Messires les journalistes, par le collier attaché...
20 Février 2009 Publié dans #HISTOIRE
Aujourd’hui, je souhaite vous livrer une ode à la liberté, écrite dans un style percutant par Jean de la Fontaine. Je la dédie à tous ceux qui sentent la marque de la chaîne qu’ils ont autour du cou, et en particulier aux journalistes. Car ils sont fermement enchaînés au pouvoir politique, les pauvres.
Il se trouve en effet que tous les medias reçoivent des subventions du pouvoir politique. Le 27 janvier dernier encore, réunissant avec une familiarité gourmande les directeurs de journaux, le Président Sarkozy leur a donné de quoi manger dans sa main : 600 millions d’euros de subventions supplémentaires sur trois ans pour « aider » les journaux papier et sur Internet, auquel s’ajoutera 20 millions d’euros de « dépenses de communication institutionnelles » supplémentaires par rapport à 2008. Il a même eu l’idée d’offrir à chaque jeune de 18 ans un abonnement gratuit d’un an à un quotidien.
La Presse, vous vous en doutez, n’a pas protesté.
Si l’on sait que les les télévisions sont contrôlées, que les journaux sont subventionnés par l’État, on sait moins que toutes les radios dites « libres » le sont également, ce qui montre clairement que l’une des préoccupations prioritaires de l’État est de contrôler les medias comme il contrôle la culture dans son ensemble, avec les impôts que nous lui versons.
Les radios associatives sont libres en effet, à l’exception de quelques détails…
Il leur faut tout d’abord obtenir l’autorisation d’émettre, accordée par des commissions nommées par l’État. Ensuite, il leur faut s’engager à ne pas percevoir plus de vingt-cinq pour cent de recettes publicitaires, ce qui les autorise à solliciter auprès de l’État des subventions d’équipement et de fonctionnement. En 2002, l’État a encore renforcé son contrôle en publiant un décret qui confie directement au ministre de la Culture le pouvoir de distribuer les subventions aux radios dites associatives. C’est ainsi qu’en 2005, cinq cent soixante-deux radios ont dû à la bienveillance du ministre de recevoir vingt-quatre millions deux cent mille Euros, soit une aide moyenne de quarante et un mille sept cent euros. Aussi n’est ce qu’un extraordinaire hasard s’il n’existe en France aucune radio dissidente, indépendantiste ou royaliste sur les 552 radios dites « libres ».
Je ne puis m’empêcher de vous faire relire la fable de Jean de la Fontaine « Le Loup et le Chien », que je dédie à nos amis journalistes réduits à la servitude volontaire ou involontaire :
Un loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,
Sire loup l'eût fait volontiers ;
Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
« Il ne tiendra qu'à vous beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d'assuré ; point de franche lippée ;
Tout à la pointe de l'épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
- Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens
Portants bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de mainte caresse. »
Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.
« Qu'est-ce là ? lui dit-il. - Rien. - Quoi ? Rien ? - Peu de chose.
- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
- Attaché ? dit le loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encore.
Sauf sur Internet et dans l’édition, on ne trouve plus guère de loups dans les medias et ce n’est pas le ministre de la Culture qui songerait à en réintroduire quelques-uns. Les moutons peuvent dormir tranquille.