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Le blog d'André Boyer

Au pays des solutions

12 Juin 2009 Publié dans #INTERLUDE

Je sais que j’ai tort d’écrire les lignes qui suivent. Je vais attirer encore un peu plus de monde au Maroc, et ce n’est pas forcément une bonne action. Mais puisque je ne m’adresse qu’à des amis…

Depuis la toute première fois en 1967, chaque fois que je quitte le Maroc, j’ai un sentiment de regret qui me fait hâter le moment d’y revenir. Pourtant, ce n’est pas le seul pays que j’aime, loin de là. Mes voisins italiens me permettent d’éclairer instantanément la journée par leur cordialité. Au-delà de la Manche, les Anglais nous démontrent que l’on peut vivre à sa guise sans s’occuper de l’opinion de ses voisins, à commencer dans l’île natale de mon épouse, Jersey. Les Tchèques m’enchantent par leur capacité à travailler dans un des pays les plus romantiques que je connaisse et au sein duquel j’ai vécu beaucoup d’aventures d’ordre  médical universitaire et amical. J’ai beaucoup de respect pour les Polonais dont on ignore injustement le courage ainsi que pour les Roumains et les Bulgares avec qui j’ai longtemps travaillé, assez pour rejeter cette odieuse capacité française à mépriser la plupart des autres peuples européens. Et comment peut-on déconsidérer les Russes, si attachés à leur pays et  souvent bien plus sérieux et éduqués que les Français ? Au Sud, je regrette de ne pas connaître  assez l’Espagne dont, pour d’assez bonnes raisons, les habitants ne nous aiment pas beaucoup et le Portugal dont je reste un amoureux virtuel.

Mais le pays européen où j’irais volontiers m’installer si je bénéficiais de plusieurs vies, c’est la Suède. On peut penser que les Suédois ne sont pas d’un abord très chaleureux, mais leur respect de la nature, leur organisation politique et sociale, la simplicité sophistiquée de leur cadre de vie m’attirent irrésistiblement et depuis longtemps: c’est là que j’ai fait mes premiers voyages en 2CV, que j’ai rencontré de fidèles amis et que j’ai inventé l’Université du Troisième Âge. 

À l’Ouest, je ne connais que les Etats-Unis, le Canada et le Pérou. Les premiers m’ont accueilli dans deux de leurs universités, dont les systèmes d’organisation rationnels m’ont marqué par rapport au nôtre, étouffé par une bureaucratie qui décourage toute velléité de s’intéresser au sort des étudiants. Mais je ne pourrai que difficilement habiter aux Etats-Unis, je m’y sentirai en exil.

Le Canada m’attire davantage : plus de simplicité, moins d’arrogance, une nature illimitée, une double culture. J'y ai été aussi bien apprenti bûcheron que professeur visitant. J’aime le Québec et sa neige, l’Ontario et ses lacs, Vancouver et son île. Je suis chez moi à Kingston où habitent des amis très proches et je sais que je pourrais y vivre en me protégeant des moustiques l’été et chaudement vêtu l’hiver…

Quant au Pérou, il rassemble une population profondément cordiale et les descendants des Incas dont le sort, du fait de l’éradication qu’ils ont subie de leur culture, m’a profondément ému. Il me reste à prendre le temps de découvrir le reste de l’Amérique du Sud.

À l’Est, le Liban m’a fasciné par l’incroyable résilience de ses habitants. La Syrie souvent francophile cache des trésors comme Palmyre, derrière une assez injuste image de pays terroriste. Israël m’a ébahi par sa capacité à s’imposer et m’a ébloui par la lumière dorée de Jérusalem. Il me reste à visiter et à enseigner en Iran où je pressens que de bonnes surprises m’attendent, en contrepoint des caricatures que l’on propage sur cette haute civilisation. Dans un autre univers de pensée, l’Inde et le Népal m’ont permis de découvrir qu’une façon différente de vivre que la nôtre était possible. Au sud, l’archipel indonésien, qui possède à Djakarta une formation à la gestion en langue française que j’ai créée, ne m’a pas livré ses secrets sauf celui de sa retenue. Le Vietnam, qui abrite un peuple aussi courageux que subtil, a fait vibrer en moi toute la nostalgie de l’ancienne Indochine et de ses sortilèges. En Chine, il était déjà évident, il y a un quart de siècle, qu’il fallait y être présent puisqu’il s’y construisait l’usine du XXIe siècle. C’est pourquoi j’y ai créé la première formation de gestion en langue française. Les chinois m’ont impressionné par leur impitoyable réalisme et leur conviction qu’ils forment depuis toujours le centre du monde.

Pourtant, beaucoup plus que la Chine, le Japon m’a fasciné par sa culture incroyablement raffinée, par la beauté qu’il parvient à inscrire dans les moindres replis de son univers et par son obsession à marier modernisme et tradition. Comme en Suède, je pourrais y vivre…

Loin à l’est du Japon, les écrins de la Polynésie m’ont fait un instant rêver d’une autre vie. Au Sud, l'Australie, l'île continent, contient les ingrédients, espace, simplicité, débouchés, pour se fabriquer une autre destinée. Mais je n'ai jamais oublié la grande île de l’hémisphère Sud, Madagascar, qui m’apparaît comme un refuge potentiel. Elle détient tout ce qui est nécessaire pour oublier et se faire oublier, beauté, silence, mélancolie.

Alors que j’attends encore avec impatience de découvrir l’Afrique du Sud, l’Afrique francophone m’a laissé des sentiments mitigés. La morne atmosphère du Gabon m’a déprimé. De très chers amis vivent au Cameroun, pays de la diversité qui mérite d’être découvert. J’ai beaucoup d’affection pour la Côte d’Ivoire, scandaleusement piétinée par la politique française qui a transformé ce modèle de prospérité en bourbier. Je n’ai pas assez connu le Burkina-Faso ou le Mali pour m’en faire une idée forte. Par contre, je reste songeur sur l’image exagérément positive du Sénégal où j’ai vécu trois ans. À mon avis, ni ses paysages ni ses griots ne méritent le voyage, sauf la boudeuse Casamance. La Mauritanie m’a laissé songeur, avec ses océans de sable et de vent. Tout prés de Nice, la Tunisie me semble si familière que je ne vois pas ce que je pourrais y découvrir. L’Algérie, dont je ne connais qu’Alger, la plus belle ville française après Paris, me désespère. Comment De Gaulle a t-il pu y laisser un tel gâchis s’installer au point qu’il n’est pas encore résorbé prés d’un demi-siècle plus tard? et pourtant que de trésors à exploiter, qui n’ont rien en commun avec le pétrole et le nationalisme! un jour peut-être ?

Reste le Maroc. Vous l’avez compris, c’est un pays où je vis avec délectation. Pays de culture, paysages grandioses, architecture somptueuse. Mais ce qui me ravit, c’est mon rapport avec les Marocains. Avec eux, jamais de mépris, encore moins d’indifférence. Le Maroc, c’est le pays où vous êtes le bienvenu, celui où l’on cherche des solutions et où l’on respecte vos choix. Aussi, malgré les différences de langue, de culture, de religion, cette bonne volonté fait du Maroc, en ce qui me concerne, un pays fraternel.

Mais vous n’êtes obligé ni de me croire, ni de partager mes sentiments, ni d’aller au Maroc…

 


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I
J'y suis actuellement dans la ville rouge et je confirme. De très beau paysages, beaucoup de verdures à ne pas y croire et surtout une richesse de couleur à vous couper le souffle.
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