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Le blog d'André Boyer

RWANDA

25 Octobre 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

RWANDA

À priori, nous avons tous quelques idées sur le Rwanda, un pays autrefois colonisé par la Belgique, qui a connu un génocide dont la France semble n’être pas tout à fait innocente et qui est dirigé par Paul Kagame, ce dernier,  officiellement pour la raison précédente, ne se présentant pas vraiment comme un ami de la France.

 

Essayons donc de remettre ces idées reçues en ordre :

Depuis la capitale du Rwanda, Kagali, Paul Kagamé règne, c’est le moins que l’on puisse écrire, sur ce pays, dit « des mille collines » depuis le 24 mars 2000, qui le réélit sans aucune difficulté depuis.

Un petit pays au demeurant, 26338 km2, un peu plus petit que la Belgique, peuplé de 13 millions d’habitants (2021), et dont la population va continuer à croitre de 2,5 % par an, grâce à un indice de fécondité de 4,2 enfants par femme (2015).

C’est un pays dépourvu de ressources minières et énergétiques, enclavé puisqu’entouré de quatre pays, l’Ouganda au nord, le Burundi au sud, la Tanzanie à l’est et, pour le malheur de cette dernière, par la République du Congo à l’ouest.

Trois ethnies, les Hutus, les Tutsis et les Twa composent sa population, je n’ose écrire cohabitent. Elles usent de la même langue, le kinyarwanda, mais le pays s’autorise trois autres langues officielles, dans l’ordre l’anglais, le français et le swahili. La pénurie foncière et le manque de perspectives de développement ont provoqué de fortes tensions sociales et politiques qui préexistaient à la colonisation et qui ont culminées avec le génocide de 1994.

Prenons aussi conscience, du point de vue géographique, qu’il s’agit d’un pays de hautes terres bien arrosées, composé de trois parties bien distinctes, un fossé d’effondrement occupé par le lac Kivu à 1460 mètres d’altitude et prolongé par une petite plaine, la seule partie du Rwanda située à moins de 1000 mètres d’altitude, un grand escarpement qui domine le lac Kivu de plus de 1000 mètres et son versant oriental qui décroit de 2000 à 1200 mètres. Au sud se dresse la chaine des Virunga, un ensemble volcanique spectaculaire, avec le volcan Karisimbi situé à 4507 mètres (le Mont Blanc 4805 mètres) et partout, d’innombrables collines…

Le Rwanda est un pays densément peuplé, avec une croissance démographique encore forte, mais qui se ralentit comme partout dans le monde (cf. mes billets sur la démographie). Le génocide, même s’il n’a été qu’une parenthèse dans la dynamique démographique du pays, a eu des conséquences extrêmes : entre cinq cent mille et un million de morts, de gigantesques déplacements de populations et des traumatismes familiaux sans précédents.  

Malgré ces évènements dramatiques, le processus de densification de l’espace, entamé après 1945, se poursuit, atteignant aujourd’hui plus de 400 habitants au km2 et faisant du Rwanda le pays africain le plus densément peuplé.

Sur cet espace, on trouve un habitat dispersé avec des rugo, enclos familiaux entourés des parcelles cultivées, qui a récemment évolué vers des regroupements autour des marchés, des paroisses, des équipements de santé et administratifs encouragés par une politique de villages. Une nouvelle donne urbaine émerge autour de la capitale, Kigali et son million d’habitants, qui devrait provoquer de grandes mutations, ne serait-ce qu’en raison des faibles perspectives de progrès dans des campagnes aux effectifs humains pléthoriques (cf. mes billets sur la révolution agricole en cours).

Aujourd’hui, le Rwanda reste un pays essentiellement rural, avec une trame foncière composée de micro-exploitations, souvent d’un hectare, qui pratiquent une polyculture complétée par un peu d’élevage autour de la bananeraie familiale.

La banane joue en effet un rôle central dans ces exploitations familiales : elle fournit la « bière de banane » une boisson vendue, offerte et partagée qui cimente les relations sociales. La banane contribue aussi, bien sûr, à l’alimentation des hommes et des animaux, à la fourniture de matériaux pour les toits et les clôtures et à la fumure des champs. À la bananeraie s’ajoute l’assolement saisonnier haricot-sorgho complété par des plantations diverses.  

L’opinion publique occidentale a appris à différencier les Hutus cultivateurs et les Tutsi éleveurs, qui ne sont pourtant pas des ethnies au sens habituel du terme, car tous parlent la même langue, le kinyarwanda, partagent de nombreuses valeurs culturelles et cohabitent depuis longtemps. Cette différenciation entre les cultivateurs hutus et les éleveurs tutsis plonge ses racines dans une période ancienne au cours de laquelle les détenteurs de bétail furent en situation de pouvoir.

 

Mais il s’agit aujourd'hui d’une instrumentalisation politique, car la séparation entre les agriculteurs et les éleveurs est devenue depuis longtemps caduque.

 

À SUIVRE

 

 

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LES INÉGALITÉS ET LES BESOINS AGRICOLES

10 Octobre 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES INÉGALITÉS ET LES BESOINS AGRICOLES

Ces inégalités d’équipement et de productivité entre les différentes agricultures du monde ont des effets très négatifs pour les perdants de la compétition.

 

D’un côté, quelques millions d’actifs qui disposent d’un matériel important et qui utilisent les intrants les plus efficaces, peuvent produire plus de deux mille tonnes de céréales par an pour chaque travailleur ! D’un autre côté, des centaines de millions de paysans, qui ne peuvent utiliser qu’un outillage manuel et n’ont pas les moyens d’acheter les intrants modernes, délivrent une tonne de céréales par an, par travailleur ! Ils ont donc une productivité mille fois moindre. Mille fois ! Car la révolution agricole du XXe siècle a entrainé un centuplement de l’écart entre les deux types d’agriculture.

À cela s’ajoute de fortes inégalités des prix des moyens de production, que ce soit pour la terre comme pour la main d’œuvre, qui entrainent d’importants écarts de prix de revient. Ainsi, dans les grandes exploitations d’Argentine ou d’Ukraine, la terre ne coûte que quelques dizaines d’euros par hectare et la main d’œuvre quelques milliers d’euros par travailleur et par an. Cela explique l’appétit du gestionnaire d’actifs Black Rock pour les terres ukrainiennes. Dans ces grandes exploitations, le prix de revient d’une tonne de blé est inférieure à 80 euros la tonne alors que, dans les exploitations familiales modernes d’Europe de l’Ouest, il est de l’ordre de 150 à 250 euros la tonne. Quant aux centaines de millions de paysans produisant une tonne de céréales par an, le prix de revient moyen s’élève à 400 euros la tonne

La faible productivité confrontée aux bas prix des produits agricoles expliquent pourquoi 70% des pauvres vivent en milieu rural. Selon la FAO, les trois quarts des personnes sous alimentées sont des ruraux, alors que cette dernière relève que cette pauvreté paysanne massive provient aussi du manque d’accès à la terre, confisqués par de grands domaines publics ou privés. Beaucoup de paysans ne disposent en conséquence que de quelques ares qui ne leur permette pas de couvrir les besoins alimentaires de leurs familles et ils sont contraint d’aller chercher du travail au jour le jour pour des salaires dérisoires.

Ces populations n’ont aucune autre opportunité d’emploi salarié ou d’auto-emploi dans un secteur non agricole ni d’accès à un quelconque système de sécurité sociale. Leur dépossession signifie donc leur éviction de tout moyen d’existence.

La situation économique des paysans sans terre est encore plus grave, si c’est possible. Souvent contraints de migrer en fonction des travaux saisonniers, ils sont particulièrement frappés par la pauvreté, les maladies, les accidents du travail et le chômage. Leur nombre est estimé à 450 millions de personnes, alors que loin de se ralentir, les acquisitions de terre ont au contraire tendance à s’accroitre.

Elles sont le fait, soit d’entreprises privées diverses, compagnies agro-alimentaires, d’institutions financières, soit de fonds souverains qui, comme la Chine ou les pays du Golfe, visent soit la sécurisation de leurs approvisionnements en denrées agricoles soit d’étendre leurs activités en prévision d’un accroissement des prix agricoles à moyen terme.  

Au total, les formes d'agriculture issues de la deuxième révolution agricole ne paraissent ni généralisables ni soutenables à long terme pour des raisons économiques, sociales et écologiques.

En effet, le sort des centaines de millions de paysans qui n'ont pas les moyens d'acheter des engrais minéraux ou des pesticides va s’aggraver car le prix des engrais va probablement augmenter en raison de l'accroissement des coûts d'extraction des phosphates et de la hausse du prix de l'énergie nécessaire pour fabriquer les engrais azotés. Ce ne sont pas les nouvelles formes d'agriculture qui les emploieront, car, justement, elles ne demandent que peu de main-d’œuvre.

En outre, du côté des méfaits écologiques de la seconde révolution agricole, certains pensent que les plantes génétiquement modifiées (PGM) pourraient contribuer à résoudre certains des problèmes environnementaux car elles nécessitent moins de pesticides, alors qu’elles couvrent aujourd'hui plus de 10% des superficies cultivées du monde alors que les superficies en agriculture biologique représentent moins de 2% des superficies cultivées. Mais étendre la culture des PGM est particulièrement risqué dans les régions tropicales parce que les écosystèmes cultivés y sont plus complexes que ceux des régions tempérées et que les variétés sauvages de plantes tropicales sont susceptibles de se croiser avec des PGM cultivées.

Compte tenu de ces risques, de plus en plus d'auteurs appellent à une nouvelle révolution agricole, la « révolution doublement verte », fondée sur des pratiques respectueuses de l'environnement, accessibles aux producteurs pauvres, et tirant parti au mieux des fonctionnalités écologiques naturelles des écosystèmes. Des écosystèmes cultivés de ce genre existent déjà dans plusieurs régions agricoles très peuplées du monde, comme dans certains deltas d'Asie du Sud-Est, aux alentours de Pondichéry en Inde, au Rwanda et au Burundi, au Yucatán et à Haïti. Ces écosystèmes cultivés associent étroitement sur une même parcelle des cultures annuelles, de l'arboriculture, de l'élevage et même de la pisciculture, produisant ainsi de très fortes quantités de biomasse utile par unité de surface.

Il reste que, quelle que soit l’évolution des techniques agricoles, les défis à relever par les agriculteurs du monde seront immenses d’ici 2050. Avec l’augmentation prévue de la population malgré la baisse de la fécondité, les besoins en kilocalories d'origine végétale pour nourrir la population humaine pourraient doubler à l'échelle mondiale d’ici 2050 par rapport à leur niveau de 1995, auquel s’ajoute les matériaux pour produire des textiles, des bois, de la pâte à papier et des agrocarburants. En outre, il sera nécessaire de mettre en place des politiques de développement agricole durable qui permettent aux centaines de millions d'agriculteurs pauvres de couvrir leurs coûts de production, de vivre correctement de leur travail, d'investir et de progresser en productivité.

Les éléments déterminants de ces politiques seront le niveau et la stabilité des prix payés aux producteurs agricoles, la répartition de l'accès aux ressources productives, la terre, le crédit et l'eau d'irrigation.

 

Au début du XXIe siècle, les inégalités des conditions de travail et de productivité n'ont jamais été aussi fortes, mais elles doivent être corrigées à l'horizon de 2050, du point de vue de la productivité et des inégalités pour répondre aux besoins de la population humaine.

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SURVOLER L'AFRIQUE DE LA GESTION

3 Octobre 2024 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

AVEC AIR AFRIQUE (1961-2002)

AVEC AIR AFRIQUE (1961-2002)

Cette même année 1996, j’effectuais avec mon ami, le Professeur Jean Claude Tarondeau, un audit de l'École Française des Affaires, antenne de la Chambre de Commerce Française au Maroc.

 

La mission résultait d’un accord entre la FNEGE et le Ministère des Affaires Étrangères qui s’inquiétait des subventions qu’il versait à une École des Affaires qui semblait peu efficace au plan des recrutements.

Nous avons donc découvert une école qui abritait des formations surtout techniques, perdue au milieu d’immenses bâtiments vides qui étaient situés dans la banlieue de Casablanca, dans le quartier Aïn Sbaa. Cette visite et nos rendez-vous avec la direction de la Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc permirent de nous ancrer dans la conviction qu’il existe partout des fromages, mais le rapport que nous avons rédigé n’a pas permis de modifier sensiblement l’organisation de l’école, qui a ma connaissance est toujours active. 

En 1998, au travers de la FNEGE et à la demande du Secrétariat d’État à la Coopération (SEC), qui sera absorbé par le Ministère des Affaires Étrangères l’année suivante, j’ai été contacté avec quelques collègues pour étudier les moyens de renforcer les formations au management dans l’Afrique Subsaharienne.

Pour ma part, la FNEGE m’a proposé d’évaluer les formations à la gestion au Burkina Faso, au Cameroun et au Gabon. Je me suis donc rendu en premier lieu à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), la deuxième ville du pays peuplée aujourd’hui d’un million d’habitants qui est aussi sa capitale économique.

J’y ai visité l'Institut supérieur de l’information et de gestion (ISIG), aujourd’hui rebaptisé Université Aube Nouvelle qui a depuis considérablement élargi ses domaines de formation. À l’époque, soutenu par le SEC et le CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur), l’Institut délivrait d’excellentes formations techniques en informatique, qu’il était question de relier plus nettement à la gestion des entreprises, constituées surtout de PME locales.

J’ai découvert en effet à Bobo-Dioulasso, bien que l’essentiel des emplois se retrouvent dans l’administration et le commerce, des huileries, de l’agro-industrie lié entre autres au coton, des industries légères comme la fabrication de piles électriques, ainsi que de la mécanique, de la métallurgie et de la chimie.

Revenant par la route à Ouagadougou, la capitale, j’ai pris l’avion pour Douala en faisant escale dans le romantique aéroport de Cotonou.

Douala, que je connais un peu, car j’y ai de grands amis que je visitais lorsque j’allais faire cours à Yaoundé, est une ville industrieuse et foisonnante, peuplée aujourd’hui de six millions d’habitants dans une atmosphère équatoriale.

Nous rencontrâmes surtout à Douala l’œuvre de nos concurrents québécois qui étaient actifs depuis longtemps dans le domaine technique, au travers de l’IUT de Douala et les écoles techniques qu’ils soutiennent. En outre l’ESSEC de Douala nous parut fort bien implantée et il nous sembla qu’il fallait s’associer à ces différentes actions menées sur place, d’autant plus qu’au centre du Cameroun, l’UCAC (l’Université Catholique de l’Afrique Centrale) était aussi active qu’appréciée.

Notre dernière étape nous conduisit à Libreville (Gabon) avant de nous ramener en France. Nous y arrivâmes pendant le week-end, le pire moment pour découvrir Libreville, tant l’ambiance y était faible, sous un ciel uniformément gris. Mais le lundi nous vîmes la ville et le pays sous un autre jour en découvrant l'Institut Africain d'Informatique (IAI), une école inter-États créée en 1971, sous l’égide de l’OCAM (l’organisation commune africaine et malgache), qui semblait emplie de dynamisme et de projets, ce qui nous sembla fort prometteur.

Depuis, de nombreuses écoles de commerce et d’informatique se sont installées à Libreville, dont j’ignore le contenu et le niveau de formation. Reprenant l’avion, nous commençâmes donc à rédiger un rapport qui était plutôt optimiste sur l’avenir de l’enseignement de la gestion en Afrique.

Mais ma propre expérience, fondée sur mes assez longs séjours d’enseignement en Afrique et la direction du Laboratoire de Gestion Africaine que j’avais initié à mon retour de Dakar, où j’avais enseigné la gestion à l’Université Cheik Anta Diop, me murmurait à l’oreille qu’il y manquait la continuité dans l’effort, à commencer par celle de la France et la coopération sans réserve entre les États africains…

 

À la fin de la même année 1998, j’effectuais un mission sous l’égide d’Edufrance en Inde, dont j’attendais beaucoup…

 

À SUIVRE

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