Big Brother
31 Mars 2009 Publié dans #ACTUALITÉ
En pratique, que d'entorses à ce système! Les citoyens français n'élisent pas DES représentants pour décider à leur place mais UN représentant dont tout découle. Le président décide de tout, sans que les assemblées ne puissent s'y opposer, puisque les membres de la majorité sont désignés par lui. Et comme l'Assemblée est élue en même temps que lui, comment les électeurs pourraient-ils voter à la fois pour le Président et pour une Assemblée qui lui soit opposée? Seul le Sénat conserve quelque indépendance par rapport au Président. Les maires, les conseillers départements et régionaux de la majorité lui sont de même inféodés, puisque leur investiture dépend du Président. Et comme les partis, en fonction du nombre de voix qu'ils obtiennent sont financés par l'Etat et que la double élection présidentielle et parlementaire octroie par définition au Président le parti majoritaire, c'est ce dernier qui a le plus d'argent pour financer les campagnes électorales. Il reste malgré tout des régions, des départements et des villes qui sont dirigées par des partis, ou plutôt par le parti d'opposition. Mais la puissance de l'État centralisé les contraint à se plier largement aux décisions de l'État. Comme enfin, les élus peuvent être indéfiniment réélus et occuper plusieurs postes, on voit bien que la politique est une carrière professionnelle dont le succès dépend de la capacité de celui qui la choisit à obéir à long terme au parti qu'il a choisi et à court terme aux injonctions du Président.
Voilà pour la structure du pouvoir qui échappe grandement aux citoyens, sauf à choisir une sorte de Gorbachev décidé à casser tout le système. Car un Président classique n'a qu'une idée en tête, renforcer son pouvoir dans le cadre d'un système qu'il cherche à pérenniser. Les conséquences sont nombreuses et facilement observables. Dans les jours derniers, on a pu observer que l'Ile de Mayotte est devenue le 101eme département français sans que les citoyens français n'aient été consultés, qu'Yvan Colonna a été condamné pour le meurtre du préfet Erignac sans que le tribunal n'est daigné accepté de vérifier la totale vraisemblance de l'accusation en procédant à une reconstitution de l'assassinat, que la ville de Strasbourg a été transformée en zone militaire pour le sommet de l'OTAN, que le Parlement sur injonction du Président s'apprête à voter une loi absurde sur les téléchargements de films et de musique. On se rappellera l'obstination du Président à vouloir vider de son contenu le vote négatif du référendum sur la Constitution Européenne, sa décision personnelle de supprimer la publicité à la télévision publique et de nommer directement son PDG. On mesurera l'omniprésence de la propagande dans les médias en faveur des directives de la Présidence, l'arrogance de la police face à la population et en particulier vis à vis des automobilistes.
En bref, la France est un pays dont tout l'effort de ses dirigeants consiste à contraindre les citoyens à accepter que le rapport de subordination des dirigeants au peuple soit renversé. Derrière le paravent des lois votées par ceux à qui les citoyens ont donné délégation, il faut que le peuple obéisse à la classe dirigeante afin que cette dernière puisse se maintenir au pouvoir tout en étant légitimée par l'onction démocratique. Big Brother veille pour que vous obéissiez.
Ce dernier a bonne conscience: c'est théoriquement vous qui l'avez désigné. La question qui se pose reste pourtant la suivante: qui d'autre que Big Brother, qu'il se prénomme Nicolas ou Segolène, auriez vous pu en pratique désigner? Il vous reste la possibilité d'écrire ce que vous pensez, comme je viens de le faire. Mais comme cela n'a aucun impact sur le pouvoir du Président et de ses affidés, la démocratie française peut s'en accommoder. Mieux encore, elle démontre ainsi à peu de frais qu'elle est...démocratique!
Merci, Big Brother, de m'avoir autorisé à me défouler. Vous êtes trop bon avec le peuple. Merci encore.