Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

Une société francaise en loques

6 Janvier 2009 Publié dans #HISTOIRE

Quelle société voulez vous laisser à vos enfants ? Nous n’avons, nous individus, qu’une seule arme pour lutter contre la dérive d’une société qui nous opprime, la lucidité. Ces écrits veulent contribuer à une prise de conscience des effets de la tyrannie de l’oligarchie sur la vie de « citoyens » réduits à l’impuissance, jamais consultés, toujours méprisés. Observez ce que vous vivez :

Vous arrivez en France après un séjour à l’étranger, même court. Vous débarquez à Roissy. Des douaniers vous regardent passer, faussement indifférents et indubitablement ennuyés. Comme ils sont héroïques de venir travailler dans ce lugubre aéroport si tôt le matin ! Ils devisent entre eux, sans s’occuper de vous.  Ce n’est pas qu’ils constatent que vous n’avez rien à déclarer ou que votre tête leur plait, mais c’est que leur travail les ennuie. Le fait même de travailler les horripile. Ils mériteraient bien mieux que ce job minable, on les sous-estime, on les sous-emploie, on les sous-paie bien sûr. Leurs chefs sont, par définition, des incapables. Heureusement qu’ils ont les trente-cinq heures, les RTT, les congés, la retraite à 55 ans ou 56 ans, la pêche, les copains.  Et vous voudriez qu’ils soient sympathiques, souriants, zélés ? Voilà ce que vous exprime le regard torve qui vous accueille.

Avec la coopération gracieuse et involontaire des douaniers, vous êtes tout de suite dans l’ambiance que vous retrouverez partout, dans les rues, dans les magasins, dans les cafés et bien sûr dans les administrations. Bonjour les relations humaines, vous êtes de retour au pays des mécontents de leur sort. Une barrière s’est automatiquement élevée entre vous, qui êtes mal vu à priori, et celui qui est chargé de vous aider, de vous servir ou de vous contrôler. Le fait que vous rémunériez ses services, soit avec votre argent personnel (le serveur de café) soit avec vos impôts (le douanier), n’impressionne pas le bougon qui vous fait face. Ne lui demandez rien de plus que le strict minimum. Soyez heureux qu’il daigne bien vous écouter, il ferait beau voir, qu’en plus, il vous réponde ou qu’il se presse. « Chacun son tour, Madame, calmez-vous, vous voyez bien que je travaille » comme si c’était un exploit individuel et gratuit. « S’il ne tenait qu’à moi, Monsieur, je serais ailleurs plutôt qu’à vous servir ».

Je crois que vous voyez assez clairement ce que je veux dire, vous l’avez vécu des centaines de fois : vous êtes un gêneur pour celui qui a la lourde charge de vous fournir une prestation quelconque, et il tient clairement à vous faire savoir qu’il n’est à son poste que contraint et forcé par les dures circonstances de la vie, la malchance en fait. Il ne fera que le minimum, et s’il est de mauvaise humeur, rien du tout. Je vous laisse le loisir de nourrir cette réflexion par vos expériences personnelles.

Dans la rue, ne vous avisez pas de sourire à quelqu’un : il vous prendrait au mieux pour un fou. Les « gens » passent, indifférents et maussades, sans vous regarder ni s’intéresser à votre sort. Je ne mentionne que pour mémoire la tête sinistre que font les « gens » dans le métro. Ne les bousculez pas, ne les « calculez » pas, ils pourraient se vexer, venir vous demander des explications ou pire vous agresser. Dans les bus, n’attendez pas que quiconque se lève pour vous laisser sa place. Ne vous aventurez qu’avec prudence sur un passage protégé qui ne sera respecté que contraint et forcé. Évitez de faire remarquer à celui qui vous a doublé dans une file d’attente qu’il est incorrect. Si vous vous y risquez, il se chargera en échange de porter un jugement sévère sur votre intolérance. Intolérance, le mot est lâché qui permet à chacun d’agir à sa guise sans se préoccuper le moins du monde des effets de ses actes sur l’autre. Ne protestez pas, bien sûr, contre celui qui brûle un feu rouge : il serait capable de prendre la peine de s’arrêter pour vous casser la figure. Ce serait une bonne leçon pour vous : en l’interpellant, vous avez insulté sa dignité et vous vous êtes mêlé de ce qui ne vous regarde pas, étant donné que c’est son affaire s’il veut brûler un feu rouge, pas la vôtre.

Dans un immeuble, il est rare que les « gens » se parlent dans les ascenseurs et à fortiori fassent connaissance entre eux, se côtoyant sans s’adresser la parole pendant une décennie ou plus si nécessaire. Sauf si le voisin du haut fait du bruit ou fait couler de l’eau sur votre balcon. Alors le contact s’établit, mais sur le mode de la guerre à outrance.

Je le sais, je brosserais un tableau trop noir des relations sociales à la française, si je n’ajoutais pas qu’elles ne signifient en rien que les individus ne sont ni plus mauvais ni meilleurs en France qu’ailleurs sur Terre, que ces relations sociales n’ont aucun rapport avec les relations affectives qui se créent entre des personnes qui se connaissent et enfin qu’il existe de nombreux contre-exemples, que vous avez en tête comme moi, de personnes rencontrées charmantes, serviables, disponibles, alors que vous vous attendiez, comme moi, au pire. Mais c’est là que le bât blesse : d’une façon générale et à priori, on ne s’attend pas à être bien reçu, ou bien traité, ou bien considéré lorsque l’on prend contact de façon anonyme et impersonnelle avec l’un des habitants de ce pays qui est le mien. L’accueil varie certes selon les régions. Mais aujourd’hui, il diffère moins à l’intérieur du pays qu’en comparaison avec les pays étrangers. Il me rappelle parfois l’accueil que l’on trouvait avant 1989 dans les pays de l’Est. Cette comparaison n’est pas fortuite, car elle signifie que cette insatisfaction tient moins à des facteurs culturels qu’à une insatisfaction ressentie vis-à-vis de l’activité que l’on effectue, et d’une façon plus générale par rapport aux leçons de vie que la société nous a données. Il y a quelque chose de bureaucratique, de glacé, de stalinien dans la société française. Ce n’est pas par hasard que la France soit devenue la patrie de la pensée unique.

 

 

 

 



Je me souviens de ce petit événement banal et sans gravité : un agent de la RATP chargé de vendre des billets dans une station de métro ou il n’y avait pas de distributeurs automatiques et qui a quitté brusquement le guichet qu’il occupait devant une file de dix personnes, arguant hautement que son service venait juste de se terminer à l’heure pile. Que chacun se débrouille !  Il est intéressant que ce soit une histoire banale.

Charmante expression passée dans le langage courant, qui exprime la hargne de celui qui estime que le fait de le regarder est déjà une provocation insupportable. C’est dire s’il a un préjugé favorable sur son prochain.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article