Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

Quand on crie au loup: l'affaire Marie Leblanc

19 Mars 2009 Publié dans #HISTOIRE

Un nouveau film sort sur les écrans, « On a retrouvé la fille du RER D » d’André Téchiné. On pouvait espérer qu’il traite de la manière dont les politiques et les medias se sont emparés du mensonge de Marie Leblanc pour en faire une affaire de racisme qui les arrangeait bien. Mais non, il semblerait qu’André Téchiné se soit intéressé à la genèse du mensonge et à ses conséquences politiques, plutôt qu’à la manière dont les hommes politiques cherchent à nous manipuler.

Contrairement à André Téchiné, j’aurais tendance à croire qu'il est plus important pour nous de comprendre pourquoi et comment nous sommes manipulés que de décortiquer les affabulations d’une jeune femme . Rappelez vous, en 2004, de nombreuses agressions de juifs avaient été répertoriées, le plus souvent commises par des jeunes d’origine arabe. On les expliquait par le conflit aigu qui opposait la Palestine et Israël, incitant des exaltés à « venger » leurs frères palestiniens aux dépens de passants israélites rencontrés aux abords des écoles, dans les rues et les transports publics.

Dans ces conditions, le pouvoir politique se trouvait dans l’obligation de dégager sa responsabilité face à ces actes d’agression. Une technique classique consistait à dénoncer tous les actes de violence « d’où qu’ils viennent » et à dénoncer pêle-mêle le racisme et l’antisémitisme. C’est ce que fit de manière routinière le Président Jacques Chirac le jeudi 8 juillet 2004, en prononçant un discours largement relayé par les medias qui fustigeait les agressions racistes et antisémites.

En conséquence, personne ne s’étonna le lendemain qu’une jeune femme porta plainte à la suite d’une agression antisémite qu’elle aurait subie dans le RER. Alors que l’on croyait y voir une illustration providentielle des paroles du Président de la République, on ne savait pas que c’était exactement l’inverse qui s’était produit. La jeune femme avait instrumentalisé le discours du président à son propre usage.

L’information sur la supposée agression tomba sur le fil de l’Agence France-Presse le samedi 10 juillet 2004 à 19h42. Deux heures après, sans perdre de temps ni s’embarrasser de précautions, le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Dominique de Villepin, fut le premier à réagir pour condamner cette ignoble agression. Quelques minutes plus tard, le Président Jacques Chirac lui emboîta le pas en faisant part de son « effroi » et de son souhait de voir les auteurs de l’agression jugés et condamnés avec toute la « sévérité » qui s’imposait. Les medias relayèrent immédiatement et largement les communiqués indignés des responsables politiques. Aussitôt, toute la classe politique relayée par les milieux associatifs se joignit à l’indignation générale. La LICRA parla des « nazis de banlieue » qui défiaient la France. Les syndicats réclamèrent plus de personnel sur les lignes de banlieue, l’opposition parlementaire demanda des moyens supplémentaires : chacun était dans son rôle. Le Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, se joignit à la meute en fustigeant la « lâcheté » des Français qui avaient assisté passivement à cette agression et qui tardaient à apporter leur témoignage : notez cette tendance à fustiger spontanément le « peuple ». Après cette salutaire admonestation, il invita ses compatriotes au « courage citoyen ». La secrétaire d’État aux Droits des victimes, Nicole Guedj, se fit un devoir de recevoir la « victime » qu’elle trouva avec perspicacité « sincère et choquée ». Trois jours plus tard, l’Assemblée Nationale craignant d’être en retard d’une posture démagogique, suspendit ses travaux afin de permettre aux députés de participer à la manifestation qu’organisait le Parti Communiste contre le racisme et l’antisémitisme.

Pendant ce temps, la police judiciaire de Versailles enquêtait. Elle ne trouvait aucun indice qui aurait corroboré la pseudo agression. Comme elle discernait des contradictions dans les déclarations de Marie L., cette dernière fut contrainte, le mardi 13 juillet 2004, d’avouer que son agression était pure invention de sa part. Elle n’avait nullement été victime d’une agression antisémite. Simplement, elle avait à régler le paiement d’une voiture d’occasion qu’elle avait acheté sans en avoir les moyens financiers. Comme elle avait entendu le président Chirac fustiger le racisme et l’antisémitisme, elle avait eu l’idée de monter un scénario d’agression qui lui éviterait de régler la somme due, au moins provisoirement. Dans le passé, elle avait déjà porté plainte pour des agressions sexuelles qui n’avaient jamais été vérifiées. Cette fois-ci, lorsqu’elle affirma avoir été victime le vendredi 9 juillet 2004, sur la ligne D du RER d’une agression commise par six jeunes maghrébins et Africains qui avaient, la croyant juive, lacéré ses vêtements, coupé une mèche de ses cheveux et dessiné au marqueur une croix gammée sur son ventre, elle ne se doutait pas que son stratagème déclencherait une affaire d’ampleur nationale.

On vit donc qu’à force de passer en boucle tous les soirs à la télé des croix gammées peintes sur des tombes, d’appuyer le trait en complétant les images par des discours réprobateurs du président de la République, quelqu’un finirait par avoir l’obligeance de mettre en scène les événements racistes que l’oligarchie attendait comme pain béni afin de pouvoir dénoncer avec la dernière énergie des comportements ignobles qui apportaient la démonstration que son analyse était juste. L’oligarchie a en effet besoin de racistes et d’antisémites patentés pour montrer au peuple français ses mauvais penchants, justifier les lois qui répriment non seulement les actes mais les propos qualifiés de racistes. Par contraste, l’oligarchie, elle, n’est pas raciste. Elle est généreuse. La preuve réside dans la dénonciation inlassable du racisme par les hommes politiques, les intellectuels, les artistes et les medias. Il reste bien sûr à démontrer au peuple qu’il est raciste pour que l’oligarchie puisse se doter d’une légitimité morale. La tentation est grande de fabriquer de toutes pièces une société ad hoc. C’est ainsi que l’affaire Marie L. qui se voulait illustrative, a fini par tourner à la confusion du monde politique et des medias pris la main dans le sac à bourrer les crânes de leurs concitoyens.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article