Le Piratpartiet va t-il réveiller les moutons?
9 Juin 2009 Publié dans #ACTUALITÉ
Il y a quelques jours, j’écrivais dans mon blog ce que le Parti Pirate défendait en Suède, c’est-à-dire les droits civiques sur le Web, comme Solidarnosc défendait les droits syndicaux dans la Pologne de la fin de l’ère communiste. L’enjeu est peut-être plus important que vous ne le pensez.
Aujourd’hui, le Piratpartiet entre modestement au Parlement Européen, puisqu’il a obtenu 7,1% des suffrages exprimés en Suède lors de l’élection européenne du dimanche 7 juin, ce qui lui a permis d’y obtenir un siège de député. Ce résultat est cependant significatif car il marque l'avènement d'Internet comme un enjeu de la contestation politique, une contestation qui est le fait d'une nouvelle génération de jeunes électeurs en rupture avec les partis traditionnels. Et cette contestation risque de gagner les autres pays européens et la France en particulier.
Fondant sa campagne sur la légalisation de l'échange gratuit de fichiers sur Internet et la dénonciation d’une surveillance des internautes qui menace leur liberté individuelle, le Piratpartiet a obtenu 23,6% des voix chez les moins de 30 ans, arrivant en tête des partis suédois chez les jeunes électeurs. Le chef du Piratpartiet, Rick Falkvinge, en conclut que les politiciens traditionnels ne comprennent pas l'importance des libertés fondamentales pour les jeunes, parce qu’ils ne sont pas connectés. Il ne se rendraient pas compte que cette affaire de contrôle du Web n’est pas mineure pour une géneration qui a le sentiment, excessif d’après ces politiciens peu branchés, que son mode de vie en est menacé. C’est pour cela que les jeunes se sont rendus aux urnes pour soutenir le Piratpartiet.
Alors que le Piratpartiet était quasiment inconnu, les lois suédoises portant sur la surveillance des télécommunications et sur le durcissement des sanctions du téléchargement illégal en ont fait un outil de protestation contre une législation contestée et un instrument de défense des internautes. À la mi-avril 2009, la condamnation à un an de prison ferme par un tribunal de Stockholm de quatre responsables du site d'échange de fichiers, The Pirate Bay, a suscité une telle vague d'adhésions au Piratpartiet que ce dernier a triplé le nombre de ses adhérents en une semaine, celui-ci passant de 15000 à 45000 membres.
Personne ne peut prédire si le député unique du Piratpartiet est l’avant-garde d’une armée de contestataires ou le témoin unique d’un phénomène éphémère. Tout dépendra de l’intensité de la prise de conscience des peuples européens. Pour ma part, je ne crois pas du tout, comme l’affirme gentiment Rick Falvinge, qu’il s’agisse d’un malentendu entre les jeunes et des politiciens rétrogrades qui ne « comprendraient » pas les besoins des Internautes. Au contraire ils ne les comprennent que trop bien, et ils veulent les mater le plus vite possible pour qu’ils rentrent dans le troupeau avant que quelques manettes du pouvoir n’échappent aux politiciens.
Une observation même rapide et superficielle des messages médiatiques montre à tout observateur impartial que la volonté de réduire la liberté des citoyens est la préoccupation permanente des politiciens, qui se voient bien à la fois en bergers et en prédateurs du troupeau de moutons qu’ils dirigent vers des voies plus ou moins verdoyantes avec l’aide de leur arsenal médiatique. Il n’est guère acceptable pour eux qu’un nouvel espace de liberté s’ouvre sur Internet. L’affaire du contrôle du piratage leur offre l’opportunité de faire comprendre aux internautes qu’ils sont surveillés et donc qu’ils doivent se tenir à carreau.
Je ne sais pas encore qui va gagner le match entre les gouvernés et les gouvernants, même si ce sont géneralemet les loups qui mangent les moutons et non l’inverse, mais je sais par contre que cette affaire de contrôle des internautes offre une opportunité provisoire aux moutons pour qu’ils comprennent fugitivement ce que signifie la condition de mouton. Dans cette instant de lucidité, les loups, moins nombreux, auraient peu de chances de les dévorer.
En France, la situation est propice à cette prise de conscience, dans la mesure où ses politiciens, particulièrement voraces, ont grignoté si rapidement les libertés sur les routes, face à l’alcool, au tabac et à toute déviance dûment estampillée criminogène pour que plus aucun citoyen n’ignore qu’il est devenu un gibier pour une police dont les primes dépendent du nombre de moutons noirs capturés.