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Le blog d'André Boyer

Vous voulez faire partie de l'élite, pauvre hère?

22 Janvier 2009 Publié dans #HISTOIRE

Je signalais dans mon Blog de lundi 19 janvier, les trajectoires opposées des carrières politiques de Barak Obama et de Jacques Chirac. J’ai choisi l’exemple de ce dernier parce que son mode d’accès au pouvoir illustre jusqu’à la caricature la fermeture des élites françaises, par comparaison avec l’émergence d’un Barak Obama surgi des profondeurs de la société américaine. J’aborderai plus tard l’explication historique de la fermeture, et naturellement les possibilités d’évolution du système français de répartition des pouvoirs.

J’invoque la fermeture des élites. Imaginez un instant que vous, pauvre hère, vous donniez pour objectif d’entrer dans le cercle merveilleux des oligarques afin d’y vivre à votre aise, célèbre et célébré, sinon heureux. Il existe trois voies pour en approcher : le pouvoir politique central, la gloire, qu’elle soit artistique ou scientifique, ou l’argent. Mais, quelle que soit la nature de vos mérites, il vous sera indispensable de soutenir l’oligarchie par vos actes et par vos déclarations si vous voulez qu’elle ne vous élimine pas brutalement. Coluche l’a mesuré, Dieudonné le constate aujourd’hui. Pour être agréé, il est indispensable de ne pas scier la branche sur laquelle l’oligarchie est assise. N’attaquez pas le fonctionnement des institutions politiques. Ne vous offusquez pas du faible pouvoir du Parlement, de l’inutilité du Sénat, de l’omniprésence du Président, de la partialité du Conseil Constitutionnel. Trouvez les institutions de la République plutôt bonnes, même si vous pouvez toujours déclarer qu’elles sont perfectibles, bien sûr. C’est une remarque qui ne choquera personne.

En un mot, soyez Républicain.

Ne vous avisez pas de dénoncer les combines qui lient le pouvoir politique, le pouvoir économique, les medias et les célébrités. Emmanuelle Béart, Claude Bébéar sont de bonnes âmes. La speakerine Béatrice Schönberg a fait un mariage d’amour avec le Ministre Jean-Louis Borloo ; l’un et l’autre font leurs métiers respectifs en toute indépendance. Criez avec les loups, signez les pétitions, allez manifester pour les justes causes, celles qui consistent à dénoncer les injustices extérieures au système comme la faim dans le monde, les ségrégations, la lutte contre les maladies, l’intolérance. Alors vous aurez rempli quelques-unes des conditions nécessaires pour être accepté par l’oligarchie.

Ce n’est naturellement pas suffisant. Pour y pénétrer vraiment, il faudra en outre disposer d’amis d’école, habiter depuis longtemps dans les bons quartiers, avoir rendu des services et être en position d’en rendre de nouveaux. Au sein de l’oligarchie, chacun veille à ce qu’aucun trublion issu d’une lointaine province ou d’une quelconque entreprise ne vienne troubler le jeu. On sait comment les hommes politiques issus de la base comme Pierre Bérégovoy ou René Maunoury ont dû composer, limiter leurs ambitions et capituler face au noyau oligarchique central. Bernard Tapie a cru pouvoir y entrer en force ; sa manière d’agir n’a pas plu, et il s’en est trouvé exclu jusqu’au moment où il a accepté de se limiter au rôle d’amuseur public et où il a rencontré un ami puissant à la tête de l’Etat qui lui a permis de toucher le jackpot.

Une fois entré dans le cercle, il n’existe quasiment aucun risque d’en être ensuite éjecté. Certes, le combat entre les membres de l’oligarchie ne cesse pas pour autant. Il consiste à écarter les rivaux pour la fonction que l’on guigne. Pour les plus ambitieux, le pinacle peut être envisagé qui consiste à obtenir les postes de Ministre, de Premier Ministre voire de Président de la République. Les membres plus modestes du cénacle peuvent toutefois envisager des fonctions plus circonscrites, comme la présidence d’une organisation publique par exemple, qui ont tout de même le mérite de fournir des avantages substantiels et qui ne nécessitent pas de batailles trop farouches. Car si l’on veut s’approcher du cœur battant du pouvoir, la férocité est la règle et le combat occupe presque entièrement les esprits des oligarques qui s’y risquent.

Une oligarchie verrouillée à double tour, donc. Pour survivre, il lui faut se défendre collectivement, ce qui signifie qu’elle se doit de protéger ses membres lorsqu’ils sont attaqués. Et elle le fait avec une rare énergie même pour ses membres les plus indignes. En observant l’acharnement qu’elle y met, on peut mesurer la hauteur de la barrière qu’elle dresse entre elle et le peuple, un rempart qu’elle élève entre l’assassin défendu par « l’élite », l’escroc qui détourne des dizaines de millions d’Euros et n’est condamné qu’à une peine avec sursis, le haut fonctionnaire qui dilapide des milliards d’Euros et jouit tranquillement de la retraite, et ceux qui doivent acquitter tout de suite leurs contraventions pour excès de vitesse même si leur compte en banque est vide, qui perdent leur emploi parce qu’un imbécile a fait une erreur stratégique, ou à qui on inocule du sang contaminé pour faire des économies. Un mur infranchissable, vraiment.

J’en donnerai un exemple dans mon prochain blog, avec l'affaire BRUNI /BATTISTI avant d’en aborder les conséquences.

 


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