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Le blog d'André Boyer

Ce n'est point ici le pays de la vérité

20 Juin 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

Dans mon article du 4 juin dernier je déclarais aimer, ou plutôt admirer, la lucidité et le courage de Pascal. C’est qu’il nous posait, à chacun d’entre nous, LA question susceptible de nous toucher au plus profond de nous même «  Qui suis je ? », une question impitoyable…

woman1_19.jpgOui, qui suis-je ? Question dramatique pour l’homme, car comment découvrir en soi les réponses ? Et comment prétendre ignorer la question, une fois qu’elle est posée ? Ah, comme l’on envie alors les petits « montaignes » affairés à leurs bricolages, loisirs et petits tracas en tout genre. Vive les soucis quotidiens, la météo pourrie, le patron désagréable, les peines de coeur et même les maladies qui se soignent !

Il est vrai que le doute qui assaille l’homme pascalien ne peut qu’engendrer l’effroi, puisqu’il lui annonce que la science sera, à jamais, incapable de parvenir aux vérités pour lesquelles il est prêt à vivre et à mourir. Du coup, toutes, absolument toutes les entreprises humaines en deviennent définitivement inintelligibles, pour ne pas dire absurdes, y compris pour moi celle d’écrire ces lignes et pour vous de les lire.

Pascal est l’un des rares, suivi entre autres par Kierkegaard, qui ait eu l’audace de dire que la vérité ne se trouvait pas là où les hommes prétendaient l’avoir trouvé, c’est-à-dire qu’elle ne se trouvait pas, et ne se trouverait jamais, dans la science. Il pousse l’outrage à la science jusqu’à demander des comptes à la raison : « Ce n’est point ici le pays de la vérité, elle erre inconnue parmi les hommes » (843). Et Pascal d’observer malicieusement que l’homme ne pratique guère cette raison dont il se glorifie : « l’homme n’agit point par la raison, qui fait son être » (439), car « l’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête » (358).

 Il enfonce encore le clou en nous rappelant cette évidence :

« Il n’est pas en notre pouvoir de régler le cœur » (467).

Dès lors, s’il n’est de vérité que précaire, instable, c’est la raison de l’homme elle-même qui doit l’inciter à relativiser la valeur de la raison, puis à porter son regard au-delà de l’horizon. De son côté Pascal enrage, lorsqu’il constate que certains « passent leur vie sans penser à cette dernière fin de la vie, et qui, par cette seule raison qu’ils ne trouvent pas en eux-mêmes les lumières qui les en persuadent, négligent de les chercher ailleurs » (194).

Ainsi : « ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C’est une chose monstrueuse de voir dans un même cœur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes. » (194)

De toutes façons : « Il faut parier. Cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqué. » (233), car  nous sommes embarqués sur un navire dont les passagers sont désormais convaincus qu’il n’a pas de capitaine.

Que faire ?

Au minimum, nous pouvons choisir de faire la fête en nous joignant à la troupe des « montaignes », tout en sachant bien que le dernier acte sera sanglant. Nous avons également la possibilité de jouer avec notre raison, en faisant semblant de croire que toutes les raisons humaines accumulées finiront par nous permettre de nous évader du navire. Parce que, si ce maudit bateau n’a pas de capitaine, tout est fichu, il ne nous reste plus qu’à choisir entre la résignation et le subterfuge…

Que faire sans capitaine ?

D’ailleurs, qui nous fait croire qu’il n’y a pas de capitaine ?

L’orgueil.

 

 

 

 

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