Le bouleversement de la pensée
11 Mars 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE
Nous avons vu comment l’esprit audacieux des Européens du XVe siècle les a conduits en Amérique,, provoquant la brutale réduction de la population installée, sous le choc microbien et viral qu’elle subit, au contact de peuples européens dont elle était séparée depuis la nuit des temps. Tous ces chamboulements font évoluer fortement la pensée européenne :
Au Moyen Âge, la menace du Jugement Dernier qui planait sur chaque personne était encadrée par l’Église dont le rôle, en tant qu’institution, était de rassurer les populations. La catastrophe de la peste provoqua une montée de l’angoisse individuelle face à la mort, tandis que l’Église commençait à être perçue comme une institution qui envahissait de manière excessive le champ du pouvoir terrestre. Un débat apparut entre les tenants de l’institution ecclésiastique et les doctrinaires de la liberté individuelle face à Dieu. Il déboucha sur un conflit violent lorsque Luther, partisan de la liberté de conscience, voulut revenir aux Écritures Saintes et à la gratuité du rapport entre l’homme et Dieu.
L’Ecriture, le rôle des prêtres, l’organisation de la connaissance, tout fut examiné. Les manières de raisonner furent bouleversées sans toutefois que la clef de voûte de la croyance en Dieu ne soit ébranlée. Ni l’évidence d’un Dieu transcendant, ni son apparition dans l’histoire, ni les Écritures Saintes ne furent remises en cause. Ces certitudes furent finalement ébranlées au cours du XVIe siècle, entraînant l’émergence d’une nouvelle manière de penser, d’un nouveau paradigme.
Avec la science, on crut que la vérité « vraie », pour utiliser ce pléonasme, était à portée de main. La confiance dans les pouvoirs de la science s’adossait solidement à l’expérimentation et à la raison. La preuve de son succès résidait dans les changements de la vie matérielle que chacun pouvait constater. C’est toujours le cas. Les maladies sont identifiées, des méthodes de soin plus efficaces sont inventées ; à partir de cette époque, le fléau de la famine concerne une proportion de plus en plus faible de l’humanité, la quantité d’énergie utilisable par l’homme s’accroît sans cesse. En outre, au XVIe siècle, les maîtres de la science se donnaient la satisfaction de dominer tous les peuples du monde.
La science avait changé la condition humaine, dans une proportion et d’une manière à première vue radicalement différente de tous les lents changements qui avaient auparavant affecté l’histoire de l’humanité. Il était assez naturel de croire qu’elle détenait, enfin, les clefs de la vérité. On pouvait au moins penser que si la science ne les détenait pas, aucune autre méthode ne permettrait de les détenir, car la méthode scientifique semblait indépassable par quelque autre méthode que ce soit.