Quand les chiens mordent le maître: l'affaire Baudis
2 Juillet 2009 Publié dans #HISTOIRE
Quand les chiens mordent le maître : l’affaire Baudis
Le 17 juin dernier, en prenant notamment l’exemple du film « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain », j’ai voulu montrer combien les medias avaient du mal à accepter que la vérité ne vienne pas d’eux, comme s’ils étaient ceux qui la détiennent et en disposent. Il leur est même arrivé, à force de se nourrir des phantasmes des fabricants de nouvelles, de se retourner contre eux-mêmes et de mordre cruellement un des membres de l’oligarchie. C’est alors que la contradiction devint insupportable entre les idées reçues et les faits qu’il fallu bien se résoudre à accepter...
L’affaire Baudis apporte un éclairage crû sur la façon dont les medias se prêtent au jeu des rivalités entre les membres de l’oligarchie. En 2003, Alègre, meurtrier de nombreuses femmes dont plusieurs prostituées, fait courir la rumeur, relayée par certains médias et hommes politiques, de l’implication dans ces assassinats de Dominique Baudis, ancien maire de Toulouse et alors Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Des « notables », d’après ces ragots assez rapidement battus en brèche par la contre-attaque de Dominique Baudis, se livreraient à des orgies qui se termineraient par des meurtres exécutés par Patrice Alègre.
L’accusation s’appuyait sur l’une des idées reçues de la société française, héritée de la Révolution et peut-être même de la légende de Barbe Bleue, qui présente les « notables » comme des suceurs de sang du peuple. Ils lui prennent son argent, par extension on pouvait aussi bien concevoir qu’ils deviendraient aisément des vampires. En l’occurrence, on imaginait des « notables » torturant des enfants et des prostituées.
Du fait de l’appartenance de Dominique Baudis à l’oligarchie, il ne fallut guère plus d’une année pour que la vague de la calomnie se retire, une durée exceptionnellement courte pour le système judiciaire français. Sur la grève abandonnée par les vagues successives de bobars, on découvrit progressivement les armes médiatiques utilisées pour nourrir cette extravagante rumeur. La justice, après avoir accordé foi aux déclarations des prostituées excitées par des enquêteurs qui leur apportaient leur soutien, finit par confondre leurs pauvres mensonges. Fanny, l’une des prostituées accusatrices présenta ses excuses après avoir fait connaître au juge qu’elle « n’avait jamais rencontré Dominique Baudis de quelque manière que ce soit » et que sa mise en cause résultait des pressions qu’elle avait subies, notamment de la part des gendarmes. Une autre prostituée, Patricia, vit ses affirmations contredites par les expertises.
Au passage, on découvrit des connivences entre enquêteurs et magistrats plus décidés à « charger » Dominique Baudis qu’à explorer les pistes ouvertes par les dossiers, d’autant plus que ces intrigues laissaient peu de temps pour s’occuper sérieusement de l’enquête. On apprit qu’à plusieurs reprises la justice avait conclu à des suicides alors qu’il s’agissait d’assassinats. On constata que les gendarmes avaient mené des enquêtes hâtives, que le médecin légiste n’avait rien vu, ni les coups reçus ni les fractures subies ni le déplacement des os. La préoccupation la plus urgente des pouvoirs établis, justice, police et gendarmerie, médecins légistes, s’était résumée à classer les dossiers au point que les négligences de l’enquête avaient retardé l’arrestation de l’assassin, lui permettant d’en commettre d’autres.
Dans cette affaire, on vit réapparaître un mépris de fer pour le peuple ordinaire ; on s’instruisit des jalousies sordides qui animent la vie des cours de justice toulousaines. On apprit que les acteurs de la scène judiciaire n’hésitaient pas à truquer les pièces à conviction : les procès verbaux étaient antidatés, les magistrats avaient fait pression pour faire porter les soupçons sur l’un d’entre eux. Derrière les petits poissons du bocal policier et judiciaire, on aperçut l’ombre des grands squales qui avaient contribué à diffuser la rumeur, à lui donner corps. On redécouvrit enfin la violence des relations entre ces grands moralistes qui s’adressent à nous par le truchement des medias.
Les medias n’ont pas eu la peau de Dominique Baudis, elle était trop épaisse. Il reste que, dès lors que les medias étaient invités à fabriquer les événements pour complaire à l’oligarchie, il était logique qu’ils soient tentés à leur tour de manipuler l’oligarchie pour faire et défaire les princes.