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Le blog d'André Boyer

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1 Mars 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

Une crise, nous dit le Petit Robert, est une phase grave dans l’évolution des choses, des événements, des idées. Je crois que la crise a déjà eu lieu, le 15 septembre 2008 lors de la chute de la banque Lehman Brothers et que nous en sommes désormais à la succession logique d’événements prévisibles, au moins dans l’ordre financier et économique, et dans une moindre mesure dans le domaine social, politique et stratégique.

Dans l’ordre financier, il reste bien sûr à remettre en route le système bancaire, notamment en obligeant les établissements financiers à publier des bilans sincères et fidèles. Mais, pendant que l’on ausculte le moteur, la machine financière continue à dévaler la pente. Malgré des taux d’intérêt proches de zéro, la valeur boursière des actions continue de baisser. Encore que les obligations risquent de voler la vedette aux actions, en matière de baisse. La banque centrale chinoise et d’une façon générale les banques centrales asiatiques détiennent l’arme absolue en cette matière. Les liquidités mondiales qu’elles reçoivent sont recyclées auprès du système américain. Or la crise des exportations qui atteint ces pays réduit leur excédent et les contraint à utiliser leurs liquidités pour financer leurs entreprises et relancer leur marché intérieur. Il est probable qu’elles vont souscrire des montants décroissants de Bons de Trésor américain, au moment même où le gouvernement Obama lance un plan de relance de près de deux mille milliards de dollars qui implique une énorme émission de ces Bons. Si de plus le  gouvernement américain finit par lâcher le dollar pour relancer son économie, les achats asiatiques de Bons du Trésor non seulement se ralentiront, mais s’inverseront, provoquant un effondrement du dollar. La zone Euro en subirait les conséquences, mais ce ne serait qu’un deuxième choc qu’il est présomptueux de vouloir décrire à l’avance.

Si on se place du point de vue des détenteurs de monnaie, c’est le dilemme absolu. Ils peuvent se ruer sur l’immobilier avec la certitude de voir la valeur de revente des biens achetés baisser sur le moyen terme, avec l’espoir de regagner sur le long terme, mais quel long terme ? dix ans, vingt ans ? Ils peuvent acheter des actions en partant du postulat que le marché a atteint un plancher, mais rien ne leur garantit que l’effondrement continu des Bourses ne se poursuive pas. Ils peuvent acheter des obligations qui risquent fort de s’effondrer si le niveau de risque croissant puis l’inflation probable à terme font encore monter les taux d’intérêt. Et s’ils décident d’acheter de l’or, ils se livrent à une pure spéculation. Quant à  conserver des liquidités, c’est le risque de les voir fondre en cas d’inflation. Quel que soit le scénario, il est vraisemblable que les détenteurs de capitaux  seront probablement moins riches à la fin 2009 qu'au début de l’année.

D’autant plus que sur le plan économique rien n’est joué. On peut toujours croire que les plans de relance vont réussir ou à tout le moins ne pas aggraver la situation et que l’économie redémarrera bientôt. Mais la relance peut aussi échouer et l’inflation en sera à la fois le symptôme et la conséquence. On voit bien que les États et les banques centrales, effrayés par la déflation et ses risques sociaux politiques, sont prêts à faire tous les plans de relance imaginables, à injecter autant d’argent que possible y compris en nationalisant les banques pour pouvoir prêter à guichet ouvert. L’inflation pointe donc son nez à l’horizon, d’autant plus que les banques centrales, traumatisées par la fragilité du système financier, ne remonteront pas leur taux tant qu’elles n’auront pas constaté un retour des bénéfices des banques et l’absorption complète des titres toxiques. Dans le passé, on a toujours observé que les phases de baisse de taux se terminaient par de l’inflation, en raison de l’incapacité des banques centrales à resserrer assez rapidement le crédit pour la freiner.

À moyen terme, on peut s’attendre à ce que l’Europe et les Etats-Unis subissent longtemps, une décennie peut être ou plus, une croissance zéro et une forte inflation pour digérer les excès d’endettement passés, présents et futurs. Les conséquences sociales et politiques en sont faciles à décrire dans leurs grandes tendances. C’est une période de grandes tensions qui s’annonce dans le monde entier. La tentation stratégique pour les dirigeants politiques de se servir de ces mouvements pour conforter pour quelques décennies la prééminence des Etats-Unis ou redistribuer les cartes en Asie ou partout où surviendront les crises est grande. Y compris l’idée luciférienne qui rode dans le cortex des peuples, celle de faire une guerre pour sortir de la crise.

Vous voilà prévenu : la décennie risque d’être agitée. Il ne vous reste plus qu’à en tirer les conséquences de votre choix: se mettre en position de combat, se claquemurer ou s’en moquer…

 

    



La lecture de l’ouvrage de Naomi Klein, La Stratégie du Choc, est instructive à cet égard.

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