Pourquoi la pensée unique?
3 Mars 2009 Publié dans #HISTOIRE
Dans un blog récent sur l’indépendance des journalistes, j’écrivais qu’il n’y avait plus beaucoup de loups dans les medias.
Bien que j’imagine que beaucoup d’entre ces journalistes enragent secrètement, l’efficacité du contrôle sur les discours des journalistes est spectaculaire. On a pu le vérifier avec éclat lors du dernier et rare referendum portant sur la constitution européenne. Dans notre grande démocratie française cent pour cent des éditorialistes se sont prononcés pour le « Oui ». Aucun media national ni régional, à l’exception de l’Humanité qui suivait les consignes du PCF, ne s’est prononcé pour le « Non ». Il est regrettable pour l’efficacité du système que le résultat de ce bourrage de crâne n’ait pas été à la hauteur des espérances de l’oligarchie.
Cette merveilleuse convergence des journalistes et du pouvoir n’est pas le fruit du hasard. Autrefois, les journalistes des chaînes publiques se plaignaient de recevoir des instructions du ministre de l’information. Aujourd’hui cela n’arrive plus, paraît-il, mais tout se passe comme si chacun recevait le même message subliminal que l’on a fini par qualifier de pensée unique, un fait observé par chacun d’entre nous de manière si indiscutable qu’il nous paraît moins nécessaire de le démontrer que d’en rechercher l’explication.
La justification première de la pensée unique, qui fait la gloire des penseurs officiels, est tout simplement que l’union de nos penseurs patentés croit détenir la vérité. Ils savent ce qui est bien et ce qui est mal. Ils ont compris la complexité des événements, de la guerre en Irak aux subtilités de la politique économique de la Banque Centrale Européenne en passant par les complexes équilibres de la société française. Il nous suffit de nous rallier à leur opinion. Lorsque nous sommes d’avis contraire, c’est parce que nous sommes soit de mauvaise foi, soit mal informés. Ils en concluent que nous avons besoin de plus de « pédagogie ».
Pourtant, quand on y pense avec quelque recul c’est une prétention extravagante que de revendiquer la vérité en matière d’opinion politique et de morale. D’autant qu’il est assez difficile d’accepter qu’une actrice ou qu’un chanteur, dont on connaît parfois la vie torturée, vienne nous exhorter à nous aligner sur ses opinions simplement parce qu’elle a une plastique avantageuse ou qu’il a une belle voix. Il nous est également plutôt pénible d’entendre un animateur, dont on connaît les honoraires mirobolants, nous donner des leçons de générosité sur les ondes que nous finançons de nos impôts. Il nous est encore plus douloureux de supporter qu’un homme politique, qui a passé sa vie à trahir ses engagements, nous demande de le croire. Quant à l’objectivité des journalistes, il suffit d’observer leur attitude face aux puissants qu’ils flattent de leurs questions complaisantes et de la comparer avec celle qu’ils prennent face aux boucs émissaires médiatiques qu’ils lardent de leurs critiques acerbes, puisque tout le mal vient de ces pelés, de ces galeux. Se tournant vers leurs auditeurs et téléspectateurs, s’arrogeant le monopole de la parole comme si l’une et l’autre n’appartenaient de droit qu’au cercle étroit de l’oligarchie à laquelle ils appartiennent, nos commentateurs n’estiment pas incongru de les exhorter à penser comme eux. D’un côté, le monopole de la vérité, de l’autre côté le silence.
Mais il existe une explication plus terre-à-terre de ce monopole de la vérité revendiquée par la pensée unique, en dehors du contrôle financier exercé par l’État sur les medias. Elle réside dans la proximité sociologique qui rassemble les journalistes, les hommes politiques au pouvoir, les intellectuels reconnus et les artistes, une proximité quasiment physique.