Le Xe anniversaire du règne
Le 30 juillet 2009, le Roi du Maroc, Sa Majesté Mohammed VI, a célébré à Tanger le dixième anniversaire de son règne. À la demande de mon ami Driss Alaoui Mdaghri et en tant que co-auteur d’un ouvrage qu’il a dirigé, j’ai été invité aux cérémonies qui marquaient ce dixième anniversaire. Cet ouvrage, intitulé « Une Ambition Marocaine » fait le bilan de la nouvelle société marocaine qui a émergé au cours de ces dix dernières années.
« Invité » ne signifiait pas simplement un carton d’invitation pour une réception au Palais. L’invitation commençait par un billet d’avion de Nice à Casablanca et elle a continué par la prise en charge complète de mon séjour.
Le mercredi 29, l’accueil a commencé dès le guichet d’enregistrement à Nice où le personnel se souvenait que j’avais pris l’avion quelques jours auparavant pour participer à une conférence de presse et donner une interview dans le cadre du journal télévisé de la 2M, toujours en relation avec l’ouvrage précèdent. Dans le salon de l’aéroport de Nice auquel j’étais invité, j’ai même eu la surprise d’être salué par la fille d’un de mes collègues. Dés la sortie de l’avion à Casablanca, deux personnes m’attendaient dont un policier, ce qui m’a permis de passer les contrôles sans coup férir. Mais ils n’avaient pas le pouvoir de faire venir les bagages sur un tapis volant…
Ce fut ensuite le temps de rejoindre Tanger par l’autoroute, ce qui me laissa le loisir de redécouvrir les paysages du Nord du Maroc et d’apprendre que mon mentor était un ancien étudiant en marketing, ce qui nous donna un sujet de conversation. L’arrivée à Tanger se fit au coucher du soleil. Je découvris une ville-champignon composée de buildings ultramodernes qui ne me sembla pas tout à fait marocaine, je ne sais pas trop pourquoi. L'hôtel qui nous accueillait était lui-même ultra-récent puisqu’il ne date que d’un mois.
C’est alors que j’ai commencé à faire connaissance avec mes co-invités qui ont écrit ensemble un livre édité par le CNRS sur les dix dernières années du Maroc, « Le Maroc en Marche », un ouvrage en accord presque parfait avec celui que nous avons écrit, sans nous concerter. Nous montrons au travers de ces travaux parallèles et indépendants que le Maroc, quoiqu’en disent quelques journalistes en mal de sensationnel négatif (personne ne s’intéresse aux trains qui arrivent à l’heure, disent-ils) est justement à l’heure du monde moderne et qu’il avance à bonne vitesse. Il suffit de s’y rendre pour le voir par soi-même, ce qui est toujours le meilleur remède à la désinformation qui règne sur nos medias (voir dans mon blog le chapitre sur l’oligarchie qui gouverne notre pays).
Le jeudi 30, avant la réception au Palais et le déjeuner à l’invitation du Premier Ministre, j’ai fait mieux connaissance de celui qui a organisé notre voyage avec beaucoup de méthode, de dévouement et d’amitié, de son équipe, de mes co-invités, des juristes de droit public, un économiste (ce dernier a écrit deux ouvrages sur le développement du Maroc), d’une journaliste ainsi que de leurs époux et épouses, et d’une chef d’entreprise, députée marocaine, qui anime le groupe des femmes dirigeantes. Nous avons ensuite pris le chemin du Palais du Roi à Tanger, pour attendre à l’abri du soleil le moment où les portes du Palais s’ouvriraient. Il y avait mille à mille cinq cent personnes représentant les corps constitués du Maroc, députés, fonctionnaires, militaires, hommes d’affaires auxquels s’ajoutait une centaine d’invités étrangers. Au bout d’une heure d’attente, nous avons pu franchir les arceaux de sécurité non sans nous être débarrassés au préalable de nos téléphones portables, appareils photos ou autres matériels électroniques.
Ce fut pour passer à côté des troupes en grand apparat, blanc et rouge ou en uniforme orange, ces dernières me donnant l'impression de porter une tenue d’un autre temps, avant de nous ranger le long de deux tentes d’une centaine de mètres de long dressées parallèlement. Face à ces deux tentes était installé le trône royal. Sous les tentes, des pâtisseries marocaines, des boissons heureusement, et du chocolat qui eut hélas le temps de fondre dans mes mains lorsque je finis par céder à la tentation de le goûter. Je trouvais aussi le temps de donner une petite interview à deux journalistes du New York Times et de constater que cette nouvelle attente d’une heure et demie n’était pas sans provoquer quelques évanouissements, en raison de la température qui dépassait sans nul doute 35 degrés.
Puis la garde s’est mis à jouer une marche au son des fifres, rythmée par de très graves tambours. Le roi a alors descendu les marches du palais pour s’asseoir sur le trône. Il était à une trentaine de mètres de l’endroit où je me trouvais. Il y a reçu des invités de marque qui montaient face à lui. Puis il a décoré quelques personnes dont une sociologue qui a écrit un livre que je vous recommande, « Au-delà de toute pudeur ». Cela a bien duré encore une demi-heure. Le roi s'est alors avancé vers les tentes. Il est passé à trois mètres de moi, le temps de voir que lui aussi avait très chaud. Il a pris le temps de saluer l’ensemble des invités avant de partir au son des fifres et des tambours.
J'ai enfin retrouvé mon ami Driss Alaoui dans la foule qui s'écoulait, puis j’ai rejoint l’un de nos mini bus perdu au milieu d’une forêt de Mercedes rejetant la chaleur vibrante de leurs climatiseurs à plein régime. Il nous restait à nous rendre au repas que donnait le Premier Ministre au Golf de Tanger. Ce fut un excellent déjeuner, avec des fruits de mer, de la pastilla, du mouton, du couscous, du fromage et des desserts, servi très rapidement par le grand traiteur Rahal, connu internationalement puisqu’il traite entre autre le sommet de Davos en Suisse. Heureusement que ce fut rapide car la température dépassait 40 degrés sous l’immense tente qui abritait 1500 personnes.
Après un repos à notre avis bien mérité, nous revinrent en fin d’après-midi prendre un thé à la menthe dans un magnifique café qui fait face à Gibraltar. On y voit des jeunes gens, assis en rang face à l’Espagne, tout un symbole. La villa contiguë au café, célèbre (mais j’ai oublié son nom), appartient à un autre symbole, bobo cette fois, BHL. Nous avons utilisé la soirée pour faire mieux connaissance et pour partager notre attachement au Maroc.
Le vendredi 31 fut une magnifique journée. En début d’après-midi, nous nous sommes rendu à Tétouan pour assister à la cérémonie des corps constitués, fonctionnaires, députés, tribus, au cours de laquelle ils font annuellement allégeance au Roi. Tétouan est une ville fortifiée située un peu à l’intérieur des terres. Imaginez une place blanche de 200 mètres de côté (voir photo en vignette), sur laquelle sont disposés, outre un millier de personnes, des troupes à cheval et une estrade où sont installés à l’abri du soleil cent à deux invités, dont nous. Noble spectacle que la sortie du Roi sur un grand cheval noir devant les rangées de notables se prosternant au fur et à mesure qu’il avance parmi eux, suivi par un splendide carrosse rouge. La musique militaire résonne sur la place, la cavalerie suit le Roi dont la monture bronche, affolée par la foule. Puis chacun se disperse alors que le Roi repart au volant d’un cabriolet, Mercedes bien sûr.
Nous nous dirigeons alors à travers le Rif vers la côte méditerranéenne à bord d’un convoi de mini vans dans lequel ne manque même pas le véhicule de secours, si d’aventure l’un des nôtres venait à tomber en panne : organisation militaire. Le bord de mer est aménagé en plages superbes bordées de marinas entourées de végétation luxuriante: la côte méditerranéenne du Maroc a un grand avenir. Aux abords de Tanger, nous sommes impressionnés par la triple frontière métallique de 7 mètres de haut qui ceinture l’enclave de Ceuta, n’empêchant pas nous dit-on les plus déterminés ou les plus désespérés des candidats à l’émigration de tenter le franchissement. Dans les forêts du Rif, des milliers de clandestins préparent leur passage vers l’eldorado de Schengen et cent mille autres sont dispersés à travers le Maroc. Terrible réalité Europeo-Africaine de la misère et du désespoir, auquel le Maroc est mêlé en tant que lieu de transit et de plus en plus souvent en tant que terre d’accueil.
Puis nous passons le long d’un port de conteneurs ultramoderne qui préfigure le Maroc de demain. Cent mille navires transitent par le détroit de Tanger chaque année et Tanger-Med dépasse déjà Marseille en tant que centre logistique des conteneurs. Il ambitionne de tripler sa capacité en quelques années, avec comme arguments une organisation ultramoderne et des coûts huit fois plus bas que ses concurrents européens.
Le soir, j’ai la chance de déjeuner avec un couple remarquable, les deux époux ayant été autrefois mes étudiants. Lui est en charge des investissements de Tanger, autant dire du centre d’investissement le plus actif du royaume, elle est professeur auprès de l’ENCG de Tanger que j’ai autrefois contribué à configurer. Je me promets de travailler plus étroitement avec eux à l’avenir.
Le samedi 1er, nous partons pour Skhirat jusqu’à rejoindre en début d’après-midi un très bel hôtel le long de l’océan. Le temps de quelque repos et nos hôtes nous rejoignent avec des cadeaux qui, si c’était nécessaire, nous empêcheront à jamais d’oublier leur extraordinaire hospitalité. C’est le temps pour moi de me séparer de mes excellents compagnons et accompagnateurs et de rejoindre à Casablanca mes amis Driss Alaoui et Mustapha El Baze qui trouvent que le séjour n’est pas encore assez rempli. Il doit se terminer à leur avis par la participation à un beau mariage dans les environs de Casablanca, où j’ai encore l’opportunité de faire quelques dernières rencontres avant d’aller enfin dormir.
Le dimanche 2, il ne me restait plus qu’à prendre l’avion pour Nice. Pendant le voyage, j’eu encore le loisir d’écouter mon voisin de siège me raconter sa vie d’entrepreneur français au…Gabon et de rassembler mes souvenirs de ce voyage, qui m’a permis de faire des rencontres mémorables et de garder en moi l’image d’une société marocaine vigoureuse. Alors que notre République doit se contenter d’invoquer les droits de l’homme qu’elle est supposée avoir inventé je ne sais quand mais sûrement pas pendant la Terreur, le Maroc, à l’opposé de ce mythe mensonger, montre au travers de ses cérémonies traditionnelles sa foi dans une manière de vivre et de transmettre des valeurs forgées non pas par le raisonnement mais par l'accumulation des œuvres de ses ancêtres. Il n’a visiblement pas l’intention d’y renoncer et c’est tant mieux pour nous tous, que nous soyons Marocains ou simples étrangers, adeptes de l’équilibre entre la tradition et la modernité pour faire face aux défis du monde moderne[1].
[1] Voir mon article « Le pays des solutions ».