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Le blog d'André Boyer

Contre Jeanne d'Arc

11 Janvier 2012 Publié dans #HISTOIRE

 

Rassurez vous, je ne vais pas m’attaquer à la personne de Jeanne d’Arc mais plutôt à l’utilisation qu’en ont fait les rois de France en particulier et l’oligarchie au pouvoir en France en général.

 

epee.jpgC’est entendu, Jeanne d’Arc est une jeune fille née en 1412 à Domrémy et condamnée au bûcher le 30 mai 1431 à Rouen à l’âge de dix-neuf ans. Dix-neuf ans ! Elle fait partie d’une famille de laboureurs nommée « Darc », qui sera plus tard  anoblie par Charles VII et changera son nom en d'Arc.

Dés 13 ans, la fillette avait déclaré qu’une apparition lui ordonnait de conduire le dauphin à Reims pour le faire sacrer Roi de France afin de « bouter les Anglais hors de France ». Elle finit par en convaincre sa famille et les nobles des alentours qui la conduisent à 17 ans jusqu’à Chinon où elle y rencontre le Dauphin Charles en mars 1429 qui, à cette date, n’a plus aucun droit à la couronne de France. Son père, le Roi Charles VI l’a en effet déshérité au profit du roi d'Angleterre, Henri VI, qui est en outre  reconnu roi de France par l’Église et l’Université de Paris. Mais il s’accroche au pouvoir, comme tout politique.

Le Dauphin écoute Jeanne, sent que son dévouement naïf et inconditionnel peut lui être utile. Il  lui donne une armure, une garde de quelques hommes et l'autorise à se joindre au convoi de 4000 hommes qui se porte au secours d’Orléans, clef de voûte de la défense des territoires qu’il contrôle. À l’aide de ces renforts et de l’emblème que représente Jeanne d’Arc, le commandant de la place, Jean de Dunois, oblige les Anglais, trop peu nombreux et lâchés par les Bourguignons, à lever le siège de la ville par une série de coups de main en mai 1429. Adoubée par les orléanais, Jeanne est bien le symbole dont a besoin le Dauphin pour asseoir sa légitimité de roi. Exaltant la résistance populaire aux Anglais qu’elle représente, il en profite pour marcher sur Reims où il se fait sacrer Roi, tandis que le jeune Henri VI est sacré à peu près au même moment à Notre Dame de Paris. Deux rois désormais se disputent la France.

Celui qui est désormais Charles VII, après avoir vainement tenté de prendre Paris, entame des négociations avec le Duc de Bourgogne. Quant à la pauvre Jeanne d’Arc qui ne lui est plus d’aucune utilité dans la grande politique qu’il mène, il s'en débarasse en l'envoyant, puisqu’elle a pris goût à la guerre, se battre contre les brigands, les fameuses grandes compagnies.

Le 24 mai 1430, elle est faite prisonnière et elle a de la valeur, puisque Charles VII en a fait à Reims un instrument de son pouvoir. Aussi, son vainqueur la vend-il  pour dix mille livres aux Anglais qui souhaitent neutraliser ce symbole de résistance contre leur main-mise sur les territoires contrôlés par Charles VII. L’évêque Pierre Cauchon se charge de la besogne en la condamnant au bûcher parce qu’elle porte des habits d’homme. Terrorisée, elle abjure et accepte de porter des habits de femme, mais battue, insultée et peut-être violée dans sa cellule, elle se résout à accepter le bûcher plutôt que de finir sa vie dans les fers. Elle est brûlée vive le 30 mai 1431, à la grande satisfaction des Anglais.

 

Mais Charles VII continue de manœuvrer avec habileté. Il signe le traité de paix d’Arras en 1435 avec Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Ce dernier renonce à son alliance avec les Anglais contre de nouveaux territoires et l’indépendance de fait octroyée au Duché de Bourgogne par Charles VII qui, en échange, obtient d’être reconnu comme roi de France par la grande puissance que représente le  Duc de Bourgogne. En perdant l’alliance de ce dernier, Henri VI voit le rapport des forces s’inverser contre lui. Dés 1436, Charles VII reprend Paris. De trêves en batailles, les hostilités s’achèvent avec la victoire de Castillon le 17 juillet 1453, qui met fin à la guerre de Cent Ans. Vainqueur d’Henri VI, Charles VII a un second titre de gloire: il est l’inventeur, en novembre 1439, du premier impôt permanent institué en France, la taille...

Quel rôle joue Jeanne d’Arc dans cette histoire où un roi, Charles VII, impose son pouvoir à un autre roi, Henri VI ?

Michelet nous en donne la clef lorsqu’il écrit la magnifique et fallacieuse phrase suivante : « Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie chez nous est née du cœur d'une femme, de sa tendresse et des larmes, du sang qu'elle a donné pour nous. ». Pour nous, c’est sûr ? Pour Michelet en tout cas, Jeanne d’Arc, cette femme aux origines modestes, cristallise le sentiment national du peuple français. Elle a accompli jusqu’au sacrifice de sa vie la mission sacrée au service de la France que lui a assigné Dieu. Ce faisant, Michelet a parfaitement compris le rôle que Charles VII a donné à Jeanne d’Arc, celui de sanctifier son règne, mais il fait mine de confondre les intérêts de la France et ceux du Dauphin Charles.

Rêvons un peu en effet : si les royaumes de France et d’Angleterre avaient été réunis à la fin du XVe siècle, l’histoire de l’Europe et de la France auraient été différentes et peut-être plus bénéfiques pour ses peuples. C’est pourquoi, sans aller tout à fait jusqu’à porter le même jugement que l'Encyclopédie de Diderot qui décrivait Jeanne d’Arc comme une « idiote manipulée par des fripons », je suis contre Jeanne d’Arc : sous couvert de « la France », cette authentique héroïne ne sert qu’à exalter le sacrifice du peuple au profit du pouvoir.

 

 

C’est exactement ce qu’a fait Charles VII à son égard. Par le sacre de Reims sanctifié par Jeanne d’Arc, il a imposé son pouvoir face à Henri VI. Qu’y a gagné « la France » ? De ne pas être réunie à l’Angleterre. Il est significatif que l’on ne se pose pas cette question sous la forme suivante : qu’y ont gagné les Français ?...

 

 

 

 

 

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B
<br /> oui, on ne sait pas ce qui se serait passé si le Roi d'Angleterre était devenu Roi de France. Quant à l'hypothèse du passage par la phase nationale pour aller vers la phase européenne, elle se<br /> discute aussi. La France est à l'origine de la montée et de l'antagonisme des nations, on a vu ce que cela a donné (Napoléon, la guerre de 14) , il n'est pas sur qu'elle était nécessaire pour<br /> passer à la phase européenne. <br /> <br /> <br /> Mais ce que j'ai surtout voulu montrer, ce sont deux observations connexes: <br /> <br /> <br /> 1 la manipulation de l'opinion au travers du mythe Jeanne d'Arc.<br /> <br /> <br /> 2 la confusion réussie entre l'intérêt d'une caste politique (Charles VII) et la Nation. <br />
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M
<br /> Rien gagné, sans doute, à terme. Mais pouvait-on faire l'économie d'une phase de construction de la nation et du sentiment national français ? Passer directement à une phase supranationale que<br /> l'on n'arrive toujours pas à atteindre en Europe ? Les tentatives, pourtant n'ont pas manqué (Charles Quint, Louis XIV, Napoléon, Hitler...)<br />
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P
<br /> PS. -erratum- En 1956 : Kroutchev (Staline mort en 1953)<br />
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B
<br /> Cher Philippe, je suis entièrement d'accord avec ton commentaire et tout particulièrement avec sa conclusion<br />
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P
<br /> En effet, André, bel exemple de récupération.<br /> <br /> <br /> Ceci dit, si un roi anglais avait succédé à Charles VI, il n'est pas dit que ce roi ou ses descendants auraient conservé la couronne de France. Ses alliés et vassaux français l'auraient<br /> évidemment trahi au moment opportun.<br /> <br /> <br /> Auparavant, Guillaume le Conquérant n'avait pu étendre son duché de Normandie vers la France mais il avait inauguré une très longue épopée de guerres anglo-françaises. Puis, à partir<br /> d'Edouard III en 1338 jusqu'à George III en 1801, les rois d'Angleterre revendiquent la couronne de France, Edouard III étant le petit-fils de Philippe IV le Bel qui avait donné sa fille Isabelle<br /> en mariage au futur Edouard II, espérant à tort que ce dernier, réputé homosexuel, n'ait pas d'enfant et lui permette, à lui ou à ses descendants, de revendiquer la couronne d'Angleterre après<br /> Edouard II.<br /> <br /> <br /> On apprenait en 2007 que cette longue histoire avait connu un improbable rebondissement en 1956 : Guy Mollet avait apparemment envisagé qu'Elisabeth II fût reine de France! Des discussions<br /> avortées ont eu lieu à ce sujet avec le Premier ministre britannique Anthony Eden, dans le cadre de l'alliance franco-britannique, pendant la crise du canal de Suez. Alliance malheureuse car<br /> Français et Britanniques avaient sous-estimé l’appui de l'URSS à l'Egypte du lion Nasser. Puis les Etats-Unis lâchaient -pour une fois, dirons-nous après coup- le R-U et Israël, troisième larron<br /> allié aux Franco-Britanniques, de peur de voir Staline déclencher l'apocalypse. On connaît la suite pour les colonies françaises et britanniques. Cela permettait finalement aux Etats-Unis de<br /> bipolariser encore davantage le monde, jusqu'à l'Otanisation de l'Europe et de l'Asie centrale, quasiment achevée de nos jours. Avec quelques dégâts collatéraux comme la Yougoslavie, la Serbie en<br /> particulier, laquelle avait déjà servi de tampon sanglant entre les deux grands Empires qui se sont disputé les Balkans pendant cinq siècles et avait été trahie par les Alliés à la fin de la<br /> seconde guerre mondiale, dans les marchandages de Churchill et Staline. Mais ce n'était pas la dernière trahison qu'allait subir cette valeureuse nation.<br /> <br /> <br /> Si vous avez entendu dire sur radio Otan que le Kosovo, berceau de la Serbie où les Serbes sont finalement devenus minoritaires à cause d'exodes forcés successifs et d'immigration économique<br /> albanaise, avait été "sauvé" par l'une des plus grandes opérations d'anéantissement systématique jamais vue dans l'histoire post seconde guerre mondiale (78 jours de bombardement massif de la<br /> Serbie par l'armada de l'Otan au printemps 1999), demandez-vous ce qu'il y a au Kosovo, dans son sol, qui dirige réellement ce pseudo-Etat, quelle est sa situation stratégique et pourquoi on n'a<br /> plus entendu parler d'un rapport accablant de Dick Marty du Conseil de l'Europe sur les activités criminelles de ses dirigeants marionnettes, ex-chefs du plus puissant réseau criminel en Europe<br /> pour les trafics de drogue et d'êtres humains, ayant fait du trafic d'organes, non seulement au vu et au su mais avec la complicité active de plusieurs chancelleries occidentales, jusqu'au plus<br /> haut niveau. Mais vous pensez bien que des gens aussi respectables n'iront jamais à la Haye. Le Kosovo reste donc une ébauche d'Etat, sous perfusion de la communauté internationale mais toujours<br /> gangrené par une corruption originelle et confronté à l'organisation clanique de la société albanaise. La guerre de l'Otan a abouti à chasser du Kosovo la plupart des Serbes qui y vivaient encore<br /> et à laisser détruire leur patrimoine historique, au vu de la Kfor. Ensuite, l'indépendance, factice, car sous protectorat de fait de ses sponsors, a été déclarée unilatéralement, en 2008. A<br /> ce jour, cette déclaration, soutenue par ses sponsors habituels, n'est pas reconnue par l'ONU et va à l'encontre de la garantie de souveraineté inaliénable reconnue à la Serbie en 1999.<br /> <br /> <br /> Ce qui précède n'est pas sans rapport avec la question iconoclaste soulevée dans la conclusion de l'article. L'issue de la guerre de cents ans fut-elle une bonne chose pour les Français?<br /> (globalement parlant, car le brave peuple français, comme tous les peuples, n'est pas le premier souci de la caste qui exerce le pouvoir)<br /> <br /> <br /> Dans la même logique, qu'ont gagné les Anglais et d'autres à repousser le petit général corse devenu empereur? -je ne cautionne rien du tout- On pourrait multiplier les exemples jusqu'aux<br /> évènements les plus récents du côté Sud de la Méditerranée. Pauvres peuples qui croient mener des combats et se sacrifier pour leur liberté mais qui en donnent les fruits à leurs futurs<br /> oppresseurs. Etre opprimés de l'intérieur, dans l'apparence d'une démocratie qui n'a jamais existé, même si on peut trouver pire, c'est que nous vivons au quotidien, me semble-t-il.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> P%M.<br />
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