Instantanéité, révérence et nombrilisme
3 Janvier 2009 Publié dans #ACTUALITÉ
Les journalistes ont deux réactions professionnelles qui ne leur permettent pas de saisir la complexité des choses.
Tout d’abord, ils réagissent à court terme, jugeant l'événement instantané sans aucun recul historique. C'est ainsi que le bombardement israélien (400 morts et plus ce n'est pas rien) doit être situé dans le contexte d'une guerre de 60 ans. Un jour, ce conflit qui ne peut pas trouver de solution en lui-même sera dépassé par quelque chose d'autre et l’on n'en entendra plus parler, comme on n'a plus entendu parler des conflits balkaniques qui ont duré de 1820 à 1914 entre turcs et populations orthodoxes, puis ils ont resurgi 80 ans plus tard. Alors condamner les uns ou les autres, chercher des "solutions", c'est vain.
Ensuite, ils sont naturellement du côté du manche, mais comme ils ne sont que des thuriféraires du pouvoir, ils ont besoin de le justifier moralement. D'où la pensée unique. Toute personne qui s'en écarte est doublement condamnée, parce qu'elle les met en cause personnellement et parce qu'elle menace les fondements du pouvoir. C'est ce que fait Dieudonné. Il n'est pas logique, il n'en a pas besoin, il se contente de taper où cela fait mal, le colonialisme, les juifs, le fondement résistant du pouvoir. Donc il doit être vomi, mais ils se rendent bien compte qu'en le faisant, ils le renforcent. Alors, ils guettent la faute impardonnable, ils essayent de l'isoler. C'est de bonne guerre, mais c'est inutile. Dieudonné se contente de montrer leurs contradictions, leurs hypocrisies, et comme tout cela ne risque pas de disparaître, il y aura toujours quelqu'un pour exploiter le filon.
La boucle est bouclée lorsque les journalistes trouvent finalement que le sujet le plus susceptible d'intéresser les spectateurs est naturellement leur vie personnelle à eux, les "médiatiseurs". Ainsi a t-on assisté, vendredi soir à une émission en "prime time" sur FR3 entièrement consacrée à Michel Drucker dont on a tracé l'hagiographie de son vivant, aux frais des téléspectateurs. Comment nous signifier plus clairement que nous, les "citoyens" ordinaires, n'avons qu'un rôle à jouer, celui de spectateurs, complété par celui de contributeurs?
Le grand défi qui nous est lancé, dans une société qui nous raconte des histoires à dormir debout, qui cherche à nous manipuler en faveur du pouvoir et qui nous écarte de la lumière des médias, c'est d'y trouver notre place en tant qu'acteur...