La presse la plus subventionnée du monde
24 Juillet 2009 Publié dans #HISTOIRE
Dans un article intitulé « Le Monde, acteur de l’oligarchie », publié le 13 juillet dernier, je rappelai le rôle qu’a voulu jouer le journal Le Monde sur la scène politique. La collusion entre acteurs politiques et médiatiques que ce comportement révèle est finalement institutionnalisée par le système des subventions accordées par le pouvoir politique à la presse écrite.
La France n’est pas le seul pays où la presse soit subventionnée directement et indirectement, mais elle est celui où la presse reçoit le plus de subventions par exemplaire vendu. Malgré cet énorme effort, c’est aussi bizarrement le pays où subsiste le moins de journaux nationaux. À ce titre, la lecture du rapport du 7 juillet 2004 du sénateur Paul Loridant sur le fonds d'aide à la modernisation de la presse est édifiante. Très politiquement, correct, le Sénateur justifie ces subventions par la nécessité d’assurer la liberté de la presse. Pince sans rire, il explique que « les aides publiques à la presse visaient à garantir le pluralisme des opinions dans une société démocratique, afin d'éviter notamment le retour à la situation de l'entre-deux-guerres où des grands groupes industriels dominaient le secteur de la presse ». Il observe cependant que « les aides existantes n'ont permis d'enrayer ni la baisse du lectorat, ni la diminution du nombre de titres et la concentration du secteur, aujourd'hui dominé par deux groupes d'industriels de l'armement », ce qui met à mal les objectifs qu’il a énoncés auparavant quant à la défense du pluralisme d’opinion.
Il indique aussi que les aides à la presse représentent un prélèvement fiscal comparable à la taxe sur l’audiovisuel, un milliard deux cent millions d'euros en 2003 soit vingt Euros par habitant et par année! Après cela, il paraît difficile de croire qu’une presse sous perfusion financière publique se prononce contre la main qui la nourrit. C’est évidemment le but recherché par le pouvoir politique, qui s’est mis dans la situation de ne plus pouvoir réduire ces subventions sans être accusé de vouloir la mort de la presse dite d’opinion…
Le 22 janvier dernier, le Président Sarkozy a présenté ses vœux à la presse, ou plus exactement aux patrons de presse. Il a saisi cette occasion pour les informer des conclusions qu’il tirait des Assises de la presse qui venaient de se dérouler. Des conclusions plutôt positives puisque l’Etat injectera désormais encore plus d’argent dans les journaux : les aides à la presse, qui se montaient déjà à 280 millions d’euros passent à 480 millions d’Euros afin d’aider la profession « à tenir le choc de la crise publicitaire ». Il s’y ajoute des aides aux sites d’information et un doublement des dépenses de publicités faites par l’Etat dans les journaux. Allez après cela mordre la main qui vous nourrit !
Comme d’un côté, le pouvoir politique fournit les revenus financiers dont ont besoin les médias et que par ailleurs les journalistes fréquentent l’oligarchie quotidiennement, ils finissent par s’y identifier. C’est ainsi qu’ils sont intégrés dans une société à part, autonome du reste de la société française mais intégralement financée par les contribuables, à qui ils prétendent dicter leurs lois et leurs opinions.
Il en découle que l’impartialité des journalistes est du même ordre que celle des vendeurs. Les « informations » qu’ils délivrent sont des produits qu’ils vendent : les faits ont bien un fondement réel, mais la description qu’ils en font n’est que conte de leur invention, élaboré pour les besoins de la cause. Les Français le savent si bien que tous les sondages révèlent leur extrême méfiance quant à l’objectivité des informations fournies par les medias, au paradoxal étonnement des journalistes.
À quoi sert finalement cette mécanique essoufflée ? À conserver le pouvoir au sein du petit groupe qui le détient. What else ?