Les signes d'entropie
14 Avril 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE
Si l’homo faber ne s’arrête jamais, il reste à définir une direction nouvelle pour soutenir le développement de l’humanité.
Partie de l’Europe, la vague de mutation est désormais sortie de son giron occidental pour toucher toutes les sociétés du monde. Un processus d’unification culturelle et d’égalisation matérielle est en cours, dont on ne peut qu’observer le développement sans pouvoir en imaginer les conséquences. Le monde entier se trouve désormais dans un système condamné à la surenchère : toujours plus de produits, de croissance, de nouveauté, sans que la direction religieuse, philosophique ou politique de cette course ne soit clairement définie par quiconque. Un large, mais vague consensus semblait exister autour de quatre orientations générales :
- L’incapacité à imaginer une autre direction que celle de l’économie de marché.
- La nécessité d’intégrer tous les peuples dans un processus de mondialisation.
- La validité du système politique démocratique.
- L’universalité de la notion de droits de l’homme.
Or tous ces principes vacillent, presque en même temps, du fait des perturbations que provoquent les changements voulus et subis par les populations humaines. L’économie de marché, notamment du point de vue de la justice, de l’écologie et même de l’efficacité, dans sa composante financière, provoque une profonde perte de confiance dans la validité universelle de ses principes. On réclame de plus en plus de régulation, donc de plus en plus de limitations de ses effets et au final de plus en plus de renoncements à sa dynamique.
L’intégration des populations dans le processus de mondialisation perturbe profondément les équilibres internes de sociétés fondées sur des principes séculaires. Elle entraîne une migration massive des populations menacées de disparition vers les zones les plus riches, ce qui altère les fondements des cultures qui ont engendré la révolution scientifique et industrielle.
Le système politique démocratique fondé sur les opinions de populations stables et peu nombreuses, résiste mal aux changements de styles de vie. Appliqué à des populations urbanisées et hétérogènes, il doit désormais être piloté par des professionnels de la politique et des medias dont la légitimité est inconsistante.
Les droits de l’homme appliqués de manière élastique par des sociétés qui en contestent les fondements culturels sont dénoncés comme une arme stratégique de domination, tandis que les inégalités matérielles et éthiques rendent vaine la revendication toute théorique de leur application.
Au-delà des principes, la mécanique du développement s’enraye d’elle-même. L’implosion démographique s’installe comme une menace qui aboutira à la disparition de l’humanité au cours du XXVe siècle si elle se prolonge jusque-là, tandis que la surexploitation des ressources de la biosphère engendre une pollution de moins en moins supportable par l’espèce humaine et l’épuisement des matériaux nécessaires au système de vie de la société post industrielle.
En partant de l’ensemble de ses observations, il semble manifeste qu’en ce XXIe siècle, l’humanité se rapproche de ses limites de survie, définie par sa capacité à se maintenir sur l’écorce terrestre. La situation n’est cependant pas nouvelle, elle s’est déjà produite à la fin de la période de chasse et de cueillette, et à plusieurs reprises durant la période agricole. Mais elle n’a jamais été aussi globale pour l’humanité, qui est désormais sommée d’inventer une nouvelle métamorphose.