s'inquiéter à court terme, le déficit du budget de l'État, la baisse de productivité européenne ou la guerre d'Ukraine.
Mais, au même titre que les conséquences écologiques de notre style de vie, la baisse du taux de fécondité a des conséquences bien plus lourdes, bien plus universelles et bien plus profondes que ces crises conjoncturelles. L'année 2023 marque, à ce titre, un tournant dans l'histoire de l'humanité, car c'est l'année où, pour la première fois, les humains n'ont pas fait assez de bébés pour assurer la survie de la population.
Pourtant, selon les projections de la population mondiale effectuées par les Nations unies, l'indice synthétique de fécondité était encore de 2,25 en 2023, soit un peu plus que le taux de remplacement théorique de 2,1. Mais les Nations unies ont surestimé cet indice, en raison de l'absence de statistiques dans de nombreux pays et de leur sous-estimation du taux de fécondité de remplacement.
Lorsque l’on a pu recueillir des pays statistiques fiables comme en Colombie, le nombre de naissances en 2023 était inférieur de 10 à 20 % aux estimations de l'ONU. En outre, le taux de fécondité de remplacement de 2,1, réaliste en Europe, ne s’applique pas à l'ensemble du monde, car dans de nombreux pays en développement le pourcentage de femmes qui survivent jusqu'à l'âge de la procréation est inférieur à celui des pays développés.
Un niveau de fécondité insuffisant pour renouveler la population mondiale ne signifie cependant pas qu’elle est déjà en train de diminuer, car elle est pour le moment compensée par l’accroissement de la longévité.
Si la tendance actuelle se poursuit, la population humaine devrait atteindre son maximum dans une trentaine d'années, avant de commencer à chuter.
Il faut noter que la baisse de la fécondité n’est pas limitée aux pays développés, car elle s’est produite partout et à un rythme plus rapide que prévu par les statistiques de l’ONU.
La Corée du Sud est le cas le plus extrême, avec un taux de fécondité de 0,72 en 2023 alors qu'il était encore en 2015 de 1,24, et il n'y a aucun signe de ralentissement de ce déclin. La même tendance est observée dans toute l'Asie, en Chine, au Viêt Nam, à Taïwan, en Thaïlande, aux Philippines et au Japon.
Cette tendance n'est pas propre à l'Asie. En Turquie, le taux de fécondité est passé de 3,11 en 1990 à 1,51 en 2023. Au Royaume-Uni, le taux de fécondité était de 1,83 en 1990 et il n’était plus que de 1,49 en 2022. La situation en Amérique latine est également frappante : le Chili et la Colombie avaient des taux de 1,2 l'année dernière, l'Argentine et le Brésil étaient à 1,44 alors que tous ces pays avaient des taux de fécondité élevés il y a trente ans.
Une liste non exhaustive de pays où le taux est inférieur au taux de remplacement diminue rapidement comprend l'Inde, les États-Unis, le Canada, le Mexique, le Bangladesh, l'Iran et toute l'Europe. Nous en savons moins sur l'Afrique en raison de la mauvaise qualité des données, mais celles qui sont disponibles suggèrent toutefois qu'elle connaît un déclin rapide : là où nous disposons d'informations plus fiables, l'Égypte, la Tunisie ou le Kenya, les taux de fécondité s'effondrent à un rythme sans précédent.
La prise de conscience de la baisse du taux de fécondité soulève généralement quatre questions :
1 La baisse de la population ne sera-t-elle pas bénéfique pour l'environnement ? Sur le plan quantitatif sans doute, mais le risque réside dans la faible priorité à l’environnement accordée par une population confrontée à de graves problèmes budgétaires dus au vieillissement de la population.
2 L'immigration peut-elle résoudre le problème démographique ? C’est oublier que la baisse de la fécondité concerne toute la planète. Chaque Argentin qui s'installe en Espagne atténue les problèmes démographiques de l'Espagne mais aggrave ceux de l'Argentine. Par ailleurs, pour maintenir une population constante dans un pays comme la Corée du Sud, il faudrait que, d'ici 2080, 80 % des personnes vivant dans ce pays soient des immigrants, ce qui parait irréaliste.
3 L'IA ne permettra-t-elle pas de pallier à l'effondrement de la population en faisant tout le travail à notre place ? C’est envisageable mais complexe, tant il est parait plus facile, à priori, d'apprendre à une machine à lire des états financiers qu'à vider des bassins de lit dans un Ehpad.
4 Les politiques publiques ne peuvent-elles pas permettre d'accroitre à nouveau la fécondité ? De la France à la Corée du Sud en passant par Singapour et la Suède, des politiques d’aide financière ou de congés parentaux ont été mises en place, avec un succès limité dans le temps. Le facteur purement pratique qui explique la baisse des taux de fécondité semble être le coût du logement. À Mexico ou à Séoul, les taux de fécondité très bas sont probablement davantage dus aux prix élevés de l'immobilier qu'à toute autre variable et l'État ne peut pas y faire grand-chose.
Finalement élever un enfant est un engagement profond et à long terme, alors que nos structures sociétales sont devenues profondément hostiles aux familles nombreuses et que les normes sociales ont évolué. Du coup, élever des enfants n'est plus une priorité pour beaucoup.
Par conséquent, tant que nous ne parviendrons pas à inverser la tendance à la baisse des taux de fécondité, préparons-nous à affronter un hiver démographique qui s'annonce bien plus rude qu'on ne veut bien l'admettre aujourd’hui…
Librement adapté d'un article de Jesús Fernández Villaverde, professeur d’Économie à University of Pennsylvania, Philadelphie.
LA TERRE AGRICOLE ET SES EXPLOITANTS
LA TERRE AGRICOLE ET SES EXPLOITANTS
Au début du XXIe siècle, les cultures et les élevages occupent une part importante des terres émergées et elles sont vitales pour l’humanité puisqu’elles lui fournissent la quasi-totalité de ses aliments.
Les terres cultivées de la planète occupent environ 15 millions de kilomètres carrés tandis que les pâturages s'étendent sur 30 millions de kilomètres carrés, soit respectivement un peu plus de 10% et de 20% des terres émergées. Les terres à usage agricole occupent à peu près la même superficie que les forêts, soit un tiers des terres émergées. Le tiers restant est couvert de zones herbeuses, arbustives ou autres, telles que des roches ou des infrastructures humaines.
Les cultures s'étendent surtout dans des régions originellement recouvertes de forêts : quelque 20% des forêts originelles du monde ont été défrichées à cette fin, cette proportion atteignant près de 50% dans les zones tempérées. Les pâturages, quant à eux, sont principalement situés dans les aires originellement herbeuses.
Or 30% des terres émergées, soit 41,5 millions de kilomètres carrés, sont cultivables, alors que 40% de ces terres sont effectivement cultivées. Cette proportion varie beaucoup d'un continent à l'autre, puisqu’elle est de l'ordre de 12% en Amérique latine, de 20% en Afrique au sud du Sahara, proche de 100% en Asie et au Moyen-Orient et de l'ordre de 50% en Amérique du Nord et en Europe.
Les cultures qui couvrent le plus d'espace sont, de loin, les céréales, avec plus de 40% des terres cultivées, suivies par les cultures oléagineuses et les cultures fourragères.
En ce début du XXIe siècle, ces cultures et ces élevages demandent un nombre record d’agriculteurs, qui continu à augmenter. En effet, en 2010, la population agricole active du monde s'élevait à 1,3 milliard de personnes et, avec leurs familles concernait 2,6 milliards d'individus, soit près de 40% de la population totale, dont 2 milliards vivent en Asie et 0,5 milliard en Afrique. En Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest, la situation est très différente puisque moins de 2% de la population vit de revenus agricoles.
Or le revenu des agriculteurs est moitié moindre en moyenne que celui de la population active totale, ce qui s'explique par la modeste productivité de très nombreux agriculteurs et par la faiblesse des prix agricoles.
En effet, la grande majorité des agriculteurs travaille dans des exploitations familiales, ce qui signifie que ces exploitations sont dirigées, travaillées et possédées par une famille.
Il existe environ 500 millions d’exploitations familiales dans les pays en développement, qui sont trop petites, le plus souvent, pour assurer à la famille une existence décente. Car si ces exploitations paysannes ont une certaine autonomie vis-à-vis des marchés, elles doivent tout de même vendre une fraction de leur production pour acheter en retour les biens nécessaires qu’ils ne produisent pas eux-mêmes. C’est pourquoi le prix de ce qu’ils vendent conditionne la survie de ces exploitations.
Face à ces exploitations familiales très majoritaires en nombre, il existe d’autres types d’exploitations agricoles, coopératives ou fonds d’investissement, qui ont mis en place de grandes exploitations. Il s’agit de structures capitalistes dans lesquelles le travail est effectué par des employés. Ces domaines rassemblent des entreprises souvent stables qui cherchent à rémunérer le mieux possible les investissements. On peut y ajouter les exploitations patronales qui utilisent à la fois du travail familial et du travail salarié permanent, tout en étant conduites par un membre au moins de la famille.
Pour les 1,3 milliards d’actifs agricoles dans le monde, on ne compte que 28 millions de tracteurs, soit 2% du nombre de ces actifs, tandis qu’environ 400 millions d’actifs agricoles utilisent la traction animale. En effet, la mécanisation, qui a triomphé dans les pays industrialisés et dans quelques secteurs des pays émergents, n’a touché qu’une petite minorité des agriculteurs du monde. En outre la culture à traction animale ne bénéficie aujourd’hui qu’à un tiers environ des actifs agricoles, si bien que les deux autres tiers des agriculteurs, soit environ un milliard de paysans travaillent presque uniquement avec des outils à mains.
Par ailleurs, près de 800 millions d’agriculteurs, tous types d’équipements confondus, utilisent des semences sélectionnées par la recherche génétique, des engrais minéraux et des pesticides permettant d’accroitre les rendements, tandis qu’environ 500 millions de paysans n’utilisent pas ces intrants efficaces.
Les inégalités d’équipement et de productivité entre les différentes agricultures du monde sont donc aujourd’hui énormes, et elles ont des conséquences.
À SUIVRE
ENSEIGNER COÛTE QUE COÛTE EN INDONÉSIE
Dès le quatrième trimestre 1995, un accord était signé entre l’University of Indonesia, le Ministère des Affaires Étrangères et le FNEGE pour la création d’un Institut Franco-Indonésien à Jakarta.
À la suite de cet accord, je demandais à la FNEGE, qui était chargée de la double mission de gérer le programme de recrutement et de formation des étudiants à Jakarta, de participer au premier recrutement d'étudiants et de donner le premier cours, afin "d'essuyer les plâtres" pour les collègues qui allaient me succéder à Djakarta.
Je ne fus pas déçu. Prévoyant qu'une formation de quelques mois ne suffirait pas à rendre les étudiants indonésiens bilingue en français, je prévoyais de leur remettre d'une part le contenu complet du cours sous forme de polycopié complet en français et d'autre part de donner mon cours en anglais et en français en m'adaptant à leur niveau de compréhension réel dans les deux langues.
Néanmoins, pendant la majeure partie de mon intervention de trois semaines sur la microéconomie, le cours fut une catastrophe de mon point de vue. Silence total dans la classe, aucune question, aucune réaction visible.
Je savais les Indonésiens « timides », exprimant fort peu leurs sentiments, et j’en eu la manifestation concrète en cours. Or, tout enseignant le sait, l’absence totale de manifestation d’intérêt, ou même de désintérêt, constitue une expérience terrible. Est-ce que les étudiants avaient compris quelque chose ? Est-ce que ce que je leur enseignais ne les intéressait absolument pas ? Est-ce que ma méthode d’enseignement était inadaptée ? Est-ce que les étudiants n’osaient tout simplement pas s’adresser à moi ? Pourtant je les connaissais, puisque j’avais participé au jury de recrutement et puisque je partageais leur repas, le soir, avant le cours et que je discutais évidement avec eux pendant ces repas.
Bref, ces cours étaient si épuisants pour moi, compte tenu de l’ambiance polaire dans laquelle ils se déroulaient, qu’à peine dans le taxi qui me ramenait à l’hôtel après le cours, je m’endormais pour toute la durée de la course…
Mais un soir, à peu près le dixième cours, une étudiante, originaire de l'ile de Flora je crois, posa enfin une question. L’ensemble de la classe décida alors que chacun avait désormais le droit de s’exprimer. Ma mission était remplie et les collègues qui me succédèrent ne firent jamais état du moindre problème quant aux échanges avec les enseignants.
Par ailleurs, se posait le problème de l’appui universitaire au programme de formation et d’accueil des doctorants indonésiens. La FNEGE me proposait naturellement d’associer l’IAE et l’Université de Nice, auxquels j’étais rattaché, à l’Institut Franco Indonésien de Gestion. Mais la direction de l’IAE de Nice n’était pas prête à se charger du pilotage du programme aux côtés de la FNEGE. Je proposais donc à l’IAE de Montpellier de se substituer à l’IAE de Nice, ce que son directeur, Pierre-Louis Dubois, accepta volontiers. Au bout d’un an, ce dernier fut cependant contraint de jeter l’éponge, en raison de l’opposition de son Président d’Université. Je m’adressais alors à l’IAE de Grenoble qui reprit le flambeau et, sauf erreur de ma part, le programme de collaboration avec l’University of Indonesia se poursuit toujours, sous de nouvelles formes.
Les années qui suivirent donnèrent lieu, après l’extraordinaire opération d’Indonésie, à d’autres missions instructives à l’étranger…
À SUIVRE
LE DIRECTOIRE DE LA BANQUEROUTE
La politique de force du Directoire le conduisit à redresser les finances de la République aux dépens des rentiers et des pays conquis.
Le Directoire organisa en effet "la banqueroute des deux tiers" qui reste jusqu’à ce jour l'unique banqueroute de la République. Le 9 vendémiaire an VI (30 septembre 1797), Dominique Ramel, ministre des Finances du Directoire, ferma le marché des titres publics et fit voter une loi annulant les deux tiers de la dette publique.
Il tentait ainsi de solder la dette publique et de rétablir l’équilibre des finances publiques après plusieurs années d’agitation révolutionnaire. Mais, comme les impôts ne rentraient pas, le Directoire redéfinit les contributions directes en établissant la contribution foncière, la mobilière, la personnelle, la patente commerciale ainsi qu'une célèbre contribution sur les portes et fenêtres. Il accrut également les droits d'enregistrement, un droit sur les tabacs étrangers, rétablit l'octroi à Paris et lança une batterie de recettes et de nouveaux impôts : une loterie nationale, un droit sur les chemins et un autre droit sur les hypothèques.
Ces mesures drastiques, si elles visaient à rétablir l’équilibre des comptes publics, eurent en contrepartie des effets négatifs : elles ruinèrent les petits rentiers touchés par « la banqueroute des deux tiers », accrurent le chômage et firent baisser les prix agricoles, plongeant les paysans dans la misère.
Mais, malgré ces mesures extraordinaires, les impôts rentraient difficilement alors que les victoires militaires, qui avaient permis de ponctionner les pays occupés, n'étaient plus au rendez-vous. Ces rentrées fiscales décevantes contraignirent la République à faire appel aux fournisseurs des armées pour boucler les fins de mois. Elle les paya en biens nationaux, ce qui créa de nouveaux riches et contribua à accroitre encore le discrédit du Directoire.
Alors que les royalistes avaient été exclus du pouvoir par le coup d’État du 18 fructidor an V (1797), ce fut l’opposition jacobine qui remporta les élections de Germinal an VI (avril 1798), du fait des difficultés économiques. Les néo jacobins obtinrent en effet, avec la faible participation électorale désormais habituelle, trois cents sièges sur les quatre cent trente-sept à pourvoir.
Le Directoire, mis à nouveau en minorité, cette fois-ci sur sa gauche, fit montre d’une grande inventivité pour contourner le suffrage des urnes. Pour y parvenir, il fit purement et simplement annuler, par le biais d’une commission ad hoc, toutes les élections qui pouvaient être dangereuses pour son pouvoir. Comme cette décision fut prise par la loi du 22 floréal an VI (11 mai 1798), l’on appela les cent vingt-six députés invalidés les « floréalisés ».
Les députés jacobins rescapés furent sélectionnés par les Conseils, qui choisirent les têtes qui leur revenaient, ce qui ne rendit pas ces derniers plus indulgents pour le Directoire. Au nom de la lutte contre la corruption, ils prirent pour cibles principales Barras et Reubell,. Les citoyens étaient d’autant plus sensibles à ce mot d’ordre que l’hiver 1798-1799 fut d’une exceptionnelle rigueur, rendant la vie de chacun difficile.
Aussi les élections suivantes, celles de l'an VII (mars avril 1799), se révélèrent encore plus mauvaises que celles de l'an VI. Elles concernaient trois cent quinze députés et comme presque tous les députés «floréalisés » l’année précédente furent réélus, le Directoire se sentit impuissant à réagir contre une poussée électorale aussi spectaculaire. La pression des Cinq-Cents s’accrut ; ils exigeaient du Directoire des explications sur sa politique, contraignant La Révellière-Lépeaux et Merlin de Douai à la démission. Quant aux néo-jacobins, ils préconisaient désormais une politique de salut public, leur sanglante marotte.
Le Directoire se trouvait en outre face à des difficultés militaires. Les victoires de la Convention, puis du Directoire, avaient complètement modifié la situation stratégique, donc politique, économique et sociale de la France.
Il fallait désormais compter avec les généraux sur le plan politique, intégrer le flux de ressources financières émanant des territoires conquis et voir se développer une classe sociale formée des innombrables militaires envoyés ou revenus du front.
Les victoires militaires avaient en effet permis d’installer en Italie des « républiques sœurs », cisalpine, ligurienne, romaine et même parthénopéenne. La Suisse avait été transformée en République helvétique et la Hollande en République batave.
Déjà à l’avènement du Directoire, la France de 1795 était nettement plus étendue que celle de 1789. Depuis sa prise de pouvoir, il s’y ajoutait Avignon, la Savoie, Nice, les anciennes enclaves allemandes, l’évêché de Bâle et les ex-Pays-Bas autrichiens, ce qui représentait 580 000 km2, soit plus qu’aujourd’hui. La République comptait alors environ 32 millions d’habitants, dont 28 millions sur le territoire de l’ancien royaume.
Mais, pendant l’hiver 1798-1799, une nouvelle coalition dirigée contre la France s’ajouta à des insurrections royalistes en divers points du pays. À l’été 1799, la situation militaire était devenue critique, car les conquêtes de la République engendraient dans les pays conquis de multiples mécontentements, sociaux, nationalistes et religieux. En Belgique, une guerre des paysans dut être réprimée. En Suisse, les ruraux catholiques menaient une guerre d’embuscade. En Calabre, les insurgés chassaient progressivement les Français, qui perdirent Naples. Dans toute l’Italie, les insurrections et les coups de main tenaient les troupes en alerte. Le Directoire tenta en vain un débarquement en Irlande alors que Bonaparte se trouvait en difficulté en Égypte où il avait subi une défaite navale et s’enlisait dans un conflit avec les Turcs.
La situation devenait critique sur le plan militaire.
À SUIVRE