Au son de la cloche des Cordeliers
Dans la longue série d’articles que j’ai entrepris de publier sur les agissements et les résultats du pouvoir politique français, pouvoir centralisé, pouvoir fondé sur le caractère sacré de son origine, tout d’abord supposé divin puis présumé fondé sur les Droits de l’Homme, il faut que vous reveniez au blog du 28 novembre 2011 pour trouver l’antécédent de ce blog.
J’y présentais la première constitution française, constitution royale, constitution démocratique, sans doute trop démocratique pour les forces politiques à l’œuvre en 1791 puisqu’elle vécut moins d’un an.
Dés que la Constitution fut mise en œuvre en octobre 1791, une fois les députés élus, il fut tout de suite patent que le couple formé par l’Assemblée législative et le roi Louis XVI fonctionnait mal. L’Assemblée rêvait d’un roi constitutionnel qui accepterait volontiers l’amputation permanente de son pouvoir. Or, Louis XVI s’y refusait depuis le début de la Révolution, exactement depuis le 9 juillet 1789, date à laquelle les Ètats Généraux s’étaient déclarés Assemblée Constituante.
Contraint par la rue et l’Assemblée, ramené de force aux Tuileries après la fuite à Varennes, il faisait constamment de la résistance. Puisque la Constitution lui avait octroyé un droit de veto, il se mit tout de suite à en user largement. Il se mit à renvoyer les ministres, pendant que l’Assemblée de son côté prenait constamment des mesures contre le clergé ou les immigrés, poussée qu’elle était à la surenchère par la pression qu’exerçait sur elle une foule parisienne manipulée par des agitateurs.
C’est ainsi que l’Assemblée prit l’initiative, invoquant l’appui que l’empereur Léopold II apportait aux immigrés, de déclarer le 20 avril 1792 la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie », ouvrant vingt-trois années de guerres européennes presque ininterrompues. Dès lors, la tension ne cessa de croître entre le roi qui s’opposait aux décrets sur la déportation des prêtres réfractaires et les militants des faubourgs parisiens, conduits notamment par le riche brasseur Santerre, celui-là même qui mènera le 10 août 1792 l’assaut contre les Tuileries. Ces militants envahirent donc une première fois les Tuileries pour lui demander de retirer son veto. Ce roi réputé faible ne céda pas, pas plus que l’Assemblée. Une pétition circula le lendemain pour demander la punition des émeutiers tandis que le Roi publiait une proclamation pour condamner cette intrusion et passait fermement en revue un bataillon de la garde nationale.
Après ce grave incident, l’Assemblée fut accablée par les membres du Club des Jacobins de demandes de déchéance du Roi auxquelles elle avait de plus en plus de mal à résister.
Le pouvoir était à prendre.
Il fut pris.
Lorsque la cloche des Cordeliers se mit à carillonner, à minuit moins le quart le 9 août 1792, pour donner le signal aux sections de la Commune insurrectionnelle pilotée par Danton de l’occupation de l’Hôtel de Ville, nul ne savait encore qu’elle sonnait le glas d’un millénaire de royauté. Nul ne se doutait non plus que les nouveaux dirigeants, qui allaient s’emparer facilement par la force des commandes de l’État le 10 aout 1792, allaient déchainer pendant les deux années suivantes la tempête politique la plus violente qu’ait jamais connu la France dans toute son histoire, sous le nom tout à fait approprié de Terreur.
Comment s’étaient organisés ces hommes ? Députés, avocats, comploteurs aguerris, ils avaient formé hors de l’Assemblée un comité destiné à préparer une insurrection. Cette dernière commença par la prise de l’Hôtel de Ville de Paris.
Le bâtiment occupé, ils y convoquent le chef de la garde nationale, le marquis de Mandat, qu’ils abattent immédiatement afin de désorganiser la garde. Puis ils marchent sur les Tuileries, protégées par les gardes suisses et les gardes nationaux. Ces derniers, désorientés par la mort de leur chef, font en partie défection. Le roi, avec sa famille, cherche alors refuge à l'Assemblée.
Au matin du 10 août, le jardin des Tuileries est investi, les Suisses barricadés dans le palais déclenchent une fusillade qui met hors de combat une centaine d'assaillants, mais ils restent encerclés par les émeutiers du faubourg Saint-Antoine. C’est alors que le Roi, sur l’insistance des députés, signe un billet donnant l'ordre aux Suisses d'arrêter le combat et de se rendre. Mal leur en prit d’obeir, puisqu’ils furent presque tous, huit cent personnes au total, massacrés par les émeutiers qui en profitèrent pour piller les Tuileries.
Le Roi et sa famille se retrouvent alors sans protection, autre que celle des députés qui les entourent. Ils sont à la merci des émeutiers qui, après les Tuileries, envahissent les bâtiments de l’Assemblée et contraignent les députés qui n’avaient pas encore fui à prononcer la suspension du Roi et à mettre fin immédiatement au mandat de l’Assemblée qui courait jusqu’au 30 septembre 1793. Les comploteurs ont en effet décidé que l’Assemblée serait remplacée par une Convention dont le but affiché serait d’élaborer une nouvelle constitution.
Quant à Louis XVI et sa famille, ils furent faits prisonniers par la commune insurrectionnelle de Paris.
Le royaume de France, sa constitution et la légalité avaient vécu.