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Le blog d'André Boyer

L'oligarchie face au peuple

11 Août 2009 Publié dans #HISTOIRE

Dans un article intitulé « La presse la plus subventionnée du monde » publié le 24 juillet dernier, je montrais à quel point les medias et la presse en particulier avaient parti lié avec l’oligarchie. Si bien que l’on peut se demander si nos élus ne devraient pas expurger le Robert. En effet, la définition que ce dernier donne de la démocratie doit leur paraître séditieuse, voire factieuse, puisque ce dictionnaire la qualifie de doctrine politique qui « place l’origine du pouvoir politique dans la volonté collective des citoyens ». Quelle horreur !

Il est frappant en effet d’observer la distance croissante entre les élites politiques, médiatiques et économiques et le peuple de France.  Ainsi, en matière d’Europe, il y a belle lurette que la majeure partie des « élites », éprises de culture et de communication entre les peuples[1], aspire à dépasser le cadre de l’État nation pour bâtir un nouvel ordre international dont l’Europe semble le cadre naturel. Les deux guerres mondiales et la montée en puissance des Etats-Unis les ont convaincus qu’il fallait bâtir une fédération européenne d’États pour répondre aux défis du XXIe siècle. Logiquement, elles ont initié un mouvement  de renoncement à la nation qui rencontre l’inquiétude des populations ; ces dernières l’expriment par de fréquents votes négatifs aux rares referendums sur les traités européens que les « élites » préfèrent entériner dans le cadre feutré des Parlements nationaux.

En France, dés 1992, les ouvriers, les employés et les personnes les moins diplômées ont voté contre son approbation le traité de Maastricht. Ce vote clamait la crainte devant un avenir que l’on ne maîtrisait pas et le sentiment d’être tenu à l’écart d’une construction économique et juridique dont il était difficile de prévoir les conséquences. Alors que lors du referendum sur le traité de Maastricht le « oui » n’avait recueilli que 51% des suffrages exprimés après une campagne effrénée des élites politiques appuyées par l’ensemble des médias, les politiciens ont agi ensuite comme s’ils avaient obtenu un blanc-seing. Sur la lancée de ce traité, les « élites » ont organisé l’adhésion à l’Euro et l’élargissement de l’Union Européenne à vingt-cinq pays pour aboutir au fiasco de la Constitution Européenne qui a été désapprouvée par 56% des votants. Ce retour de bâton du vote populaire pose la question de savoir jusqu’où iront les « élites » dans leur viol de la conscience collective de la population française ? Le traité de Lisbonne a été approuvé par le Parlement, sans que les électeurs n’aient été consulté.

C’est ainsi que la « démocratie » française devient un « machin » aveugle et sourd aux attentes de la population.

Dans l’état actuel des rapports de force entre l’oligarchie et le peuple, les règles qui définissent les pouvoirs respectifs des citoyens et de leurs « représentants » sont telles que les « élites » peuvent se constituer en oligarchie fermée sans crainte d’être déboulonnée du pouvoir. 

En France, il est possible en effet de changer le texte de la Constitution sans que les citoyens soient consultés : il suffit de la majorité qualifiée des deux Assemblées. De 1992 à 2007, la Constitution a été modifiée pas moins de quinze fois, soit une fois par an en moyenne. Sur ces quinze modifications, le président de la République a estimé à trois reprises seulement que l’approbation directe de la population s’imposait.

En France, les citoyens n’ont le droit de répondre aux seules questions que décide de leur poser le président de la République. Il n’existe ni referendum d’initiative populaire, ni referendum d’origine parlementaire.

En France, le droit d’expression y est l’un des plus limité d’Europe, encadré par la loi Gayssot qui réprime « tout propos raciste, antisémite ou xénophobe » ou plus récemment par des lois qui décident que le génocide arménien est une vérité officielle ou qui détermine l’orientation des programmes scolaires sur l’esclavage. La surveillance de la pensée est assurée par des associations subventionnées par l’État qui se chargent de porter plainte contre les propos qui les dérange.

En France, les syndicats dits représentatifs sont les plus faibles d’Europe, mais ils ont le monopole du mandat des salariés, le monopole expliquant la faiblesse du nombre des adhésions.

En France, les élus ont la faculté de modifier le système électoral qui les régit à la simple majorité des voix de l’Assemblée. Ils ne sont pas privés de ce pouvoir, Mitterrand instituant la proportionnelle en 1986 pour gêner le retour de la droite au pouvoir et Chirac rétablissant l’élection des députés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre de cinq cent soixante-dix-sept circonscriptions pour empêcher les petits partis d’obtenir des sièges de députés. Depuis 1981, les députés ont également modifié à trois reprises la loi électorale des régions, passant du vote par département au vote par région, puis au vote par région avec des sections départementales. Ces réformes visent toutes à limiter le choix des citoyens aux deux équipes politiques qui s’arrangent pour se réserver le pouvoir. 

En France, les élus ont le droit de renouveler indéfiniment leurs mandats tout en les cumulant, dans certaines limites.

En France, le président de la République possède les pouvoirs les plus étendus accordés à un chef d’État dans une démocratie occidentale sur sa population et la concentration du pouvoir au niveau de l’État y est la plus élevée d’Europe, aux dépens des régions.

Au total, des règles constitutionnelles et électorales à la discrétion du président de la République qui a tous les moyens de se faire obéir par sa majorité ; des élus qui font intégralement carrière dans la vie politique, des citoyens dont le droit d’expression et de coalition est étroitement contrôlé et qui n’ont le droit de prendre aucune initiative.

En outre, avec un pouvoir politique totalement concentré à la tête de l’État, l’organisation politique de la France exprime la volonté de museler les opinions, de contrôler les revendications et d’empêcher leur expression en dehors des voies balisées par la classe politique.

 



[1] Madame de Staël, Saint-Simon, Victor Hugo, Renan, Jaurès, comptent parmi les hérauts anciens de ce supranationalisme historique.

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